CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1L’émancipation ou l’empowerment des femmes dans les pays du Sud est aujourd’hui un objectif affiché par l’ensemble des agences multilatérales et bilatérales de développement et par de nombreuses ONG internationales. Comme le souligne Jeanne Bisilliat [2000, p. 24], depuis les années quatre-vingt-dix, l’empowerment des femmes est devenu l’une des notions « politiquement correctes dont tous les organismes internationaux, du moins sur le plan des énoncés discursifs, ne peuvent se passer ». Promouvoir l’égalité des sexes et « l’autonomisation des femmes » est d’ailleurs l’un des huit objectifs du Millénaire pour le développement. De l’indice sexospécifique de développement humain à l’indice de participation des femmes à la vie économique et politique (le Gender Empowerment Measure), les indicateurs visant à mesurer les progrès accomplis en matière d’égalité homme-femme et d’émancipation féminine se sont également multipliés. Si ces indicateurs permettent de souligner la prégnance des inégalités entre les sexes dans des domaines variés comme l’emploi, l’éducation, les revenus, ou l’accès à des postes ministériels, ils demeurent bien éloignés de la définition multidimensionnelle de l’empowerment proposée par les recherches féministes. Ils ne disent notamment rien sur les moyens individuels et collectifs mis en œuvre pour atteindre ces résultats, alors que ce sont précisément les moyens et les processus sous-jacents qui constituent l’émancipation.

2L’objectif de ce numéro est, sur la base de recherches empiriques récentes, d’explorer les multiples facettes de l’émancipation féminine dans les pays du Sud et de rendre compte de la manière dont les processus émancipatoires se déploient plus ou moins distinctement selon les pays. Dans des contextes marqués par de profondes mutations économiques, politiques et sociales, il s’agit en particulier d’interroger la capacité des femmes à faire face aux nouvelles contraintes, mais aussi à saisir les nouvelles opportunités que ces transformations engendrent pour se libérer, individuellement ou collectivement, des structures oppressives qui perpétuent la domination selon le sexe, l’origine ethnique ou la classe. Dans la lignée de travaux féministes récents, ce numéro explore les changements survenus dans les rapports sociaux de sexe au cours des dernières décennies dans les pays du Sud, en se focalisant sur les trajectoires singulières de l’émancipation féminine, même partielles et marginales, là où on pourrait être porté à ne voir que vulnérabilité et passivité.

Nouvelles opportunités et nouvelles contraintes

3Au cours des dernières décennies, les pays du Sud ont connu des transformations économiques, politiques et sociales majeures qui ont eu des conséquences importantes sur les rapports sociaux de sexe. Crises économiques, pauvreté, mondialisation de l’économie et nouvelle division internationale du travail, institutionnalisation de l’approche « genre » et de l’empowerment des femmes : l’étude de ces processus du point de vue du genre fait l’objet depuis les années quatre-vingt dix d’une littérature de plus en plus abondante, souvent regroupée sous le vocable « genre et mondialisation » [Hirata, Le Doaré, 1998 ; Afshar, Barrientos, 1999 ; Ehrenreich, Hochschild, 2003 ; Bisilliat, 2003 ; Falquet et al., 2010]. Les contributions rassemblées dans ce numéro font toutes référence plus ou moins explicitement à ces processus économiques, politiques et sociaux avec, en filigrane, la question du potentiel d’émancipation ou, à l’inverse, de l’apparition de nouvelles formes d’exploitation, que ces transformations engendrent.

Crises économiques, pauvreté et « féminisation de la survie »

4La crise de la dette à la fin des années 1970 et l’imposition subséquente, par les institutions financières internationales, de plans d’ajustement structurel (PAS) dans le cadre du Consensus de Washington, ainsi que les crises financières qui s’en suivirent à partir de la fin des années quatre-vingt dix, ont affecté durablement les conditions de vie dans les pays du Sud. La mise en place de politiques néolibérales à partir des années quatre-vingt dans la plupart de ces pays, prévoyant notamment des coupes franches dans les services sociaux, des licenciements dans le secteur public, des politiques de privation et de déréglementation de l’économie, s’est traduite par une forte augmentation du chômage, une précarisation de l’emploi, et un accroissement de la pauvreté et des inégalités sociales [PNUD, 2003 ; Chossudowsky, 2003].

5Parmi ces inégalités, plusieurs chercheurs ont mis en évidence une aggravation des inégalités de genre. Dès le milieu des années quatre-vingt, des études empiriques illustrent la manière dont la crise et les PAS, particulièrement en Amérique Latine et en Afrique, ont affecté les conditions de vie des femmes, de manière plus aiguë que celles des hommes. Ces travaux soulignent d’une part que les femmes et les fillettes sont les premières à payer le prix d’un accès à l’école et aux soins médicaux rendu plus difficile par les politiques de privation et la baisse du pouvoir d’achat [Cornia, Joly, Stewart, 1987 ; Sen, Grown, 1987]. Ils notent d’autre part une intensification de la charge de travail, rémunéré et non rémunéré, pour des femmes traditionnellement responsables de la reproduction sociale au sein des ménages [Elson, 1989 ; Benería, Feldman, 1992 ; Afshar, Dennis, 1992]. Dans les villes, le renchérissement du coût de la vie, le chômage et la précarisation de l’emploi des chefs de ménage masculins poussent les femmes à multiplier les activités « de survie » dans le secteur informel de l’économie. Le rôle clé de l’activité des commerçantes sur les marchés urbains en Afrique et en Amérique Latine pour faire face à la crise, par exemple, n’échappe pas à l’observation du vécu quotidien [Rothstein, 1992]. Cette contribution croissante des femmes aux revenus des ménages va souvent bien au-delà du simple apport complémentaire aux petites dépenses quotidiennes [Adjamagbo et al., 2004]. En milieu rural, la libéralisation des échanges intensifie le mouvement de recul des cultures vivrières dominées par les femmes au profit des cultures d’exportation, ce qui rend difficile leur accès à la terre et augmente leur charge de travail [Bisilliat, 1998]. À travers le monde en développement, la crise a alourdi l’emploi du temps des femmes et a augmenté leur implication dans la gestion de la précarité et de la survie des ménages et des communautés [Moser, 1993]. On assiste donc à une « féminisation de la survie » [Sassen, 2002] ou, plus exactement, pour reprendre les termes de Sylvia Chant [2011], à une « féminisation des responsabilités et des obligations ».

