CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Le présent dossier des Annales de Démographie Historique s’attache aux relations entre l’enfant illégitime et ses parents (dans la mesure où ses géniteurs sont connus et encore en vie) au cours du xixe siècle, période qui voit évoluer les comportements à l’égard du mariage, les mentalités et souvent aussi la législation concernant les enfants nés hors mariage. Les contributions retenues ont en commun de traiter des enfants illégitimes qui grandissent et de leurs relations avec leurs parents : l’accent est mis, en Algérie, sur leurs possibilités de légitimation, en Transylvanie, sur les raisons qui ont pu présider à leur conception hors des liens du mariage et leurs possibilités d’hériter des biens de leur famille, et en Angleterre et en Australie sur les formes de contacts avec leur mère ainsi que sur leurs origines socio-économiques.

2Nous avons souhaité éclaircir les raisons qui avaient pu mener à des situations d’illégitimité au cours du xixe siècle dans ces sociétés européennes et coloniales, pour mieux comprendre permanences et changements et situer ce dossier au sein des modèles séculaires d’illégitimité. Dans le passé, les enfants issus de relations extra-conjugales, s’ils survivaient, pouvaient souffrir physiquement et moralement?: ils subissaient fréquemment de dures conditions d’exclusion sociale et pâtissaient de conditions de vie difficiles qui, bien souvent, les menaient au tombeau, faute de soins, particulièrement lorsque leur mère était seule et dans le besoin. Mais dans certaines sociétés, un système de reproduction familiale rigide favorisait les naissances hors mariage, d’autant plus que des freins coutumiers et législatifs y décourageaient les alliances matrimoniales. Ainsi, certaines régions européennes présentaient-elles traditionnellement de fort taux d’illégitimité, en liaison avec le travail prémarital des jeunes gens, filles et garçons, dans le service domestique, un mariage tardif et/ou des empêchements au mariage, mais d’autres situations pouvaient aussi se présenter. Ainsi l’étude des systèmes familiaux de transmission permet-elle de mieux comprendre la démographie hors mariage, de dresser une typologie des comportements d’illégitimité et de mieux saisir leurs conséquences démographiques et sociales sur la longue durée historique.

3Une croissance de l’illégitimité intervient en Europe au milieu du xviie siècle (Laslett, 1977, 119?; Shorter, 1971), qui se poursuit jusque vers 1850. Antoinette Fauve-Chamoux a montré que le déclin observé ensuite de l’illégitimité dans l’ensemble des pays d’Europe occidentale dans la seconde moitié du xixe siècle et jusqu’au milieu du xxe siècle – quand intervient la seconde transition démographique après 1960 (van de Kaa, 1987) –, rejoint étonnamment le déclin du service domestique sous sa forme traditionnelle (Fauve-Chamoux 2010?; 2011), lui-même lié, dans de nombreuses régions, aux systèmes familiaux coutumiers de reproduction de type inégalitaire. Le rôle décroissant de la domesticité permettrait d’expliquer, au moins en partie, le déclin de la fécondité illégitime au xixe siècle, apportant, pour le continent européen, une clef que les démographes cherchent depuis quarante ans, depuis l’article commun de Shorter, Knodel et Van de Walle paru en 1971. Mais cette clef n’a rien d’universel et ne vaut peut-être pas en système colonial, sociétés en construction, comme il apparaît à la lecture de l’article qui suit de Guy Brunet sur l’Algérie sous le régime français [1]. En revanche, elle semble bien fonctionner dans le cas de l’Australie, éclairée par l’étude de Tanya Evans sur Sydney, où la dépression de 1890 et les années de misère [2] réduisent le potentiel de travail des femmes pauvres dans le service domestique et s’accompagnent d’une baisse notable du nombre de naissances illégitimes.

4L’ambition de ce dossier de quatre articles est assurément d’ouvrir quelques nouvelles pistes de recherche comparative, en prolongeant les travaux antérieurs dont il convient de présenter, tout d’abord, les principaux piliers conceptuels.

Illégitimité, célibat et accès au mariage

5Dans l’Europe de l’Ouest de longue tradition chrétienne, jusqu’à une date assez récente, la très grande majorité des naissances intervenaient dans le cadre d’un mariage (Livi-Bacci, 1999, 159). La fécondité hors mariage était généralement qualifiée d’«?illégitime?», terme qu’en historien démographe on peut considérer comme plutôt impropre car trop élémentaire, rejoignant sur ce point une opinion déjà clairement exprimée par Massimo Livi-Bacci (2001, 223). En effet les grossesses menées à terme par des femmes sans mari, de l’ordre de quelques pour cent, pouvaient correspondre dans le passé à des situations de types très divers. Il pouvait s’agir simplement d’une naissance prénuptiale, d’un mariage retardé, d’une rupture de fiançailles, de la conséquence d’une brève aventure, d’un viol ou bien, au contraire, d’une liaison durable qui ne pouvait être régularisée par une union officielle, faute de dot suffisante de l’un ou l’autre des partenaires, du fait d’une migration temporaire du père, d’une situation d’adultère, par exemple entre un maître et sa servante. La paternité d’un homme d’église n’était pas rare dans certaines vallées pyrénéennes, qu’il s’agisse du versant français ou bien du versant espagnol, d’autant plus que nombre de cadets [3] de famille rentraient dans les ordres et s’installaient dans leur village avec un bénéfice ecclésiastique –?sans prétendre alors à être curé de village –, ne pouvant fonder une famille officiellement du fait de leur vœu de célibat (Brunet, 2001). À Esparros, Hautes-Pyrénées, des témoignages oraux sur la paternité non déclarée mais socialement connue des curés de campagne furent relevés encore au cours du xxe siècle (Fauve-Chamoux, 2010). Deux projets récents de recherche internationale ont donné l’occasion d’approfondir les conditions socio-culturelles des phénomènes d’illégitimité sur la longue durée historique (Durães et al., 2009?; Fauve-Chamoux et Bolovan, 2009), revenant avec force sur les liens importants entre fécondité illégitime, travail des femmes et accès (ou non) au mariage en Europe.

6L’apport du «?Servant Project?» européen (2001-2005) [4] avait permis de cerner les modèles de service domestique depuis le xvie siècle et de réunir un nombre considérable de travaux neufs (statistiques et études de cas) sur la féminisation du service domestique dès la fin du xviiie siècle siècle, les niveaux d’illégitimité et le lien de ces phénomènes à la fois avec le changement démographique et l’ampleur des migrations de jeunes femmes d’origine rurale en quête d’emploi. Souvent coupées de leur milieu natal, les servantes encouraient le risque de devoir faire face à une grossesse hors mariage, qu’elles se marient ou non par la suite (Fauve-Chamoux, 2004). Dans tous les pays d’Europe occidentale, les domestiques firent l’objet d’un encadrement législatif parfois contraignant pour eux – jeunes hommes et femmes –, pour leur famille et pour leur maître (Pasleau et al., 2005, vol. 3, Service domestique et législations).

7Malthus avait bien noté dans son premier Essai sur le principe de population (1798), que nombre de serviteurs et valets préféraient garder le célibat pour garantir leur emploi chez des maîtres aisés et assurer leur qualité de vie (Malthus, 1980, 46). La condition des servantes, à la merci d’une grossesse non désirée, pouvait être précaire, surtout quand elles avaient perdu contact avec leur famille. En témoigne le nombre croissant des naissances hors mariage en milieu urbain et celui des abandons de nourrissons à la fin de l’Ancien Régime (Chamoux, 1973a, 1973b). L’étude des naissances d’enfants illégitimes à l’hôtel-Dieu de Reims à la fin de l’Ancien Régime a montré que, pour les servantes, les pères, lorsqu’ils sont connus, étaient pour moitié le maître et pour moitié un domestique ou compagnon artisan. Avec la fin du xviiie siècle, l’illégitimité augmente à tel point dans cette grande ville que la question de la paternité de son bébé ne semble pratiquement plus posée à la mère au moment de l’accouchement (Fauve-Chamoux, 2010). Le mariage des servantes, d’abord retardé par leur engagement professionnel, devenait souvent par la suite improbable.

8C’est tout le modèle européen du «?life-cycle service?» de John Hajnal et de Peter Laslett qui est remis en cause quand les servantes ne peuvent plus réaliser un projet matrimonial satisfaisant et que leur condition de domestique devient un métier permanent les condamnant au célibat et ne constitue plus une simple étape de leur histoire de vie préalable au mariage (Hajnal, 1965, 1983?; Laslett, 1965, 1969, 1980a, 1980b). Cette question de la professionnalisation des serviteurs et servantes a été traitée dans un numéro spécial antérieur des Annales de Démographie Historique consacré à «?Domesticité et parcours de vie?», tout en posant la question?: «?le service domestique est-il une servitude, un service prémarital ou un métier???» (Fauve-Chamoux, 2009a).

9Alors qu’en Asie, avec un régime démographique de mariage précoce et «?universel?», au Japon en particulier, les domestiques sont souvent mariés et les servantes déjà mères d’au moins un enfant légitime (Fauve-Chamoux et Ochiai, 2009), en Europe, la question de la domesticité est liée au problème du célibat, au contrôle de la sexualité et du mariage par l’Église et par l’État, au retard de l’âge au mariage et par conséquent constitue, on le sait, un élément majeur des modèles de reproduction démographique et sociale (Hajnal, 1965?; 1983).

10Il demeure encore difficile de mettre en évidence, au niveau statistique, les liens entre illégitimité, marché matrimonial et âge au mariage (Van der Woude, 1981, 424). Cependant, pour l’Angleterre et le Pays de Galles, Peter Laslett a pu montrer que le taux d’illégitimité en Angleterre évolue en sens inverse de l’âge moyen au mariage des femmes, pour la période 1550-1849 (figure 1)?: le taux d’illégitimité grimpe quand leur âge au mariage moyen baisse (Laslett, 1980a, 24), un phénomène bien observé aussi dans le village pyrénéen d’Esparros (Fauve-Chamoux, 1995b, 100). Les raisons en sont que les femmes qui se marient ne sont pas les mêmes que celles qui font des bâtards, du moins au même moment, et souvent pas au même endroit.