6Dans la seconde moitié des années quatre-vingt et tout au long de la décennie des années quatre-vingt dix, les écrits d’universitaires et de militantes féministes sur les répercussions des PAS et de la crise dans les pays du Sud se sont multipliés, inaugurant un nouveau champ de recherche [Antrobus, 2007]. La plupart des recherches féministes dépassent cependant le discours réducteur de la « féminisation de la pauvreté » et mettent en avant les stratégies individuelles et collectives mobilisées par les femmes pour tenter de faire face. Des cantines populaires en Amérique Latine aux crédits coopératifs en Inde, en passant par les coopératives rurales dans les villages africains, un certain nombre d’études témoignent de la vitalité des initiatives féminines locales qui se déploient dans le champ de l’économie sociale, pour répondre à la dégradation des conditions de vie induite par la crise [Verschuur, 2009 ; Favreau, Fall 2007]. L’ouvrage collectif édité par Isabelle Guérin, Madeleine Hersent, et Laurent Fraisse [2011] [1] et la contribution de Christine Verschuur sur l’engagement collectif des femmes latino-américaines dans des organisations de quartiers populaires en Argentine et au Brésil offrent de belles illustrations de ces initiatives féminines locales.

7La féminisation croissante des responsabilités et des obligations au sein des ménages, et la « révolution silencieuse » [Locoh, 1996] qu’elle induit en termes de redéfinition des contributions des époux constituent également la toile de fond des articles de Béatrice Bertho et de Maud Saint Lary dans le contexte burkinabè. Comme le souligne Béatrice Bertho, la dégradation des conditions matérielles et le désengagement des maris de leurs obligations d’entretien de leur famille est au cœur des conflits matrimoniaux. De la même manière, Maud Saint Lary, dans son article sur le rôle des élites islamiques francophones dans les politiques publiques, montre comment les conditions économiques difficiles et la reconfiguration des contributions des époux dans le foyer amènent à une lecture plus pragmatique des textes religieux par les élites.

Économie mondialisée et nouvelle division internationale du travail

8Les politiques de libéralisation de l’économie prônées par le Consensus de Washington se manifestent également par la déréglementation du marché du travail et l’ouverture de l’économie, afin notamment d’attirer les entreprises transnationales. La délocalisation des entreprises transnationales dans les pays du Sud amorcée dès le milieu des années soixante-dix, dans des domaines de production nécessitant une main-d’œuvre importante comme le textile ou l’électronique, s’est traduite par une montée fulgurante du salariat féminin dans les usines des zones franches en Amérique Latine et en Asie. L’expérience des femmes employées dans ces entreprises transnationales, notamment dans les maquiladoras du nord du Mexique à la frontière des États-Unis [Fernández-Kelly, 1983] mais aussi en Malaisie [Ong, 1987] et au Brésil [Humphrey, 1987], a donné lieu à une riche littérature tout au long des années quatre-vingt [Elson, Pearson, 1981]. En explorant dans des contextes différents le quotidien de ces ouvrières, souvent jeunes et peu scolarisées, ces monographies ont mis à jour les conditions difficiles et l’exploitation multiforme auxquelles les femmes étaient confrontées sur les lignes d’assemblage de ces usines. Elles soulignent également comment, en attribuant des propriétés « féminines » au travail d’assemblage, on assiste à une construction genrée de l’emploi dans ce secteur.

9Avec l’accélération de la mondialisation de l’économie, la montée du salariat féminin dans les pays du Sud s’est rapidement étendue hors des usines des zones franches. Depuis les années quatre-vingt dix, le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication a en effet permis aux entreprises de service de délocaliser leurs activités, particulièrement en Asie et en Amérique latine, et a induit un nouvel essor de l’emploi féminin dans des secteurs tels que les activités de saisie et de programmation informatiques [Pearson, 1995 ; Hirata, 2003]. Parallèlement, on assiste à une montée de l’activité féminine de sous-traitance et du travail informel à domicile [Balakrishnan, 2002 ; Benería, 1987] et à une féminisation des emplois dans le secteur de l’agro-industrie [Hirata, Le Doaré, 1998 ; Lara, 1998]. Les études qui se sont penchées sur cette arrivée massive des femmes sur le marché du travail dans des contextes variés mettent l’accent sur le caractère instable et précaire de ces emplois et sur les nouveaux risques qu’ils engendrent pour les travailleuses, notamment en termes de santé. Malgré un bilan globalement négatif, ces études ont aussi alimenté le débat sur la portée émancipatrice de ces emplois qui, aussi mal payés et précaires soient-ils, ont le mérite de faire sortir les femmes de la sphère domestique pour accéder à un revenu et de bousculer la division sexuelle du travail au sein des ménages [Lim, 1993 ; Tiano, 1994 ; Salzinger, 2003 ; Elson, 2010]. C’est cette question de l’émancipation par l’emploi que réinterroge l’article de Luis Lopez Aspeitia en se penchant sur l’expérience et les représentations des ouvrières des maquiladoras à la frontière entre le Mexique et les États-Unis, quarante ans après l’établissement des premières usines dans la région. Dans un contexte de masculinisation accrue des activités d’assemblage jusqu’alors principalement féminines, l’auteur analyse le discours des ouvrières et des ouvriers sur l’emploi féminin et explore la manière dont le corps des femmes et la maternité sont pris en compte dans la gestion des entreprises.

10Tout comme la délocalisation de la production et la féminisation du salariat au Sud, les migrations internationales de travail sont au cœur de l’économie mondialisée. Pour Sassen [2003], la « féminisation de la survie » à l’œuvre au sein des populations paupérisées s’étend au-delà des ménages et des frontières nationales, cette exportation du travail féminin permettant également d’assurer la survie des entreprises et des États. Depuis la fin des années quatre-vingt dix, pour faire face à la crise, à la pauvreté et au chômage, et répondre aux besoins accrus en termes d’activités de soin dans les pays du Nord (l’industrie du care), les femmes d’Asie de l’Est, d’Afrique et d’Amérique Latine migrent en nombre croissant vers l’Europe de l’Ouest, le Moyen-Orient et l’Amérique du Nord, pour y être employées comme domestiques, gardiennes d’enfants ou infirmières [Morokvasic, 1984 ; Parrenas, 2001 ; Ehrenreich, Hochschild, 2003 ; Pyle, 2011 ; Destremau, Lautier, 2002]. Reproduisant la division sexuelle et ethnique du travail à l’échelle internationale, au niveau productif et reproductif, ces flux migratoires féminins, souvent « invisibles », cantonnent bien souvent les femmes dans des emplois précaires et socialement dévalorisés [Morokvasic, 2010 ; Hawkesworth, 2006]. Parmi ces flux migratoires dans le secteur informel, la multiplication des mobilités internationales féminines liées au travail du sexe a également été documentée [Robinson, 2002 ; Lim, 2010].

11Plusieurs de ces travaux mettent en lumière les violations des droits du travail et les nouvelles formes d’exploitation, fondées sur le genre et l’origine ethnique, associées à l’intensification des mobilités internationales. Pourtant, comme pour la montée du salariat féminin au Sud, la question de l’impact de ces migrations internationales sur l’émancipation des femmes fait débat [Morokvasic, 2010 ; Mozère, 2010]. Les mobilités internationales permettent-elles aux migrantes de conquérir des espaces de liberté ou, au contraire, renforcent-elles les inégalités de genre ? Cette question est au cœur de deux des contributions présentées dans ce numéro. À partir de travaux menés à Marseille, Dubaï, Hong Kong et Guangzhou, Sylvie Bredeloup se penche sur une figure de migrante peu présente dans la littérature, celle de la commerçante africaine pratiquant le négoce international, et tente d’apporter quelques éléments de compréhension des liens tissés entre mobilité spatiale et émancipation féminine. Nathalie Mondain, Sara Randall, Alioune Diagne et Alice Elliot s’intéressent pour leur part à une figure souvent oubliée dans les recherches sur le genre et les migrations, celle des « femmes qui restent ». À partir de données collectées dans une petite ville du Sénégal marquée par une forte émigration masculine vers l’Italie, cette étude explore l’impact de l’absence prolongée des migrants sur la redéfinition des rôles et des aspirations de leurs épouses restées sur place. Enfin, le potentiel émancipateur de la migration féminine se lit également en filigrane dans la contribution d’Isabelle Charpentier, qui met en relief le caractère subversif et libérateur de l’activité d’écriture des féministes franco-algériennes de la diaspora.

Institutionnalisation de « l’empowerment » des femmes

12Si la question des femmes est au cœur de l’agenda international de développement depuis les années soixante-dix, l’origine de ce qui sera rapidement libellé « l’approche empowerment » [Moser, 1989] peut être retracée au milieu des années quatre-vingt, notamment à l’issue de la 3e conférence internationale sur les femmes qui se tient à Nairobi en 1985, à un moment où la dénonciation par les féministes du Sud des conséquences de la crise et des politiques néolibérales gagne en visibilité [Calvès, 2009]. Fruit de la réflexion de chercheuses, militantes et responsables politiques féministes du Sud, lancée notamment par le réseau Development Alternatives with Women for a New Era (DAWN), très critique à l’égard des PAS, mais aussi des programmes des Nations Unies pour les femmes mis en place tout au long de la décennie (1976-1985), « l’approche empowerment » dénonce le postulat dominant selon lequel le principal problème des femmes du Sud est leur insuffisante intégration au processus de développement. Pour les féministes du Sud, le renforcement du pouvoir des femmes ne passe pas uniquement par l’autonomie économique et la satisfaction de leurs besoins fondamentaux ­ ceux qui touchent à la survie ­ mais par une transformation radicale des structures économiques, politiques, légales et sociales qui perpétuent la domination selon le genre, l’origine ethnique et la classe, et empêchent la satisfaction de leurs besoins stratégiques ­ ceux qui ont trait à l’établissement de relations égalitaires dans la société [Sen, Grown, 1987 ; Moser, 1989]. Ces premières réflexions sur l’empowerment et celles qui suivront [Batliwala, 1993 ; Kabeer, 1994 ; León, 2003] vont servir de référence et de base à la perspective « Genre et développement » qui émerge au milieu des années quatre-vingt et fait de l’émancipation politique, économique et légale des femmes et de la transformation des rapports sociaux de sexes inégalitaires deux objectifs centraux du développement [Rathgeber, 1990].