Fig. 1

Angleterre et Pays de Galles?: tendance longue du taux d’illégitimité (1545-1970), âge moyen des femmes au premier mariage et pourcentage des conceptions prénuptiales

Fig. 1

Angleterre et Pays de Galles?: tendance longue du taux d’illégitimité (1545-1970), âge moyen des femmes au premier mariage et pourcentage des conceptions prénuptiales

Note: L’échelle pour les âges est à gauche, l’échelle des pourcentages à droite.
Sources: Laslett et al., Bastardy and its Comparative History, 1980, 18.

11Pour ce qui est de la tendance longue de l’illégitimité en Angleterre et Pays de Galles, après un niveau relativement élevé au milieu du xvie siècle (3?%) et quelques fluctuations, une croissance ininterrompue est observée jusqu’à la fin du xviiie siècle (5,3?%) à partir d’un minimum situé vers 1650 (1?%). Il est facile de comparer ces données statistiques avec la courbe française publiée à l’INED, faisant suite à l’enquête de Louis Henry, présentant une croissance encore plus forte qu’en Angleterre, au cours du xviiie siècle, à savoir partant de 1,1?% en 1745 et atteignant 4,4?% en 1800, puis 8,8?% en 1900 (Blayo, 1975), figures complétées par les statistiques publiées par l’enquête de Princeton (Shorter et al. 1971?; van de Walle, 1980). On trouvera plus bas, par comparaison, les données très élevées concernant l’Empire Autrichien (figures 2 à 5) et l’Autriche-Hongrie. Pour le Portugal au xixe siècle, il suffira de se reporter aux premiers résultats d’un travail en cours pour disposer d’une vision générale de la situation dans ce pays, bien connu pour ses taux exceptionnels d’illégitimité (Matos, Moreia et Maia, 2014).

12Alors la méthode de l’Event History Analysis, une technique d’analyse des biographies, peut être appliquée pour mettre en évidence le rôle de circonstances familiales spécifiques aux individus, comme le rang de naissance dans la fratrie, le fait que les parents soient encore en vie ou pas, etc. (Yamaguchi, 1991). Cette méthode donne des résultats que les approches classiques n’éclairent pas. Elle a été par exemple appliquée dans le cadre du «?Projet Eurasien?» et a permis, en particulier, de beaucoup mieux cerner le fonctionnement reproducteur des familles rurales du Nord-Est montagneux du Japon, dans le cadre d’un système à «?famille-souche?», [5] où l’émigration postnuptiale vers les villes pour service domestique joue un rôle important (Fauve-Chamoux et Ochiai, 2009?; Bengtsson et al., 2004?; Tsuya et al., 2010).

13Dans son introduction à Bastardy and its Comparative History, Peter Laslett (1980a) se réfère à l’article publié en 1939 par Kingsley Davis et considère que ce texte marque véritablement la naissance d’une «?sociologie historique de la bâtardise?» (Laslett, 1980a?; Davis, 1939). Jusque-là, remarque Laslett, la fréquence des naissances illégitimes n’était plus ou moins interprétée que comme «?un indice de l’état moral d’une communauté?». C’est un état d’esprit que l’on note par exemple chez les intellectuels du xixe siècle ? cités par Guy Brunet, qui observent les comportements des colons en Algérie ?, et chez Victor von Borosini (1913). L’«?immoralité?» demeure longtemps une obsession pour les observateurs de l’illégitimité au cours du xixe siècle. La contribution de Daniela Dete?an le montre également bien pour la Transylvanie, dans les rapports faits par les prêtres à leur hiérarchie. En Angleterre, les juristes étudiaient l’illégitimité essentiellement pour résoudre des problèmes d’héritage. À la fin du xixe siècle, Alfred Leffingwell se distingue en analysant la distribution sociale et géographique du phénomène (Leffingwell, 1892).

Débats sur la naissance de la famille moderne

14Les travaux considérables de Peter Laslett, à Cambridge, sur l’illégitimité, sont en germe dans son volume pionnier intitulé Le monde que nous avons perdu (Laslett, 1965?; 1969). Il faut les situer dans le contexte de débats historiques alors intenses entre historiens et démographes, au cours des années 1960 et 1970, concernant l’histoire de la transition démographique, de la sexualité, de l’amour maternel, du changement social des mentalités et des comportements de reproduction familiale intervenus dans l’Europe des Lumières et au xixe siècle (Shorter, 1971?; Shorter, Knodel et van de Walle, 1971).

15Edward Shorter soutenait que le développement de l’illégitimité serait un indice de désorganisation sociale et d’affaiblissement de l’autorité au sein de la famille. L’illégitimité marquerait l’émancipation de la femme et porterait en germe la famille moderne. Le livre d’Edward Shorter, publié en 1975, The Making of the Modern Family, suscita d’intenses discussions, en particulier les critiques de la part de Peter Laslett. Une note anonyme des «?pages bleues?» des Annales E.S.C. lui rend cependant hommage, qui précède la traduction française de l’ouvrage (Shorter, 1977). Elle présente un avis qui reflète tout son apport?: «?Un bel effort de synthèse et d’hypothèses sur un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre depuis quelques années mais qui a peu suscité d’idées nouvelles. L’originalité de Shorter est de combiner une information démographique et ethnographique extrêmement riche (Allemagne, France, Grande-Bretagne, États-Unis, etc.) avec une analyse essentiellement sociologique. Des conclusions parfois contestables, mais incontestablement un grand livre d’histoire?» (Choix des Annales, 1976, 8-8).

16Il était clair que la baisse de l’illégitimité, à la fin du xixe siècle, accompagnait souvent celle de la fécondité légitime. Un certain nombre de travaux récents permettent maintenant de remettre l’ensemble de ces vieilles questions à l’ordre du jour. L’informatisation de nouvelles banques de données autorise à affiner nos connaissances des processus de reproduction hors mariage, en particulier en Europe centrale où l’illégitimité est particulièrement forte (figure 3), ce qui permet d’aborder la question de la cohabitation prémaritale et du concubinage, en liaison avec l’occupation professionnelle des partenaires, leur appartenance sociale, les modes de co-résidence entre les générations, l’inégalité des enfants face à l’héritage et à la succession, selon leur sexe et selon leur rang dans la fratrie.

17En France, différents types de cohabitation prémaritale ont été définis pour le xixe siècle, grâce à une étude longitudinale nominative sur la ville de Lyon (Brunet et Bideau, 2004). Seuls les couples cohabitant destinés à se marier ont été analysés dans cet échantillon et les auteurs ont recherché leur présence dans les recensements antérieurs et postérieurs. La plupart de ces ménages de concubins appartenaient aux catégories les plus défavorisées de domestiques et travailleurs lyonnais immigrés?: 70?% environ n’étaient pas nés à Lyon?; près de neuf sur dix n’avaient jamais été mariés auparavant et ils se marièrent tardivement. Leur âge moyen au mariage, pour les hommes et les femmes, était beaucoup plus tardif que l’âge moyen au mariage à Lyon à la même époque. On trouve ici des caractéristiques séculaires maintenant bien connues du service domestique urbain (Fauve-Chamoux, 1997, 1998b, 2002, 2004?; Fauve-Chamoux et Wall, 2005).

18Les statistiques recueillies dans les capitales européennes montrent qu’en grande majorité les parents urbains d’enfants illégitimes apparaissaient chez les serviteurs et servantes domestiques (Ward, 2005) et aussi chez les ouvriers. À la campagne, c’était les domestiques et les ouvriers agricoles qui avaient des enfants «?naturels?». En étaient responsables, dans ces catégories, certaines façons de vivre liées à l’occupation, plus que la pauvreté en soi. Les commentateurs de l’époque voyaient toujours dans la «?promiscuité?» et des principes moraux «?relâchés?» des facteurs de libertinage, comme on vient de le souligner.

19Pour les enfants nés hors mariage, il est difficile de savoir s’ils étaient nés de parents cohabitants, c’est-à-dire d’une union consensuelle ou bien d’une mère vivant seule. Pour la France du xixe siècle, nous disposons des taux d’illégitimité calculés au plan national?: ils augmentent de 4,75?% en 1801 à 7,24?% en 1851, puis à 8,8?% en 1900 (van de Walle, 1980). Nous avons aussi les indices de fécondité illégitime (Ih) qui apparaissent particulièrement stables dans notre pays.

Mesurer et comparer la fréquence déclinante de l’illégitimité au xixe siècle

20Pour évaluer le niveau d’illégitimité, les chercheurs de l’équipe américaine du Princeton European Fertility Project mirent au point, dans les années 1970, un taux de fécondité illégitime baptisé « indice Ih », qui était exactement le nombre de naissances illégitimes pour 1 000 femmes non mariées en âge de procréer (15-49 ans), standardisé grâce à une population de référence disponible qui était celle des Huttérites (Shorter, Knodel et van de Walle, 1971, 379). Le taux calculé obtenu (rate) est bien plus intéressant que la simple proportion (ratio) de naissances illégitimes par rapport à l’ensemble des naissances, car il est à l’abri des biais statistiques. La formule mise au point par Edward Shorter et ses co-auteurs de l’université de Princeton est la suivante?:

21

equation im2

22

23BI est le nombre annuel de naissances illégitimes?;

24ui est le nombre de femmes non mariées dans le groupe d’âge considéré, situé entre 15 et 49 ans?; et

25Fi est la fécondité légitime des Huttérites, qui appartiennent à une secte religieuse d’Amérique du Nord et ne pratiquent pas de contraception.

26Si l’on relit l’article de Shorter, Knodel et van de Walle de 1971 sur le déclin brutal de la fécondité hors mariage en Europe entre 1880 et 1940 – une chute de l’ordre de 50?% et parfois plus (figure 2) –, on voit que les auteurs mettent cette baisse en relation avec le nombre de femmes non mariées (célibataires, veuves et divorcées). Ils ont recours à l’indice Ih (Shorter et al., 1971, 375) et notent que le déclin de l’illégitimité accompagne celui de la fécondité légitime, mais se plaignent de ne pouvoir l’expliquer de façon satisfaisante et rationnelle?: «?Il est désolant de ne pouvoir expliquer, dans cet article, pourquoi le déclin de l’illégitimité est advenu?; notre tâche est tout d’abord de tracer les grandes lignes du très fort déclin et de suggérer quelques circonstances sociales et culturelles qui l’ont vu se produire?» (Shorter et al., 1971, 375). Et en conclusion, les auteurs, après avoir fait le tour des chiffres et cartographié ce qu’ils pouvaient (figure 2), privilégient l’explication d’un plus grand usage de la contraception chez les couples légitimes et illégitimes?: «?Ainsi les théories de la transition démographique devraient pouvoir rendre aussi compte du déclin de la fécondité illégitime. Peut-être des circonstances assez différentes et indépendantes se cachent-elles derrière les déclins respectifs, de sorte que les arguments explicatifs de la limitation des naissances chez les couples mariés ne s’appliquent pas obligatoirement en vue d’un contrôle efficace chez les non mariés. Mais, vu le parallélisme extraordinaire des tendances de chacun des deux volets de la fécondité générale, c’est peu probable?» (Shorter et al, 1971, 392).

Fig. 2

Indices de fécondité illégitime (Ih) (pour mille naissances vivantes), pour quelques pays d’Europe de 1840 à 1960

Fig. 2

Indices de fécondité illégitime (Ih) (pour mille naissances vivantes), pour quelques pays d’Europe de 1840 à 1960

Note?: L’indice Ih est un taux de fécondité illégitime, c’est-à-dire le nombre de naissances illégitimes pour 1 000 femmes non mariées en âge de procréer (15-49 ans), standardisé grâce à une population de référence qui est celle des Huttérites (Shorter, Knodel et van de Walle, 1971, 379).
Source?: Shorter, Knodel et van de Walle, 1971, 377.

27On trouvera donc ici reproduits les indices de fécondité illégitime (Ih) pour quelques pays d’Europe de 1840 à 1960 (figure 2) et une carte de cet indice par province en 1900 (figure 3) (où l’Islande a été oubliée), données publiées en 1971 (Shorter, Knodel et Van de Walle, 1971, 387), où de forts contrastes entre les régions européennes se font jour.

Fig. 3

Carte des indices de fécondité illégitime (Ih) (pour mille naissances vivantes), en 1900, par provinces d’Europe

Fig. 3

Carte des indices de fécondité illégitime (Ih) (pour mille naissances vivantes), en 1900, par provinces d’Europe

Note?: L’indice Ih est un taux de fécondité illégitime, c’est-à-dire le nombre de naissances illégitimes pour 1?000 femmes non mariées en âge de procréer (15-49 ans), standardisé grâce à une population de référence qui est celle des Huttérites (Shorter, Knodel et van de Walle, 1971, 379).
Source?: Shorter, Knodel et van de Walle, 1971, 387. Carte reprise par Laslett, 1980a, 12 (avec indication de l’Islande –?oubliée ici –, en noir).

28Antoinette Fauve-Chamoux a rapproché ces données statistiques de l’illégitimité en Europe de certains résultats du Servant Project (Sarti, 2005) qui font ressortir l’irréversible déclin du pourcentage de domestiques (hommes et femmes) au sein de la population active dans la seconde moitié du xixe siècle, surtout à partir de 1880, et ce jusqu’à aujourd’hui. À Vienne, en 1869, 20?% des employés étaient des domestiques, une proportion qui déclina jusqu’à 10?% en 1910, suivant une tendance globale qui touche toute l’Europe urbaine?: d’ailleurs le pourcentage des domestiques dans la population active a été au plus haut en 1880-1881 dans un grand nombre de pays européens en général, pour décroître ensuite (Sarti, 2005). On peut alors se demander si ce n’est pas la disparition du système du service domestique qui expliquerait la baisse générale observée des taux d’illégitimité en Europe.

29Malheureusement, le bilan européen de Raffaella Sarti est incomplet?: l’Autriche et le Portugal n’y figurent pas, non plus que la Hongrie – soit des zones où l’illégitimité est particulièrement forte. Les tendances de l’Allemagne, de la France, de la Norvège, de la Belgique, de l’Italie, permettent cependant une comparaison avec les données européennes d’illégitimité publiées en 1971, à partir des chiffres de l’enquête de Princeton présentés plus haut?: Antoinette Fauve-Chamoux en a tiré l’hypothèse que, dans les pays européens, le rôle décroissant de la domesticité, sous sa forme traditionnelle, permettrait d’expliquer, au moins en partie, le déclin de la fécondité illégitime au xixe siècle. Cette similarité de tendance déclinante entre illégitimité et service domestique paraît beaucoup plus qu’une coïncidence pour de nombreux pays (Fauve-Chamoux 2010?; 2011, 31) [6].

Industrialisation, domesticité et abandon d’enfants

30Raffaella Sarti commente le rapport entre industrialisation et service domestique, la première se développant quand l’autre se réduit, ce qui se vérifie pour l’Italie, mais certes non pour la Grande-Bretagne, où, bien au contraire, les débuts de l’industrialisation développèrent des centres urbains, de sorte que la demande de domestiques s’accrut. William Robert Lee compara la nature du service domestique à Liverpool et à Brême entre 1850 et 1914, à l’époque où ces ports étaient en phase d’industrialisation (Lee, 2005). Les deux villes ont connu une rapide croissance de leur population au xixe siècle, une demande toujours plus grande de services domestiques, avec un niveau notable d’immigration féminine. Cet auteur estimait donc que la montée de l’industrialisation avait accru l’importance de la classe employeuse de domestiques et de servantes, avec leurs conséquences sur le nombre croissant de filles-mères et d’enfants abandonnés à la charité publique. Et c’est bien ce que montre aussi Ginger Frost dans sa contribution au présent dossier, relative à l’hôpital des Enfants-Trouvés de Londres entre 1860 et 1930 [7], probablement l’institution de bienfaisance la plus connue de cette capitale, d’autant plus qu’il était possible d’y accueillir 700 enfants en même temps dans ses locaux. Mais les niveaux d’illégitimité étaient dans l’ensemble relativement bas en Angleterre à l’époque Victorienne, encore plus bas en Irlande, mais étaient plus élevés en Écosse (figure 2).

31À Londres, comme dans les autres villes européennes, pour une fille-mère, demeurer servante en maison bourgeoise n’était pas compatible avec le soin et l’allaitement d’un nourrisson. Si sa famille ne pouvait l’aider, le coût d’une nourrice dépassait la plupart du temps les maigres moyens financiers d’une mère célibataire de basse condition. Nombre de ces enfants illégitimes étaient donc abandonnés, mais il ressort de cette étude sur Londres qu’ils n’en étaient pas tous pour autant oubliés de leurs mères. D’une part, 20?% d’entre elles essayaient de poursuivre le père de leur bébé, demandant aide et reconnaissance. Peu obtenaient gain de cause, et leurs démarches n’aboutissaient pas. D’autre part, certaines mères se manifestaient auprès de l’administration de l’hôpital par la suite, en demandant des nouvelles de leur enfant. Elles pouvaient apprendre ainsi qu’il ou elle n’avait pas survécu. Certaines correspondances ont été conservées et sont accessibles, que Ginger Frost analyse en détail. Il s’agit non des courriers provenant des mères, mais de la copie des réponses de l’administrateur de l’hôpital. Au total, peu de femmes demandaient sérieusement à reprendre leur enfant à Londres et 3,4?% seulement y parvenaient, alors qu’à Lyon, d’après Guy Brunet, 20?% y réussissaient au milieu du xixe siècle (Brunet, 2011). À Londres, les administrateurs se montraient particulièrement difficiles sur les conditions d’une restitution éventuelle. Ils privilégiaient ce qu’ils considéraient comme l’intérêt de l’enfant, à savoir son éducation et un environnement socio-économique, familial et moral favorable, que la mère soit mariée ou non. La demande était particulièrement bien reçue dans les cas très rares où la mère avait épousé le père de l’enfant concerné et que ce dernier en avait été reconnu. Ici encore, on est bien loin des chiffres rencontrés sur le continent européen en matière de légitimation.

32Il faut noter qu’en France, au cours du xixe siècle, de plus en plus d’enfants nés hors mariage furent légitimés à l’occasion du mariage de leurs parents?: 18?% étaient dans ce cas en 1801, 32?% en 1900 (van de Walle, 1980), ce qui indique une tendance à intégrer les enfants nés hors mariage à la famille de leurs géniteurs, au foyer formé postérieurement à leur naissance. On verra, avec la contribution de Guy Brunet sur l’Algérie, à quel point la légitimation d’enfants nés d’un concubinage prolongé caractérise certaines sociétés coloniales. Mais les modèles d’illégitimité demeurent multiples.

Modèles européens de non conformisme parental

33Diverses explications ont été avancées pour expliquer les taux élevés d’illégitimité dans les pays nordiques avant toute industrialisation. Une bonne part des nombreux enfants bâtards d’Islande devenaient légitimes lors des noces de leurs parents?: ils étaient nés de couples stables ou stabilisés de concubins (Gardarsdottir, 2000, 2002, 2006). Olof Gardarsdottir explique que les cérémonies de fiançailles (trúlofun ou trolovning) dans les vieilles sociétés scandinaves avaient la même fonction sociale qu’un mariage formel. Par conséquent, dans toute la Scandinavie, il était normal que les couples aient des relations sexuelles du moment qu’ils étaient fiancés. Apparemment, les enfants de ces couples furent souvent enregistrés comme légitimes dans les pays nordiques au cours du xviiie siècle. Toutefois, il arrivait que le mariage ait lieu avant la naissance. L’Église luthérienne s’opposa à la cérémonie des fiançailles traditionnelles qui fut finalement abolie par la loi. Mais les cérémonies de fiançailles continuèrent à être pratiquées tout au long du xixe siècle, hors des lieux de culte.