13Grâce aux activités de plaidoyer des ONG féministes de plus en plus nombreuses et organisées, la promotion de l’égalité de genre et de l’empowerment des femmes a été au cœur des différentes conférences onusiennes qui ont jalonné la décennie quatre-vingt dix : la conférence de Rio sur l’environnement en 1992, celle de Vienne sur les droits de l’homme la même année, la conférence sur la population du Caire en 1994 et, de manière plus centrale, la plateforme d’action adoptée à Beijing en 1995 [Friedman, 2003 ; Antrobus, 2007]. Dans la foulée de ces conférences internationales, auxquelles participent un nombre toujours croissant d’activistes et d’ONG, les initiatives nationales en faveur de l’empowerment et de l’égalité de genre se multiplient dans les pays du Sud : création de ministères ou de secrétariats d’État féminins, changements législatifs en faveur des femmes, fonds dédiés à la mise en place des engagements pris lors des diverses conférences onusiennes en matière « d’équité de genre » [Falquet, 2003 ; Antrobus, 2007]. Au sein des agences multilatérales et bilatérales de coopération internationale, la cooptation de l’approche genre se traduit par l’adoption du gender mainstreaming. Il s’agit d’une approche qui vise à aller au-delà du ciblage des femmes par le biais de « projets femmes » favorisé jusqu’alors, pour faire de l’égalité de genre une dimension transversale à intégrer systématiquement dans tous les programmes et politiques de développement dans des domaines comme l’éducation, la santé, l’économie, la lutte contre les violences et les droits humains [True, 2003 ; Moser, 2005 ; Charlesworth, 2005].

14Si initialement cette intégration a été applaudie par de nombreuses féministes, qui y voyaient l’aboutissement d’une décennie de plaidoyer, elle va rapidement faire l’objet d’une critique virulente [Calvès, 2009]. Avec leur cooptation progressive par les institutions internationales de développement, le genre et l’empowerment sont devenus peu à peu des concepts vagues et faussement consensuels, des « buzzwords » venus remplacer l’ancienne terminologie d’« égalité des sexes » ou de « statut des femmes » dans de nombreux documents de politique et de programmes [Cornwall, Brock, 2005 ; Batliwala, 2007]. Pour de nombreuses féministes, l’empowerment a été littéralement « pris en otage » par les agences de développement et les institutions financières internationales, vidé de son sens initial relatif à la notion de pouvoir et instrumentalisé pour légitimer les politiques et programmes néolibéraux existants [Batliwala, 2007 ; Cornwall, 2007 ; Sardenberg, 2008 ; Parpart, 2002 ; Falquet, 2003]. Sur le terrain, alors que l’on assiste dans les années quatre-vingt-dix à un véritable « boom » des ONG de femmes et à une inflation des financements internationaux pour les questions de genre, plusieurs féministes, en Amérique Latine notamment, dénoncent le phénomène « d’ONGisation » qui favorise un nombre restreint de grandes ONG professionnalisées et marginalise les organisations populaires les plus radicales [Falquet, 2007 ; Fischer, 2005 ; Alvarez, 1999]. En particulier, elles condamnent avec véhémence les ONG de femmes instrumentalisées par les gouvernements locaux et les institutions financières néolibérales, qui participent à l’institutionnalisation et à la cooptation du mouvement féministe. Dans ce processus de bureaucratisation et d’institutionnalisation, l’émergence au sein de ministères de « fémocrates » bien éloignées de la pensée de l’action féministe radicale est également pointée du doigt [Sow, 2010].

15Malgré ces critiques virulentes et le bilan souvent très mitigé que les chercheures tirent de la mise en œuvre de la plateforme de Beijing, le débat sur les retombées pour les femmes de l’institutionnalisation, à l’échelle locale et internationale, de la « perspective genre » reste ouvert. Certaines études soulignent notamment que le bilan est très variable selon les pays, les domaines d’intervention et les institutions internationales de développement impliquées [Moser, Moser, 2005 ; Waylen, 2008]. Sur le terrain, des chercheures reviennent également sur la condamnation acerbe des ONG par les féministes au cours des années quatre-vingt dix et invitent à aller au-delà de la dichotomie « bonnes » et « mauvaises » ONG [Murdock, 2008 ; Alvarez, 2009], et « fémocrates du dedans » et activistes « du dehors » [Miller, Razavi, 1998]. Plusieurs soulignent en effet le rôle important joué par les ONG de femmes dans la production et la diffusion d’un discours féministe sur le terrain [Alvarez, 2009]. D’autres mettent l’accent sur les opportunités créées par les partenariats et les alliances stratégiques instaurés entre les institutions politiques internationales et locales et les ONG de femmes, confessionnelles ou non, pour faire avancer la cause des femmes [Goetz, 1998 ; Naciri, 1998]. Deux des articles présentés dans ce numéro s’inscrivent dans cette lignée. Maud Saint Lary se penche sur les partenariats entre associations islamiques et institutions internationales et gouvernementales pour la réalisation des objectifs de promotion des femmes au Burkina Faso. Elle étudie l’implication des élites islamiques francophones dans les « politiques du genre », notamment en ce qui a trait aux rapports entre époux et la gestion du foyer familial. Dans le contexte du Bénin, Eric Hahonou s’intéresse quant à lui à la manière dont les réseaux d’ONG féministes locales ont su saisir les opportunités politiques ouvertes par le discours dominant sur le genre et le développement pour permettre à de jeunes intellectuelles gando de s’imposer dans les structures de décision publiques et d’acquérir une émancipation politique.