34En Islande, société majoritairement rurale, la proportion d’enfants nés hors mariage fut toujours plus élevée que dans les autres pays nordiques. Au cours de la première moitié du xixe siècle, 15?% de tous les bébés islandais naissaient hors mariage, contre 5?% à 11?% dans les autres pays nordiques. Les taux d’illégitimité nordiques restèrent constants tout au long du xixe siècle, Islande et Suède mises à part. En Suède, on note une augmentation régulière mais relativement lente tout au long du xixe siècle et au tournant du xxe siècle?: en moyenne 12?% de tous les bébés suédois étaient nés hors mariage. Anders Brandström a réalisé le suivi biographique de femmes ayant donné naissance à au moins un enfant hors mariage dans la région du Sundsvall au xixe siècle. Il a ainsi pu montrer que, pour la plupart d’entre elles, il s’agissait d’un événement isolé et que par la suite elles accédaient au mariage (Brandström, 1998).

35Après 1860, l’Islande a connu une forte augmentation de l’illégitimité qui atteignit un maximum pendant les années 1870, lorsque plus de 20?% de tous les enfants naissaient hors mariage. Il faut dire qu’il survint une croissance démographique, les terres se firent rares et le mariage fut de plus en plus retardé, les jeunes restèrent plus longtemps chez leurs parents et une proportion toujours croissante de la population demeura célibataire. Les autorités urbaines locales, par des exigences restrictives, empêchèrent les pauvres originaires des campagnes de s’installer et se marier, afin de ne pas avoir à les entretenir aux frais de la communauté (Gardarsdottir, 2006, 3).

36Plus au sud, on sait que le Portugal s’est toujours distingué par ses hauts niveaux de fécondité hors mariage, en particulier dans sa partie Nord, le Minho, haut lieu d’émigration (Livi-Bacci, 1971?; da Costa Leite, 1993), région qui apparaît bien en effet en noir sur la figure 3, avec un indice (Ih) très élevé en 1900?: plus de 100 naissances illégitimes pour mille naissances vivantes. Globalement, dans ce pays, la nuptialité était faible et l’illégitimité forte, dépassant un taux de 12?% entre 1886 et 1900 (Festy, 1979, 230). Cette particularité portugaise visible à l’échelle nationale (voir figure 2, l’indice (Ih) autour de 80 pour mille de 1890 à 1930), fait l’objet de travaux récents, complétant les données statistiques publiées à l’époque par les autorités (systématiquement à partir de 1886) (Matos, Moreia et Maia, 2014).

37Les statistiques du xixe siècle, reprises et analysées tout récemment à l’échelle des comarcas, ne distinguaient pas toujours les enfants abandonnés des illégitimes, ce qui impose aux chercheurs de courageuses recherches complémentaires à l’échelle locale pour mieux explorer le statut et la proportion d’enfants élevés dans des foyers non parentaux. Pour le Minho du xixe siècle, on note une fréquence élevée des conceptions prénuptiales, des âges au mariage de plus en plus tardifs pour les femmes et surtout une forte émigration des jeunes hommes vers le Brésil, laissant des femmes encore célibataires derrière eux ??caractéristiques qu’avait popularisées Caroline Brettell (1986) ?, mais pourvues de petits enfants naturels.

38On estime que parmi les enfants abandonnés aux soins des Miséricordes (misericórdia), ces institutions de bienfaisance qui géraient et finançaient, au frais des municipalités, l’entretien de ces enfants délaissés (notamment à Lisbonne et Porto), la proportion de légitimes pouvait dépasser celle des illégitimes. La présence d’un tour à la porte de ces institutions ne faisait qu’encourager l’abandon anonyme des bébés. En Europe, de nombreux tours «?d’exposition?» ou tours d’abandon furent d’ailleurs supprimés au cours du xixe siècle, rendant l’abandon plus difficile pour les femmes. À Paris, pour l’Hôpital des Enfants trouvés, on rencontre le même problème à travers les statistiques mises au point par le chirurgien Tenon à la fin du xviiie siècle, qui comparait deux catégories d’enfants abandonnés, les enfants légitimes et enfants illégitimes, sans préciser sur quoi les estimations statistiques des administrateurs et du personnel de l’institution reposaient (Chamoux, 1973a et 1973b).

39Pour sa part, Paulo Matos a étudié très en détail les hauts niveaux d’illégitimité (jusqu’à 20?%) qu’ont connus les Açores, ces îles portugaises très catholiques de l’Atlantique?; il a distingué, pour les mères célibataires ou veuves, trois types de comportements (Matos, 2007, 2009)?: 1) avoir des bâtards nés d’un père connu?; 2) en avoir sans que le père soit connu et 3) en avoir qui seront légitimés plus tard.

40Edward Shorter avait proposé une typologie qui était plutôt celle de la sexualité hors mariage, selon la nature des relations sexuelles qui existaient ou avaient existé entre les parents de l’enfant illégitime (Shorter, 1971). Mais les documents historiques permettent très rarement de connaître la réalité de ces relations, et encore ils ne reflètent que ce qui en a été dit par la mère au moment de la mise au monde – «?dans les douleurs de l’accouchement?» –, ou par quelques témoins lors d’enquêtes ou de procès en paternité. Toutefois, dans certains hospices comme à la Charité de Lyon, au xixe siècle, pour être admises les femmes devaient en principe déclarer l’identité du père de l’enfant à naître, et les administrateurs se livraient à une véritable enquête pour contrôler ces dires. Ainsi, au cours de la période 1871-1881, près de neuf femmes sur dix désignèrent un homme comme père de l’enfant, déclarant un nom, une adresse et un métier (Brunet, 2008).

41Peter Laslett invoque, quant à lui, pour ces groupes socio-économiques de serviteurs et servantes, une «?prédisposition possible à un non-conformisme sexuel?», et, en tant que sociologue, il propose l’existence d’une «?sous-société encline à la bâtardise?», avec des attitudes sociales conduisant à élever des bâtards (Laslett, 1980b). Laslett pensait que la prolétarisation pouvait déboucher sur bâtardise et/ou prostitution?; il insistait sur la fréquence des naissances répétées d’enfants illégitimes pour une même femme, un fait que l’on trouve dans beaucoup de monographies paroissiales en Angleterre (Levée, Nuât et Williams, 2005). Dans le cadre de la ville de Lyon, au cours de la période 1840-1900, Guy Brunet a réalisé le suivi génésique, résidentiel et professionnel des femmes non mariées qui donnèrent naissance à cinq enfants illégitimes ou plus. Il montre ainsi la diversité des comportements parmi ce groupe restreint, ainsi que la très forte mortalité de ces enfants (Brunet, 2010). Ces récidives d’accouchements hors mariage, chez les femmes célibataires, se retrouvent d’ailleurs souvent chez mère et fille, lorsqu’on est en mesure de tracer la généalogie des filles-mères à travers des études de cas. Dans les Hautes-Pyrénées, où l’illégitimité atteignait des niveaux élevés (vers 1840, 15?% des naissances sont illégitimes), les exemples en étaient fréquents, liés à l’incapacité pour les garçons et filles cadettes à amasser un petit patrimoine ou une dot convenable, surtout quand ils étaient issues de cadets «?fondateurs?», installés, sans la moindre fortune et en dépit des règles inégalitaires ancestrales, sur un lopin de terre après la Révolution française et grâce aux partages patrimoniaux imposés par le Code civil de 1804 (Fauve-Chamoux, 1995b, 100).

42Laslett insistait donc sur ce caractère répété des grossesses hors mariage chez une même femme, fait qui pouvait avoir été lié, sinon dû, aux migrations des personnes concernées. C’est là un thème étudié par Richard Smith ou Andrew Blaivie?: tous deux rapprochent déjà évidemment migrations temporaires du travail et service domestique (Smith, 1980?; Blaivie, 1993, 1998b, 2005). Les domestiques urbains, nombreux dans toutes les grandes villes européennes (Fauve-Chamoux, 1994, 1995a, 1997, 1998a), étaient fort exposés au risque d’illégitimité. D’autres groupes de migrants pauvres et travailleurs non mariés avaient aussi des enfants hors mariage, souvent de façon répétée, comme à Genève (Schumacher, Ryczkowska et Perroux, 2007). À Lyon, les ouvrières du textile se retrouvaient souvent filles mères.

43Dans d’autres grandes villes du xixe siècle, notamment à Paris, on relève un nombre considérable de couples vivant ensemble et élevant des enfants, bien que non unis par les liens sacrés du mariage. C’est probablement leurs faibles revenus qui les y poussaient en grande majorité, à moins que ce ne fût le peu de souci qu’ils avaient de l’opinion des autres. C’était l’époque de la déchristianisation et de la sécularisation de la vie quotidienne. Dans le cas de Londres au xixe siècle, Ginger Frost a estimé que les couples concubins relevaient de trois principaux modèles?: 1)?les plus nombreux étaient ceux qui ne pouvaient pas se marier pour des raisons administratives ou familiales (déjà mariés par ailleurs, proches parents, absence de documents)?; 2) ceux, peu nombreux, qui ne voulaient pas se marier, par contestation radicale de l’institution matrimoniale?; 3) ceux qui ne se mariaient pas, par indifférence ou par absence de pression sociale et familiale (Frost, 2008).

44Dans des villes de taille plus petite, il est possible que la pression sociale se soit exercée plus fortement et que les ouvriers aient été, en quelque sorte, encadrés par un patronat faisant valoir des exigences de moralité poussant ouvriers et serviteurs à régulariser leur liaison amoureuse et à obtenir ainsi plus facilement un logement plus spacieux pour abriter leur nouvelle famille. On comprendrait mieux ainsi que Patrice Bourdelais et Michel Demonet aient observé, avec quelque surprise, un faible taux de concubinage au Creusot pour le milieu du xixe siècle (Bourdelais et Demonet, 1998), alors qu’à Roubaix, on en trouve une beaucoup plus forte proportion (Petillon, 2006, 176), surtout chez les travailleurs immigrés d’origine belge, pourtant bien catholiques.

45Il faut aussi garder en mémoire qu’en France le divorce n’était pas possible avant 1884 et la loi Naquet (si l’on excepte une courte période postrévolutionnaire) (Fauve-Chamoux, 2001). En France sous l’Ancien Régime, avec l’indissolubilité du mariage catholique (et le mariage considéré comme un sacrement), les conjoints séparés ne pouvaient pas refaire leur vie avec une nouvelle union légale tant que l’un d’eux était en vie. Dans les autres pays, de tradition protestante ou orthodoxe où le divorce était permis, il n’était d’ailleurs pas particulièrement facile à obtenir et il pouvait de plus être onéreux (Phillips, 1988?; Ghitulescu, 2004). En outre, on ne peut expliquer le concubinage sans faire référence au poids de la législation?: toute disposition légale ou factuelle (comme la présentation d’un certain nombre de papiers rendant la réalisation du mariage compliquée) tendait par là même à augmenter le nombre des unions extra-maritales et des naissances hors mariage. À Genève, on le voit nettement (tout comme à Roubaix cité plus haut), il était difficile, pour de jeunes migrants, de fournir les documents administratifs et financiers nécessaires à l’obtention de la permission de se marier (Schumacher, Ryczkowska, Perroux, 2007), et ce sont bien ces difficultés administratives que Guy Brunet retrouve dans sa contribution au présent dossier, dans les grandes villes de l’Algérie coloniale.

46On a estimé que dans le Paris de 1850, 80?000 couples existaient qui ne voulaient simplement pas s’imposer le souci ou les dépenses d’une cérémonie de mariage civil ou religieux (Frey, 1978). En Italie, beaucoup de mariages étaient célébrés sous le seul ministère de l’Église, mariages non reconnus par l’État, puisqu’une cérémonie civile avait été imposée, en 1866, lors de l’unification du pays (Casalini, 2009?; Ungari, 2002) [8]. Et aux yeux de l’État, les enfants nés de ces unions, scellées seulement à l’église, étaient illégitimes. Dans son texte ci-dessous, Guy Brunet expose le cas de couples juifs d’Algérie, mariés religieusement et ayant donné naissance à une descendance qu’ils considéraient comme légitime, mais qui était traitée comme naturelle par les nouvelles autorités françaises. Une partie de ces couples était alors amenée à se marier civilement et à demander la légitimation des enfants nés précédemment.

47De même, dans de nombreuses villes européennes telles Genève ou Cracovie (Zybliekiewicz, 1999), les juifs orthodoxes, mariés selon leurs propres rites, étaient considérés comme non mariés dans les recensements du xixe siècle. Autre cas intéressant, celui de la Bavière. Avant 1868, un homme ne pouvait obtenir autorisation de mariage que s’il possédait des moyens de vie supérieurs à ceux d’une large proportion de la population. Peu de temps après la suppression de cette disposition, la proportion des naissances illégitimes avait chuté, tombant par exemple de 17,8 à 14,9?% dans le village de Kreuth (Houdaille, 1970, 651). Cependant, la Bavière de la fin du xixe siècle présentait toujours un des taux les plus hauts d’Europe (figure 3), à l’exception des quelques provinces autrichiennes dont nous parlerons plus loin – et c’était dû sans aucun doute, au moins en partie, à des restrictions légales non favorables. On ne saurait attribuer au catholicisme cette large proportion de naissances bavaroises hors mariage?: les taux d’illégitimité étaient encore plus élevés en milieu protestant?! Différents facteurs pouvaient jouer, telles des différences de contrôle religieux et social ou bien des stratégies familiales de reproduction, surtout lorsque la coutume traitait les enfants de façon inégalitaire, selon le genre et en fonction de leur rang de naissance dans la fratrie.

Illégitimité et système «?à maison?» lévi-straussien

Modèles de ménages et écosystèmes européens

48Avec Peter Laslett, John Hajnal a clairement souligné ce qu’il considérait dans le passé comme les éléments principaux du mariage et des processus de formation des ménages en Europe du Nord-Ouest, quel que soit le régime de transmission, égalitaire ou non. C’était le service domestique de jeunes hommes et femmes, au sein de maisons – fermes paysannes où l’on pouvait parfois aussi s’adonner à quelque proto-industrie –, qui expliquait les âges élevés au premier mariage ainsi que la formation tardive, avec le mariage, d’un nouveau ménage (Hajnal, 1965, 1983?; Laslett, 1965, 1977, 1988). En lutte contre la mythologie de la famille élargie comme idéal du passé, réagissant aux discours réactionnaires (comme ceux de Frédéric Le Play) qui avaient fait de la disparition de la famille-souche ou de la «?maison totale?» ou Ganzes Haus (Brunner, 1968) l’origine de tous les maux (Fauve-Chamoux et Ochiai, 2009), Laslett considérait les formes de famille-souche/Stem Family comme négligeables à l’échelle du continent européen, où la famille conjugale dominait sans conteste statistiquement. C’était oublier que la famille-souche n’est pas visible dans toutes les phases de son développement séculaire et que c’est en fait un processus de reproduction sur le long terme et un état d’esprit. Claude Lévi-Strauss définit le concept de maison ainsi?: «?Personne morale détentrice d’un domaine qui se perpétue par transmission de son nom, de sa fortune et de ses titres en ligne réelle ou fictive, tenue pour légitime à la seule condition que cette continuité puisse s’exprimer dans le langage de la parenté ou de l’alliance et, le plus souvent, des deux ensemble?» (Lévi-Strauss, 1979, 175).

49Renate Dürr avait signalé, dans un contexte différent, celui de la Souabe au xviie siècle, où régnait déjà l’idéologie de la «?maison totale?», cette Ganzes Haus où les domestiques, serviteurs à vie ou sous contrat temporaire, étaient soumis à l’autorité absolue du chef de maison, comme tous les membres d’une famille chrétienne. Elle mentionnait les opinions de pasteurs ou philanthropes de l’époque qui voyaient dans le service domestique un «?chemin vers la rédemption morale?» (Dürr, 1995).

50Dans la majorité des régions européennes de montagne, les cadets étaient des exclus de l’héritage familial principal, un seul des enfants de la fratrie assurant la responsabilité de chef de maison à la génération suivante. Les cadets et cadettes ne pouvaient se marier facilement et le service domestique leur fournissait une solution de vie hors de la maison natale. Ces jeunes gens, filles et garçons, jouissaient de fait d’une relative liberté de mœurs lorsqu’ils étaient en service et les unions libres se formaient sans grande contrainte sociale, produisant des enfants hors mariage en nombre important, comme dans les vallées autrichiennes (Mitterauer, 1983). Ce modèle d’illégitimité, très étudié en Autriche et dans les Balkans (Kaser 2012?; Teibenbacher et Exner, à paraître), observé aussi dans les Pyrénées centrales, a été baptisé «?cadetterie?» [9] par Antoinette Fauve-Chamoux (1994b?; 1995b).

Célibat, domesticité et « cadetterie » sans abstinence

51Le service domestique allégeait les ménages ruraux de la main d’œuvre qu’elles avaient en trop. Ces travailleurs migrants allaient pour des séjours saisonniers ou plus longs, là où ils pouvaient gagner de quoi assurer leur vie et un avenir indépendant. Dans les systèmes inégalitaires de transmission familiale, ils laissaient la place à l’héritier principal qui assurait la succession à la tête de la maison de famille, héritant des terres ou de leur usage, quand il y avait bail. Les migrants, filles ou garçons, pour s’établir de leur côté, que ce soit au loin ou de retour au pays natal, avaient besoin d’une dot ou d’un pécule qu’ils devaient se constituer eux-mêmes par leur travail s’ils n’avaient pas reçu grand-chose de leur famille (Duroux, 2004). En Europe de l’Ouest, cette circulation des jeunes gens des deux sexes a grandement aidé à équilibrer l’offre et la demande de travail. Les différentiations régionales étaient importantes.

52Pour la monarchie des Habsbourg jusqu’en 1918, Siegfried Gruber a présenté un bilan détaillé, actualisé, des mutations démographiques et des types de familles selon les provinces (Gruber, 2009). Les conditions propres aux régions montagneuses retiennent l’attention?: ce qui caractérisait les provinces alpines de l’Empire (Basse et Haute-Autriche, Salzburg, Styrie, Carinthie, Carniole, Tyrol, Voralberg) était un âge élevé au mariage et une proportion importante de la population des deux sexes non mariée – ces caractéristiques réduisant la possibilité d’observer des frères mariés dont les couples corésidaient (en joint-family). Les formes de la famille-souche étaient donc fort communes en altitude. Par ailleurs, Norbert Ortmayr a défini un modèle à quatre volets, qu’il a qualifié de «?modèle autrichien du mariage alpestre?», qui se développait selon les quatre écotypes locaux bien identifiés auparavant par Michael Mitterauer?: élevage, agriculture, viticulture et proto-industrie (Mitterauer, 1986?; Ortmayr, 1995).

53Plus au nord, en Galicie occidentale, le système de l’héritier unique propre au «?système à maison?», tel que l’a clairement défini Claude Lévi-Strauss dans La Voie des masques (Lévi-Strauss, 1979) – à savoir comme personne morale dont les biens sont transmis indivis de génération en génération –, semble avoir été introduit dès le Moyen-Âge (Hufenverfassung) (Grandits, 2009)?; d’autres parties de la Galicie autrichienne avaient pâti d’une fragmentation démesurée des terres due à la pression démographique, ce qui avait entraîné émigration paysanne et développement d’activités proto-industrielles, en particulier textiles (Rudolf, 1991, 1995).