Les multiples facettes de l’émancipation

16Dans ce contexte de profondes mutations économiques, politiques et sociales, les contributions présentes dans ce volume se sont attachées à mettre en lumière les multiples figures de l’émancipation féminine. Elles permettent d’éclairer les conditions effectives de l’empowerment pris au sens des études féministes : un processus de transformation multidimensionnel, venant des femmes elles-mêmes, et qui leur permet de prendre conscience, individuellement et collectivement, des rapports de domination qui les marginalisent et de développer leur capacité à les transformer. Des auteures telles que Srilatha Batliwala [1993], Naila Kabeer [1994], Magdalena León [2003] et Jo Rowlands [1995] mettent l’accent sur la nature multidimensionnelle du processus d’empowerment des femmes. Elles soulignent également que celui-ci se distingue du pouvoir de domination qui s’exerce sur quelqu’un (« power over ») et se définit plutôt à la fois comme un pouvoir créateur, qui rend apte à accomplir des choses (« power to »), un pouvoir collectif et politique, mobilisé notamment au sein des organisations de base (« power with »), et un pouvoir intérieur (« power from within ») qui renvoie à la confiance en soi et à la capacité de se défaire des effets de l’oppression intériorisée. C’est ce caractère polymorphe de l’émancipation que soulignent les contributions rassemblées dans ce numéro.

L’émancipation par le travail, la migration et la sexualité

17L’exercice d’une activité rémunératrice est l’un des premiers facteurs reconnus de l’émancipation, dans lequel les individus fondent généralement des attentes non seulement d’indépendance économique, mais aussi d’épanouissement social et individuel. Accéder à ses vertus implique souvent un processus de prise de distance qui se décline au sens propre dès lors que le travail oblige à se déplacer, parfois sur de longues distances, dans des contrées lointaines. C’est ce que nous montre Sylvie Bredeloup dans son article sur les mobilités spatiales des commerçantes africaines : celles-ci partent chercher leurs marchandises au-delà des frontières nationales, effectuant des va-et-vient incessants entre le pays dans lequel elles s’approvisionnent et celui dans lequel elles vendent. À l’heure de la mondialisation, alors que les économies du continent africain peinent à émerger, ces « femmes navettes » trouvent ainsi les moyens de faire fonctionner un habile système de négoce transnational qui leur permet parfois de bâtir de véritables fortunes familiales. Ces pratiques très répandues en Afrique de l’Ouest déplacent les frontières entre les rôles socialement attendus des hommes et des femmes, puisque ces femmes, virtuoses du négoce, s’imposent au sein de leur foyer comme les principales pourvoyeuses de revenus et ravissent ainsi des prérogatives habituellement attribuées aux hommes.

18La prise de distance liée au travail prend un sens symbolique dès lors qu’elle s’applique aux rôles familiaux ou domestiques. Bénéficier d’une liberté relative de déplacement exige en effet d’être à même de contourner, voire parfois de rejeter certaines contraintes familiales, matrimoniales ou statutaires. Les parcours conjugaux de ces femmes sont souvent chaotiques. Leurs absences répétées les obligent à réaménager leurs relations familiales en sollicitant une mère, une sœur, une fille ou une cousine pour prendre, le temps du voyage, le relais des tâches domestiques et s’occuper des enfants. La redéfinition des rôles sexués ne se fait pas sans heurt. Elle suscite la défiance de l’entourage et peut provoquer des tensions fortes entre les conjoints. La vertu émancipatrice du travail se trouve alors dans la capacité qu’ont ces femmes à se déplacer loin de chez elles, à vivre des expériences de liberté en échappant à leur quotidien, et ainsi à trouver dans la migration une opportunité d’épanouissement personnel et, finalement, un moyen de se réaliser ailleurs en tant qu’individus.

19La formidable expansion depuis les années quatre-vingt en Amérique Latine et en Asie des emplois féminins dans le secteur de l’industrie dédié à l’export a alimenté, on l’a dit, une importante littérature sur la portée émancipatrice du travail. Plus de trente ans après le début du phénomène, Luis Lopez Aspeitia revient sur cette question en observant les femmes embauchées dans une usine d’assemblage (maquiladora) d’une zone frontalière entre le Mexique et les États-Unis. Sa contribution confirme les conclusions pessimistes d’une division sexuelle du travail caractérisée par l’instabilité et la précarité. Elle prolonge cependant la réflexion en montrant comment la portée émancipatrice du travail se heurte à un conflit d’interprétation des rôles qui se cristallise autour des enjeux liés au contrôle du corps féminin. Observant alternativement les travailleurs hommes et femmes qui se côtoient quotidiennement dans ces lieux de production, Luis Lopez Aspeitia montre à quel point l’indépendance économique des femmes suscite chez leurs collègues masculins des sentiments de malaise et d’inquiétude et entraîne parfois des réactions de violence de leur part. La figure de l’ouvrière se construit autour des stigmates de la femme immorale et facile qui, au foyer, menace l’autorité des hommes et, à l’usine, met en péril la productivité. Cette figure très négativement connotée de l’ouvrière des maquiladoras, s’oppose radicalement aux exigences de soumission et de retenue associées aux femmes respectables dans la société mexicaine. L’ouvrière libertine et dépravée devient pour l’employeur et son personnel d’encadrement (essentiellement masculin) un objet fantasmé de danger et de désordre moral, qu’il convient donc de canaliser. Le contrôle de la maternité des jeunes femmes, notamment par l’obligation de subir un test de grossesse à l’embauche, trouve alors toute sa légitimité comme moyen de préserver la productivité de l’entreprise. Après trois décennies d’existence des maquiladoras au Mexique, on perçoit à quel point la question de la conciliation des rôles de mères et de travailleuses reste épineuse. Luis Lopez Aspeitia montre que des formes particulières de résistance s’opèrent néanmoins. Si certaines femmes parviennent difficilement à se détacher de l’image négative dont elles sont affublées, d’autres au contraire s’en servent pour saisir l’occasion d’affirmer leur liberté sexuelle et revendiquer un autre mode de relation avec les hommes. Le sentiment d’émancipation, explique l’auteur, se manifeste ainsi au travers des actions de lutte pour la défense des droits des femmes à la maternité qui s’organisent dans ces usines.