54Ainsi, les conditions dans lesquelles se faisait l’héritage ont-elles eu des effets majeurs sur la structure des ménages et, en conséquence, sur les stratégies économiques et l’accès des jeunes au mariage et à un établissement. Comme le montre Siegfried Gruber, Galicie et Bucovine avaient des traits communs et, apparemment, les ménages y devenaient d’autant plus complexes qu’on allait de l’Ouest vers l’Est, comme c’était aussi le cas en Pologne et en Lituanie (Szo?tysek, 2008). Pour ce dernier secteur, Mikolaj Szo?tysek a bien montré le lien entre âge au mariage, formation des ménages et proportion des domestiques (Szo?tysek, 2009). Considérer les pays d’Europe centrale selon les modèles disponibles donna longtemps des résultats bien ambigus?: on y situait simplement les familles rurales «?quelque part?» entre le modèle occidental et le modèle oriental (Laslett, 1983?; Plakans et Wetherell, 2001). Miko?aj Szo?tysek, par son travail sur l’Europe «?Est-Centrale?» est enfin parvenu à fournir des données longitudinales d’ampleur sur la vie socio-économique des familles et leur modèle reproductif (Baten et Szo?tysek, 2012?; Gruber et Szo?tysek, 2012).

55En tout cas, dans les années 1870, dans l’Empire austro-hongrois, les ménages alpestres vivant de l’élevage sur des exploitations étendues pouvaient employer 6 ou 7 domestiques, hommes et femmes, dont on sait qu’ils étaient pour la plupart engagés dans un « service à vie » (life-long service) et non dans une tâche couvrant un bref moment de leur vie (life-cycle service) (Mitterauer, 1983). C’est pourquoi ces régions ont connu une telle proportion de bâtards. Lorsque la norme était le non-partage de l’héritage, l’aîné des enfants reprenait la ferme et ses frères et sœurs, ceux-ci devenant ses domestiques (Mitterauer, 1995). Ne possédant ni terre ni dot, ces derniers ne pouvaient se marier sur place et leurs enfants – puisqu’ils en avaient –, naissaient illégitimes. Là où on pouvait attendre quelque revenu d’activités non agricoles, le mariage était une possibilité, mais migrer vers les villes était souvent préféré à la fin du xixe siècle.

Stratégies familiales inégalitaires et fécondité hors mariage

L’illégitimité élevée de l’Autriche

56Catherine Sumnall, spécialiste de géographie historique, a apporté une très intéressante contribution au thème que nous traitons, observant la géographie de l’illégitimité et ses dimensions spatiales et temporelles à partir du cas de la Carinthie en Autriche, entre 1880 et le début des années 1960. Elle s’attache à développer une banque de données nominatives et à lier les informations recueillies à travers diverses sources originales, afin de tracer systématiquement des histoires de vie (Sumnall, 2009). Partant d’une riche série de «?relations synodales?» annuelles, elle s’interroge sur la façon dont variait la très haute fréquence des naissances hors mariage dans la vallée de la Gurk ou Gurktal qui présentait des taux record d’illégitimité de plus de 70?% de naissances vivantes hors mariage dans les années 1880 (figure 4).

Fig. 4

Taux moyen d’illégitimité pour 1 000 naissances vivantes, dans le Gurktal en Carinthie et dans l’ensemble de cette province d’Autriche, par année, de 1880 à 1961

Fig. 4

Taux moyen d’illégitimité pour 1 000 naissances vivantes, dans le Gurktal en Carinthie et dans l’ensemble de cette province d’Autriche, par année, de 1880 à 1961

Source?: Pour le Gurktal, les taux sont calculés par Catherine Sumnall d’après les Relations synodales (Sumnall, 2009, 209) et pour la Carinthie, à partir d’Oesterreichische Statistische Jahresbuecher, 1883 à 1961 (Sumnall, 2009, 199).

57En analysant ces données, l’auteur insiste sur la tendance déclinante de l’illégitimité dans cette région rurale du Gurktal depuis 1880 et au cours du xxe siècle (Sumnall, 2009, 209), tenant compte également des données à l’échelle de la région de Carinthie et de l’ensemble des statistiques autrichiennes disponibles depuis 1820, qui font apparaître un grand maximum de l’illégitimité dans les années 1860 (Eigner, Müller & Schnöller, 2008). Sumnall se réfère également aux données générales de fécondité par région, publiées en 1986 par l’équipe du Princeton European Fertility Project, qui restent une référence obligée (Sumnall, 2009, 210?; Coale et Watkins, 1986). Sumnall commente une récapitulation des taux annuels d’illégitimité pour l’Autriche de 1820 à 1980.

58La figure 5 présente les taux d’illégitimité pour l’ensemble de l’Autriche, tout d’abord les données concernant les provinces autrichiennes de l’empire des Habsbourg, puis les statistiques publiées par la République d’Autriche après 1918. Le décalage observé entre les deux courbes pour la période 1900-1914, alors qu’elles devraient se chevaucher, semble provenir de l’ajout du Burgenland, jusque-là compté dans la partie hongroise de l’Empire. Mais il n’est pas non plus exclu que la période la plus ancienne ait connu, de fait, un certain sous-enregistrement des baptêmes par l’Église, dans quelques secteurs urbains ou peu catholiques. S’il a existé, ce phénomène ne touche pas, en tout cas, la vallée de la Gurk. Un système de transmission à « maison » semble bien avoir été la norme dans la vallée de Carinthie étudiée par Sumnall, comme ce fut le cas dans d’autres vallées alpines ou pyrénéennes (Lévi-Strauss, 1979, 175).

Fig. 5

Récapitulation des taux d’illégitimité (pour cent naissances vivantes), pour l’ensemble de l’Autriche de 1820 à 1980 (provinces autrichiennes de l’Empire des Habsbourg puis statistiques de la République d’Autriche)

Fig. 5

Récapitulation des taux d’illégitimité (pour cent naissances vivantes), pour l’ensemble de l’Autriche de 1820 à 1980 (provinces autrichiennes de l’Empire des Habsbourg puis statistiques de la République d’Autriche)

Source: Eigner, Müller, Schnöller, 2008, d’après Sumnall, 2009, 198.

59Antoinette Fauve-Chamoux, comparant avec les modèles familiaux qu’elle avait mis en parallèle antérieurement [10], a fait l’hypothèse que le mariage y était réservé aux héritiers ou aux héritières et aux partenaires soigneusement choisis pour eux (Fauve-Chamoux, 2011). Les enfants non héritiers avaient grande liberté pour l’exercice de leur sexualité, mais le mariage leur était souvent difficile. Tel était le cas dans les Pyrénées centrales en France, dans les Baronnies (Fauve-Chamoux, 1995b). Avoir des enfants légitimes, pour chaque génération, n’avait d’importance ou n’était nécessaire que pour le seul couple chargé d’assurer la continuité de la «?maison?» paysanne?; les autres enfants, non successeurs, garçons et filles, cadets et cadettes, pouvaient circuler dans l’ensemble de la communauté, être domestiques dans une maison autre que la maison natale et travailler pour amasser un pécule. Ils pouvaient engendrer des enfants sans avoir à porter le poids et la gestion d’une grosse «?maison?». Ce comportement n’était plus «?marginal?» et pouvait concerner ainsi jusqu’à 70?% de la population?! Dans cette optique d’un comportement «?cadet?», on peut alors mieux interpréter les données extraordinaires d’illégitimité en Carinthie, sachant de plus, qu’avec les années 1880, comme Sumnall l’a montré, on se situe dans une phase de décroissance du phénomène de l’illégitimité, comme cela a été bien mis en évidence en 1971 [11].

60Autrement dit, le système de la «?famille-souche?» ? tel que l’avait défini Frédéric Le Play pour l’avoir observé dans la vallée du Lavedan et bien identifié ailleurs (Le Play, 1875?; Fauve-Chamoux, 1995b) ?, doit avoir joué un rôle majeur en Carinthie, y expliquant le très haut niveau des naissances illégitimes observé au cours du xixe siècle, quand la transition démographique a fait baisser la mortalité et qu’un trop plein de filles et fils «?cadets?» a dû quitter la «?maison?». Siegfried Gruber confirme cette interprétation?: les régions alpines rurales, du temps des Habsbourg, étaient en effet connues pour leur forte proportion d’enfants illégitimes, des enfants souvent nés de parents en service et non mariés, placés dans d’autres maisons rurales que la leur, comme l’ont montré les historiens démographes de l’école autrichienne (Gruber, 2009).

61En Styrie, autre région de la zone alpine autrichienne, l’illégitimité commença à augmenter fortement au milieu du xviiie siècle, probablement en raison de la pression démographique qui se prolongea jusqu’à ce que les paysans sans terre soient autorisés à se marier?: les restrictions formelles touchant le mariage furent abolies en 1868, mais des entraves structurelles demeuraient. En effet, dans ces régions, le nombre de maisons Hofstellen resta régulé et fixe et la stratégie de reproduction familiale reposait sur un système d’héritier unique de la transmission familiale?: les districts de Murau en Styrie et de St.Veit en Carinthie étaient de notoires bastions centre-alpins de l’illégitimité (Teibenbacher, 2009, 300). La proportion de naissances hors mariage y augmenta donc encore jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale. Les serviteurs domestiques n’avaient ni terres ni maisons, ni locaux individuels, donc aucun espace privé n’était à leur disposition pour fonder une famille et élever proprement leurs enfants qu’ils laissaient à la charge de leur propre famille d’origine. Mais l’illégitimité y était très respectée en tant que phénomène contribuant à la fécondité et la reproduction du pays, puisque les deux districts mentionnés ci-dessus constituèrent de véritables réservoirs de main-d’œuvre pour les sites industriels.

62Daniela Dete?an aborde, de son côté, le sort réservé aux bâtards au sein de la société de Transylvanie – zones carpatique et intra-carpatique –, en fonction des pratiques successorales et de l’évolution spécifique du droit familial qui intervint dans la seconde moitié du xixe siècle [12].