20Le contrôle du corps des femmes constitue un autre point focal de la problématique de l’émancipation discuté dans la contribution d’Isabelle Charpentier, qui traite de la prégnance de la sacralisation de la virginité féminine en Algérie. Dans cette société, l’auteure nous rappelle que le tabou de la virginité s’inscrit au cœur d’un système de valeurs ancien et persistant dont le code de l’honneur constitue le point nodal, en particulier au moment des transactions matrimoniales. Sa transgression entraîne des risques de répudiation et de crimes d’honneur. Bien que solidement ancrée dans les normes, la chasteté avant le mariage est aujourd’hui, nous dit l’auteure, de plus en plus ressentie comme une contrainte ; une pratique imposée qui s’adapte difficilement aux nouvelles formes que prend la vie des jeunes algériennes, a fortiori lorsqu’elles sont citadines, diplômées, actives et qu’elles restent célibataires relativement longtemps. Cette tension entre les normes socialement prescrites et les aspirations intimes se lit au travers du développement d’une sexualité clandestine prénuptiale qui trouve sa parade dans le recours de plus en plus fréquent à l’hyménoplastie. Partant d’une source de données originale, celle de la littérature romancée produite par des auteures algériennes, Isabelle Charpentier utilise le vécu de ces femmes pour rendre compte des pratiques de résistance et de contournement des normes sexuelles dominantes. Ainsi, dans les romans autobiographiques ou les fictions inspirées de réalités algériennes qui sont pris pour objet sociologique, l’émancipation se donne à voir dans des histoires de subversion audacieuse de la domination patriarcale. Se démarquant d’une vision victimisante des femmes, Isabelle Charpentier nous dévoile l’expression d’une transgression des interdits qui se traduit clairement dans la réappropriation d’un corps confisqué et la réhabilitation du désir féminin. Ici, la distance est aussi de mise puisque l’écrit littéraire sert de média pour contourner l’absence de débat public sur un sujet de société important. L’œuvre littéraire portée par une diaspora féminine devient un outil d’émancipation. À travers leurs écrits, ces romancières se font les représentantes actives des revendications féminines dans leur pays, des membres à part entière d’une résistance silencieuse.

L’émancipation dans le couple et au sein de la famille

21En filigrane des textes présentés dans ce numéro se lit la question essentielle d’une difficile émancipation des femmes sans une transformation profonde des principes inégalitaires qui fondent les rapports sociaux de sexe. Dans les contextes de crispation économique, les tensions sociales s’exacerbent et freinent la réduction des inégalités. Les stratégies mises en œuvre pour contourner les effets de la crise donnent parfois lieu à des aménagements familiaux qui se révèlent particulièrement hostiles aux initiatives d’émancipation. La situation des couples séparés par la migration en constitue un exemple fort éloquent. Une illustration en est donnée dans la contribution de Nathalie Mondain et ses collègues qui interroge la migration masculine du point de vue de ses retombées sur les rôles et les aspirations des femmes restées sur place. L’un des points forts de cet article est qu’il s’intéresse à deux types de femmes : les épouses de migrants d’une part et les mères d’autre part. Ce faisant, les auteurs déconstruisent le discours dominant qui fait des femmes de migrants des personnes suffisamment dotées, notamment en moyens financiers du fait des transferts d’argent dont elles seraient bénéficiaires. La réalité observée ici révèle au contraire des situations de grande précarité, caractérisées par une forte dépendance économique des épouses vis-à-vis de leur époux. Mises sous tutelle de la belle-famille en l’absence de ce dernier, les femmes peinent à faire valoir leurs intérêts. Une concurrence s’instaure entre l’épouse et la belle-mère autour de la gestion des ressources générées par le migrant. L’octroi prioritaire des mandats envoyés par le migrant aux parents de celui-ci marque clairement la position de subordination des épouses restées au pays. L’étude révèle que la mère de l’époux est celle qui parvient à tirer le plus grand profit de la migration de son fils.

22Le puissant sentiment d’isolement affectif et matériel dont souffrent les épouses face à l’absence de leur mari se trouve exacerbé quand la migration se prolonge et que, de surcroît, elle ne tient pas ses promesses de manne financière. La défaillance de l’homme devient alors double : en plus de déserter le foyer, il se désengage aussi de ses obligations d’entretien. C’est en définitive la question du sens d’une conjugalité qui ne se vit pas au quotidien et ne se nourrit que de frustration et d’attentes rarement comblées qui est posée. La redéfinition des rôles conjugaux générée par la migration fait naître chez les femmes des aspirations au changement. Si certaines rêvent de rejoindre leur mari, d’autres envisagent plutôt une porte de sortie par l’autonomie, notamment en développant une activité rémunératrice. On voit ici s’exprimer un besoin « d’agencéité » des femmes qui, en situation de fortes contraintes, cherchent à prendre leur destin en main pour sortir d’une condition insoutenable.