Le cas de la Transylvanie

63Province de l’Empire autrichien, la Transylvanie, fit partie de l’Empire austro-hongrois après 1867. La transmission familiale y était traditionnellement inégalitaire, surtout dans les zones montagneuses des Carpathes. Depuis 1853, le Code civil autrichien, promulgué en 1811, était la base législative du mariage en Transylvanie, laissant l’essentiel des affaires matrimoniales aux mains des autorités religieuses. Le Code civil autrichien, contrairement au Code civil français de 1804 (Code Napoléon), permettait de déshériter un enfant (Dete?an, 2010). Il fut abrogé en 1894 et remplacé par une «?Loi du mariage?» introduisant le mariage civil [13]. Par ailleurs, en Moldavie et en Valachie, un Code civil roumain avait été promulgué en 1865, sur le modèle du Code Napoléon.

64Dans le présent dossier, Daniela Dete?an, bénéficiant de récents travaux antérieurs qu’elle connaît bien, utilise les riches archives paroissiales de cinq localités, complétées par des données notariales, des annuaires statistiques et même la presse, pour tenter d’approfondir le phénomène de l’illégitimité en Transylvanie au cours de la seconde moitié du xixe siècle. Elle y étudie non seulement les diverses raisons pouvant mener à des naissances hors mariage, l’état civil et le statut social des mères de ces enfants, mais aussi quel pouvait être le devenir d’enfants nés ainsi illégitimes, en particulier à travers de nombreux exemples de la région de Bistri?a-N?s?ud, cette région carpatique montagneuse des frontières militarisées de l’Empire, où la cohabitation des générations était fréquente (Bolovan et al., 2010) et l’illégitimité assez élevée, comme l’atteste la carte présentée dans sa contribution ci-dessous, par Daniela Dete?an pour l’année 1880 (Bolovan et Bolovan, 2006, 223–231). Quel sort la société et la législation civile réservaient-elles à l’enfant naturel?? En tout cas, il était exclu de l’héritage de son père, à moins d’en avoir été reconnu, de bénéficier d’un testament ou d’une donation, actes enregistrés en présence de témoins. Mais il avait les mêmes droits que les enfants légitimes en ce qui concernait la succession de sa mère ou celle des membres apparentés à sa mère (Code civil autrichien, art. 754).

65Les travaux de Ioan et Sorina Bolovan avaient déjà apporté ces dernières années une description détaillée des variations de l’illégitimité en Transylvanie entre 1848 et la Première Guerre mondiale (Bolovan et Bolovan, 2009?; Bolovan et P?durean, 2005). Les structures ethniques de cette province roumaine sont complexes. Elle rassemble plusieurs régions d’histoire différente. Les conséquences de l’industrialisation et de l’urbanisation sont tangibles, avec aussi, pour les familles, celles du passage de l’autorité de l’Église à celle de l’État (quand le mariage civil a été introduit en 1894). Une augmentation progressive du nombre des naissances illégitimes intervint dans presque toutes les circonscriptions de Transylvanie, une tendance qui allait clairement à l’encontre du modèle d’Europe occidentale de baisse de l’illégitimité (Shorter, Knodel et van de Walle, 1971, 377?; Festy, 1979, 68?; Hartley, 1975, 36-38). Alors que les courbes globales publiées par l’équipe de Princeton faisaient état d’un déclin radical du phénomène de l’illégitimité en Autriche, avec une tendance encore plus marquée en Hongrie (après le record d’un indice Ih de plus de 0.125 vers 1890) (figure 2), la Transylvanie présentait, en 1900, des indices Ih d’environ 0,120, correspondant sur la carte de Princeton (figure 3) à la catégorie représentée en noir (indice supérieur à 0,100).

66En Transylvanie, la disparition du système féodal et du servage – ainsi que l’ouverture d’un marché foncier –, avec la Révolution de 1848 a autorisé la mobilité de la population?: le taux moyen annuel d’illégitimité y était alors de 3,9?%, un taux très similaire au taux hongrois (3,4?%), plus bas que celui de la Croatie-Slovénie (4,8?%), et bien plus élevé que celui qui était propre aux frontières militarisées de l’Empire autrichien (1,3?%) où, selon les commentateurs, «?la rigueur militaire se traduisait par un plus grand sens de la moralité?» (Sandor, 1868, 30). La Transylvanie connut ainsi un pic d’illégitimité en 1866 (8,6?%), plus précocement que la Hongrie qui se distingue par un maximum d’illégitimité qui n’intervient que vers 1890 (figure 2).

67La législation touchant le mariage en Transylvanie, religieuse et/ou laïque, était si sévère, que les mariages clandestins n’étaient pas rares et finalement certaines situations de concubinage tolérées (Bolovan et P?durean, 2005), surtout en milieu urbain et chez les militaires. Pourtant les prêtres roumains gréco-catholiques et orthodoxes estimaient que le mariage était un sacrement et la cohabitation hors mariage condamnable. De plus, Daniela Dete?an souligne à quel point les autorités religieuses (orthodoxes et gréco-catholiques) de Transylvanie traitaient comme illégales les unions qui n’avaient été célébrées que civilement. Comme le mariage était un événement coûteux, les plus démunis s’en passaient.

68Les familles urbaines étaient pour la plupart nucléaires, en Europe centrale comme ailleurs?: à Vienne et à Budapest, les ménages urbains de prolétaires ne comportaient que rarement des personnes apparentées (Farago, 1993, 1998). Il fallait avoir acquis quelques moyens pour s’y marier (comme on l’a vu plus haut à Genève, Paris ou Roubaix) et, en ce qui concerne les jeunes femmes, servir quelques années dans une famille bourgeoise était le moyen le plus facile d’accumuler un pécule afin de réussir à convoler, mais toutes n’y parvenaient pas.

La mutation de l’illégitimité et des modèles de reproduction familiale au xixe siècle

69À la lumière de nombre de travaux antérieurs, dont nous avons évoqué certains, il apparaît qu’avec les changements démographiques et socio-culturels les comportements se modifient tout au long du xixe siècle (individualisme, déchristianisation, sécularisation), à la fois en Europe et dans le monde colonial. Avec l’industrialisation, s’ouvrent aux jeunes adultes sans propriété foncière d’autres emplois que le service domestique, emplois qui sont moins contraignants pour la vie de couple?; les modèles familiaux évoluent également. La Première Guerre mondiale accélérera ces processus de changement?: le service domestique disparaît peu à peu sous sa forme traditionnelle. Il a tendance à devenir un métier comme un autre.

70De son côté, l’illégitimité non voulue peut souvent être évitée par des moyens contraceptifs préventifs. Les mentalités connaissent des mutations considérables. Les jeunes gens sont plus instruits. Les stratégies de reproduction familiale de la maison se négocient en commun et les héritiers, jusque-là privilégiés, préfèreraient quitter la terre, comme leurs cadets et émigrer vers des terres coloniales, plutôt que d’avoir leurs vieux parents à charge au foyer et d’être liés à la terre ancestrale.

71Jan Kok a exploré les variations régionales de l’illégitimité dans l’optique qui nous intéresse du système familial, entre 1900 [14] et 2000, pour l’ensemble des pays européens, comparant tout particulièrement les Pays-Bas et la Roumanie (Kok, 2009). Il suggère une chaîne de relations entre les normes qui régulent de façon coutumière les systèmes familiaux (corésidence avec les parents, accès au mariage – libre ou arrangé –, âge au mariage, célibat, remariage) et les variations des naissances hors mariage. Kok insiste sur la tolérance de certaines sociétés à l’égard des expériences sexuelles prémaritales et de la cohabitation maritale.

72Les travailleurs migrants du xixe siècle, comme les servantes, femmes de chambres, nourrices et valets des siècles passés, conçoivent leur service comme temporaire au départ. Nombre d’entre eux en font bientôt un métier, deviennent salariés et s’intègrent finalement, tant bien que mal, à leur société d’arrivée en Europe ou au-delà des mers en terre coloniale, bien que la prostitution soit, comme autrefois, au rendez-vous pour certaines de ces migrantes. Les plus chanceux de ces domestiques, au total, s’intègrent, participent au renouvellement des générations et à une relative mixité sociale dont leurs enfants, même nés illégitimes, accédant à une certaine éducation, jouiront plus qu’eux-mêmes, tout comme par le passé, à condition qu’ils aient survécu.

73Il est évident qu’après la décennie 1960, la mise en parallèle des courbes de l’illégitimité et de la domesticité perd son sens précédent?: dans les pays d’Europe occidentale, l’illégitimité devient alors majoritairement choisie et non plus subie. Avec la «?seconde transition démographique?», le mariage cesse d’être recherché par les jeunes couples au début de leur relation?; les familles sans mariage se multiplient, les enfants naissent dans le cadre de nouvelles formes de partenariat, de plus en plus souvent socialement reconnues et même enregistrées, comme le Pacte civil de solidarité (PACS) en France (Durães, Fauve-Chamoux, Ferrer et Kok, 2009?; Fauve-Chamoux, 2010). Il faut souligner que la notion même d’illégitimité dépend par définition de la loi, et notamment, dans le cas de la France du xixe siècle, du Code civil. Or, il existe parfois un décalage important entre l’évolution des mentalités collectives et la loi, cette dernière considérant comme illégitimes des enfants qui sont perçus par leurs parents comme parfaitement intégrés dans le réseau familial et social. Aussi, comparer le niveau de l’illégitimité entre les périodes ou entre les pays suppose de tenir compte des différentes lois nationales en la matière.

L’illégitimité urbaine en milieu colonial?: d’Alger à Sydney

74La contribution de Tanya Evans se situe dans la continuité des études sur la condition des femmes en Australie coloniale, mais, ayant travaillé sur l’Angleterre, elle aborde le sujet des mères célibataires à Sydney dans un esprit comparatif. Elle peut comparer avec Melbourne qui était aussi une très grande ville du xixe siècle, de type socio-économique anglais et occidental, où les femmes pouvaient trouver à vivre comme servantes, tout comme en Amérique du Nord (Lynch-Brennan, 2004). Shurlee Swain avait déjà traité de la fécondité extra-maritale chez les servantes du xixe siècle en Australie (Swain, 2005).