23Mais comment envisager les stratégies de ces femmes dans une société où les rapports sociaux se hiérarchisent autour des deux dimensions que sont le sexe et la génération ? Cette question, qui reste en suspend dans le texte de Nathalie Mondain et ses collègues, constitue l’objet central de l’article de Béatrice Bertho, qui étudie la résolution des conflits conjugaux dans une petite ville du Burkina Faso où s’opèrent d’importantes transformations des pratiques matrimoniales et de recomposition des conjugalités. L’étude repose sur l’analyse de deux itinéraires conjugaux de femmes fortement dépendantes de leurs maris et qui traversent de graves crises conjugales caractérisées par le désengagement des obligations matérielles de l’époux, l’infidélité, l’alcoolisme ou encore la violence. L’étude décrit comment, dans cette petite ville émergente à la frontière du monde rural, les femmes tentent de sortir de leur condition en s’adressant à l’Action sociale, un service de l’État qui permet aux couples non mariés civilement d’accéder à une forme adaptée de recours. La genèse des conflits qui nous est présentée ici ne traduit pas une rupture brutale avec les normes sociales de genre et de génération. Le recours intervient au bout d’un long processus de dégradation de la relation pendant lequel les femmes tentent d’abord la voie des concessions puis recourent à la médiation familiale. Ce n’est que lorsque ces tentatives échouent et que les quelques droits qu’elles tirent de leur statut individuel et de leur insertion communautaire sont menacés qu’elles se tournent vers les services de l’État. L’article est de ce point de vue particulièrement intéressant, puisqu’il révèle les représentations que se font les femmes de la justice, mais surtout les limites dans lesquelles elles conçoivent leur soumission à l’autorité de leur mari. Cette étude témoigne aussi des stratégies d’autonomisation qui se manifestent dans le souhait de mettre un terme, contre la volonté du mari, à une vie conjugale insatisfaisante en s’appuyant sur un recours peu prisé et souvent mal perçu par la société : l’aide de l’État.

Militantisme, engagement, émancipation religieuse et politique

24Vouloir modifier le cours de sa vie conjugale est un acte fort dans une société où le célibat n’est a priori pas une option. Certaines femmes choisissent de s’en émanciper par une voie singulière : celle de l’entrée dans l’ordre religieux. C’est ce que nous livre Katrin Langewiesche dans son étude sur la vie consacrée au Burkina Faso. Cette contribution propose une réflexion sur les conditions qui permettent aux femmes de se libérer des structures sociales et culturelles et de trouver un épanouissement personnel au sein des instituts religieux. L’étude déconstruit la vision stéréotypée du monde religieux catholique figé et isolé du reste du monde et nous décrit au contraire un univers en mutation capable de fournir aux femmes des opportunités d’expression collective de défense d’idéaux de justice et de paix et de réalisation de projets d’actions sociales très organisés. Décrivant la genèse de la vie consacrée au Burkina Faso, Katrin Langewiesche nous rappelle qu’à l’origine, les premières congrégations de religieuses se sont fondées, entre autres, sur des valeurs de promotion des libertés féminines en offrant aux filles, en échange de leur engagement à l’obéissance, l’opportunité de se soustraire au mariage forcé, d’accéder à l’éducation et de bénéficier d’une prise en charge matérielle, parfois certes fruste, mais souvent plus enviable que la situation que leur aurait réservée la vie civile. Mais le monde des congrégations religieuses renferme en son sein une constellation de pouvoirs (autorités masculines versus féminines, religieuses africaines versus étrangères, jeunes versus moins jeunes) qui, tout au long du vingtième siècle, ont engendré des négociations et des batailles que l’auteure nous décrit fort judicieusement. Sur tous ces fronts, le changement des rapports sociaux de sexe est celui où les avancées sont les plus lentes. L’un des apports de l’article réside dans la description inédite d’une double démarche émancipatrice, à la fois individuelle et collective, des sœurs catholiques. En effet, derrière des rassemblements de congrégations de religieuses se tissent de véritables stratégies pour renforcer la voix des femmes consacrées sur la sphère publique (par le biais d’initiatives sociales dans les domaines de l’éducation et de la santé notamment) mais aussi au sein de l’Église catholique, encore âprement dirigée par les hommes.

25Élargissant l’angle d’analyse de la sphère du religieux, Maud Saint Lary se penche sur les collaborations entre associations islamiques et institutions internationales et gouvernementales autour d’objectifs communs de promotion féminine au Burkina Faso. L’auteure part du constat d’un double contexte de montée en puissance des politiques de développement liées au genre d’une part et d’émergence d’une société civile islamique structurée en association ou en ONG, œuvrant dans les domaines de la santé de l’éducation ou de l’aide d’urgence, d’autre part. L’auteure rappelle que les collaborations entre les deux univers se sont fortement développées au cours des dernières décennies, portées par la conviction profonde du caractère indispensable de la caution des leaders religieux pour la bonne marche des programmes mis en place en particulier dans le domaine du genre. Dans ce contexte, l’auteure interroge l’implication des deux associations d’élites musulmanes francophones les plus influentes dans le domaine du genre, en ciblant les rapports entre époux et la gestion du foyer familial. Prenant pour objet un théâtre forum organisé sur ces thèmes dans une mosquée, l’auteure montre que les collaborations avec les institutions internationales créent un climat favorable à de nouveaux usages du droit islamique en faveur d’une redéfinition des rapports de genre. Elle met ainsi en lumière le fait que, pour les intellectuelles féministes islamiques, le genre constitue un outil d’analyse des textes religieux. Les différentes formes d’activisme islamique féminin étudiées révèlent ainsi l’expression de revendications des droits qui intègrent le principe de l’égalité des sexes. Cet activisme bénéficie d’un contexte politique favorable et de nombreuses opportunités de partenariat avec les acteurs du développement. Maud Saint Lary apporte ici des éléments de réflexion sur la question, très actuelle et souvent débattue, des conditions de l’émergence d’une forme particulière de militantisme qualifié de féminisme islamique au Burkina Faso.

26L’activisme des femmes se lit également dans le travail d’Eric Hahonou sur les femmes gando du Bénin. L’auteur nous décrit les conditions particulières d’émancipation politique des femmes issues de ce groupe social marginalisé, que leur statut d’anciens esclaves ne prédisposait pas à occuper une place dominante dans la sphère publique. Il nous livre une description éloquente du processus de construction identitaire de ce groupe, longtemps resté stigmatisé socialement et marginalisé politiquement, cette construction se déclinant sur deux fronts : ethnique et genré. Les années révolutionnaires de la période marxiste léniniste de Kérékou de la décennie soixante-dix marquent le début de mouvements gando revendiquant, au même titre que d’autres groupes ethniques, une histoire, une langue, un mode de vie et une culture communs. L’identité gando étant désormais reconnue comme une composante de la République du Bénin, les conditions se trouvent réunies pour que des leaders convertis en candidats lors d’élections municipales parviennent à s’imposer. Les avancées se produisent dans un contexte de changement profond des structures sociales et des normes dominantes, en particulier dans les domaines du mariage et de la division du travail, qui vont dans le sens d’une réduction des inégalités entre les sexes au sein de ce groupe. Ainsi deux éléments de contexte sont réunis (émergence d’une identité politique gando et revendication des femmes à l’émancipation des structures patriarcales) et offrent les conditions favorables au développement d’un activisme politique féminin gando. De manière similaire à ce qui est observé au Burkina Faso par Maud Saint-Lary, cet activisme féminin saisit les opportunités offertes par des acteurs du développement aguerris à l’idéologie du genre pour s’imposer sur la scène politique locale. Eric Hahonou montre comment le lobbying mené par des ONG étrangères en faveur de la promotion politique des femmes est utilisé comme tremplin pour remporter les élections au conseil communal, avec la complicité des hommes pour qui ces avancées féminines servent la cause de l’identité gando dans son ensemble.

27L’Amérique Latine constitue un terrain idéal d’observation de l’activisme féminin. Comme nous l’avons rappelé en début de cette introduction, les stratégies collectives de mobilisation féminine foisonnent dans cette partie du monde. Elles se développent en réponse aux crises récurrentes des économies nationales dans un contexte de mondialisation caractérisé par l’accroissement des inégalités sociales et économiques. Dans ce numéro, la contribution de Christine Verschuur se penche précisément sur cet aspect à partir d’études menées en Argentine et au Brésil. Analysant l’engagement des femmes dans des organisations de quartiers populaires, elle cherche à voir en quoi les actions menées intègrent ou non des préoccupations de transformation des rapports de genre. À travers les deux exemples de San Cayetano en Argentine et de Gamboa au Brésil, l’auteure montre que les luttes destinées à améliorer les conditions matérielles dans les quartiers, lorsqu’elles sont organisées de manière collective, permettent d’ouvrir des espaces de négociation et d’échanges où sont abordés les débats sur les inégalités, les rapports de pouvoir entre hommes et femmes et les dynamiques de genre dans la famille, et contribuent ainsi à forger une conscience féministe. Christine Verschuur présente ici une manière de faire de la politique autrement, où l’ambition première n’est pas d’accéder à des postes de responsabilités dans les équipes municipales et où il ne s’agit pas non plus de renverser l’ordre patriarcal ou le système capitaliste. Ce qui fonde l’engagement de ces mouvements ne se résume donc pas à une lutte pour prendre le pouvoir, mais consiste avant tout à faire valoir des droits : droit à accéder à l’eau ou à l’électricité à des prix abordables, droit d’avoir un travail dignement rémunéré, droit de ne pas être expulsée, de pas être battue, etc. Pour autant, l’exercice quotidien de ces actions collectives féminines est un formidable promoteur d’une prise de conscience de principes qui, selon l’auteure, peuvent être qualifiés de féministes.

Conclusion

28De l’Algérie à l’Argentine en passant par le Sénégal, le Burkina Faso, le Bénin, le Mexique et le Brésil, les contributions rassemblées dans ce numéro mettent en lumière des trajectoires individuelles et collectives, souvent originales, parfois partielles et marginales, de l’émancipation féminine. Dans le contexte de mutations économiques, politiques et sociales profondes qui caractérise les pays pauvres depuis les années quatre-vingt dix, les femmes ont su, comme en témoigne ce numéro, faire face aux nouvelles contraintes et saisir de nouvelles opportunités pour tenter de transformer les structures inégalitaires qui fondent les rapports sociaux de sexe. Si ces contributions constituent, chacune à leur manière, de belles illustrations de la manière dont les femmes du Sud ont su « se lever et marcher », elles soulignent aussi toute la fragilité des processus à l’œuvre. Les différents auteurs restent en effet prudents sur la portée des changements observés, et rappellent le poids des contraintes économiques, culturelles et sociales, l’enracinement profond des structures d’oppression patriarcales et l’étroitesse des marges de manœuvre dont disposent les femmes pour améliorer réellement leur situation.

29Les aspirations des femmes évoluent et la redistribution des rôles au sein des unions notamment bouleverse les rapports de pouvoir. Les textes rassemblés dans ce numéro montrent que si l’émancipation n’est pas nécessairement le résultat d’un choix délibéré (c’est-à-dire lorsque l’enjeu premier est de sortir d’une condition matérielle ou morale insoutenable), elle n’en demeure pas moins réelle. Qu’il s’agisse de fuir un mari défaillant, de revendiquer le droit de contrôler sa sexualité, d’améliorer les conditions de vie d’un quartier, de lutter contre l’injustice sociale, ou encore de revendiquer une place dans la sphère politique, le processus d’émancipation est bel et bien lancé. Si son aboutissement reste incertain, la plupart des auteurs réunis dans cet ouvrage se rejoignent sur l’idée qu’il contribue à jeter les bases nécessaires à l’émergence d’une conscience féministe porteuse d’espoir.

Notes

  • [1]
    Voir la note de lecture de Bénédicte Gastineau dans ce numéro.

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Agnès Adjamagbo
Socio-démographe, LPED, IRD.
Anne-Emmanuèle Calvès
Socio-démographe, département de sociologie, Université de Montréal.
Mis en ligne sur Cairn.info le 09/05/2012
https://doi.org/10.3917/autr.061.0003
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