75Nombre des servantes y devenaient mères célibataires, le service domestique étant alors le métier le plus courant pour les jeunes femmes. Swain avait mis deux séries de sources en parallèle?: d’une part, des données recueillies dans toute une série de journaux, dans les jugements des tribunaux ou à partir d’organisations charitables, et d’autre part le poids à la naissance et les chances de survie de bébés nés au Melbourne Women’s Hospital (1857-1883). Judith Allen avait estimé que les enfants illégitimes nés de servantes, en Nouvelles-Galles du Sud au xixe siècle, avaient pour père l’employeur ou un ami de l’employeur puisque ces servantes travaillaient pendant de longues journées et n’avaient guère la liberté de sortir de la maison de l’employeur (Allen, 1990). Or, dans la moitié des cas identifiés par Swain (55,4?%), le père de l’enfant illégitime se trouve avoir été le compagnon ou fiancé de la servante, et non son maître. En ce qui concerne ces enfants eux-mêmes, leurs chances de survie étaient désastreuses, aussi mauvaises qu’elles l’avaient été dans l’Europe moderne (Fauve-Chamoux, 2002). Ainsi, pour Melbourne, les études statistiques et les histoires de vie imposèrent-elles une image terriblement négative, illustrant combien étaient insuffisants les soins reçus par les enfants illégitimes et lamentables les méthodes d’allaitement au xixe siècle. Le présent travail de Tanya Evans apporte une vision un peu plus sereine de ce passé colonial.

76Certes, dans le contexte australien d’une colonie pénitentiaire bien spécifique, les premières autorités avaient été plus sensibles aux évidents besoins des pauvres que plus tard vers 1820, lorsque le paternalisme chrétien fut remplacé par une «?certitude évangélique?»?: la pauvreté devint alors liée au vice. Par contre, à cette époque, le cadre conceptuel de la nouvelle loi sur les pauvres continua à dominer le monde britannique en Europe. Le phénomène de la bâtardise était devenu une préoccupation politique majeure dans les débats sur les Poor Laws, dans les années 1820 en Angleterre. Néanmoins, en Nouvelle-Galles du Sud, même en l’absence d’une loi des Pauvres, les autorités ont toujours reconnu leurs responsabilités à l’égard des nécessiteux, et des organismes de bienfaisance virent le jour, comme les orphelinats de Sydney en 1801 et la Benevolent Society, à partir de 1813, dont le statut était non confessionnel en dépit d’origines évangéliques.

77Progressivement, les mères célibataires ont été vues non plus comme des victimes, mais comme des fauteuses de trouble pour la société. Sans grand succès, le concubinage fut condamné et pénalisé, en 1810, par un décret du gouverneur Lachlan Macquarie, qui devint d’ailleurs grand administrateur de la Société de bienfaisance de Nouvelle-Galles du Sud en 1818, et finança la construction d’une structure d’accueil modernisée pour les pauvres adultes malades et vieillissants, mais comportant aussi une maternité, sans que pour autant les fonds privés disparaissent. À Sydney comme à Londres, beaucoup de jeunes femmes travaillaient comme domestiques dans des familles bourgeoises et leur service n’était pas compatible avec la garde d’un enfant, surtout si la mère n’avait pas un compagnon permanent susceptible de l’aider financièrement. Elles demandaient souvent alors à placer leur enfant illégitime dans un orphelinat. Et, comme on l’a vu ci-dessus à l’Hôpital des Enfants trouvés de Londres, les administrateurs de ces institutions leur interdisaient tout contact direct par la suite avec leur enfant, une fois qu’il avait été admis. À Sydney, ce furent surtout les mères catholiques d’origine irlandaise qui s’élevèrent fortement contre ces barrières et firent entendre leur droit de s’occuper de leurs propres enfants une fois que leur situation s’était améliorée, remettant en cause la gestion des œuvres sociales par des autorités protestantes. Si elles parvenaient à se remarier, les femmes venaient récupérer leur enfant, s’engageant à leur offrir une éducation décente et morale, dans le cadre d’un foyer.

78L’aide sociale dispensée par la Benevolent Society permit heureusement souvent aux mères d’entretenir leur enfant à la maison, que leur compagnon soit malade, décédé ou les ait abandonnés. Pendant les années 1860, 61?% des femmes qui donnèrent naissance à la maternité de cette institution étaient célibataires. Cette proportion passa à 81?% durant les années 1890. Parfois accusés d’entretenir l’immoralité de la population pauvre, les administrateurs firent valoir que la présence de leur institution permettait d’éviter infanticides et abandons. Comme en Europe, les femmes célibataires enceintes pouvaient y venir de loin, attirées à Sydney par la présence même de cette institution charitable capable de les accueillir pour leurs couches. Après 1890, la proportion des naissances illégitimes diminua à Sydney. Malgré des efforts d’assainissement, des cas de fièvre puerpérale obligèrent à fermer temporairement la maternité en 1894, qui finit par disparaître. Une dépression économique frappa le pays qui se paupérisa. La mortalité infantile élevée des enfants illégitimes inquiéta. Une nouvelle maternité fut créée ainsi qu’un Hôpital royal pour les femmes, en 1905. La Benevolent Society se concentra alors sur des aides sociales à domicile, continuant à soutenir le plus possible les mères seules dans le besoin et les enfants sans pères.

79Le territoire algérien, dont la partie septentrionale avait été laborieusement conquise au terme d’une décennie d’opérations militaires, fut partiellement ouvert à un nouveau peuplement originaire d’Europe à partir des années 1830. Au cours des premières décennies, les migrants étaient peu nombreux, et provenaient en aussi grand nombre d’Espagne, d’Italie, de Malte, d’Allemagne ou de Suisse, que de France métropolitaine. Il s’agissait d’une population dont l’adaptation aux conditions de vie locales était difficile, et qui se trouvait extrêmement minoritaire sur ce territoire. Au recensement de 1861, on comptait approximativement 122?000?citoyens français, 81?000 «?Européens?» relevant d’autres nationalités, 28?000 «?Israélites?» et 2?733?000 «?Indigènes musulmans?» (Kateb, 2001, 30). Ces derniers étant sujets et non citoyens n’étaient pas pris en compte par les registres d’état civil. C’est dire que les Européens qui détenaient le pouvoir économique et l’essentiel du pouvoir politique ne représentaient alors que 6 à 7?% de la population.

80La contribution de Guy Brunet tente de renouveler l’approche de l’illégitimité au sein des populations « européenne » et «?juive?» d’Algérie au xixe siècle. Cette question avait retenu l’attention d’auteurs de l’époque, médecins, administrateurs ou enseignants, qui remarquaient – et regrettaient –, la proportion importante de naissances hors mariage dans ce qui constituait alors un front pionnier. Les auteurs du xixe siècle ont vu dans le niveau élevé du concubinage et des naissances hors mariage, un effet du relâchement des mœurs, aggravé par le climat et par le déséquilibre entre les sexes?: parmi les migrants originaires de France, souvent venus de manière isolée ou dans le cadre de fonctions militaires ou administratives, les femmes étaient bien moins nombreuses que les hommes. Soulignons que cela n’était pas le cas parmi les migrants espagnols et italiens, plus souvent venus en groupes familiaux.

81Ainsi Guy Brunet a souhaité confronter les écrits des contemporains avec les résultats d’une analyse statistique fondée sur le dépouillement de quelques milliers d’actes de mariage enregistrés dans les principales villes du territoire algérien à la fin du Second Empire, et dans la ville d’Alger au cours des dernières décennies du xixe siècle. Cela fait apparaître quelques originalités par rapport à la France métropolitaine, notamment le fait que les couples mariés dans les principales villes d’Algérie légitimaient plus souvent plusieurs enfants que leurs contemporains mariés à Paris ou à Lyon. De ce fait, certains enfants étaient déjà relativement âgés lors de leur légitimation, alors que les enfants légitimés à Paris ou à Lyon étaient en général âgés de quelques mois seulement. Cette légitimation tardive pose la question de la vie en couple sans mariage, non seulement celle du concubinage mais aussi soulève celle de la paternité biologique des enfants. Guy Brunet ne peut pas conclure sur ce point, mais il fournit tout de même quelques éléments qui laissent penser que certains hommes, accédant tardivement au mariage, légitimaient et reconnaissaient pour leurs des enfants dont ils n’étaient pas réellement les pères. Il pourrait s’agir d’adoptions de fait, sachant que la loi autorisant l’adoption de jeunes enfants par un couple n’a été prise qu’en 1923 (Gutton, 1993).

82Cette recherche est encore dans une phase préliminaire et les premiers éléments présentés ici montrent l’importance de la question, et les difficultés pour aboutir à des observations plus complètes. Les sources concernant le territoire algérien sont lacunaires?: une partie de l’état civil est restée sur place et n’est que très difficilement accessible, voire a été perdue. Les recensements de population du xixe siècle sont consultables en Algérie, dans les wilayas (départements), sous des conditions variables selon les régions et fluctuantes avec le temps.

83Approcher le concubinage et les naissances illégitimes à travers les légitimations est une démarche originale, mais elle ne constitue qu’un pis-aller et il faut être conscient des limites de la méthode. Que peut-on savoir des enfants qui n’étaient pas légitimés par leurs parents?? Vivaient-ils avec leur mère?? En compagnie de leur père biologique au sein d’un ménage de concubins?? Une enquête de longue haleine sera encore nécessaire pour explorer les différents aspects de la question, pour multiplier les sites d’observation, en incluant des zones rurales, la présente étude étant limitée aux principales villes.

84Au-delà de sa problématique spécifique, ce texte constitue une contribution à la connaissance du fonctionnement de la société coloniale «?européenne?» sur le territoire algérien. Si les grands traits de l’histoire de cette population sont connus, les comportements démographiques et familiaux nous sont encore largement ignorés. Par exemple, la somme que représente l’Histoire de la Population Française, dirigée par Jacques Dupâquier, n’évoque pratiquement pas cette émigration, et encore moins la vie de cette population sur le territoire algérien (Garden et Le Bras, 1988, 137-138, 164, note 38).

Conclusion

85La façon dont l’illégitimité a été traitée, tant culturellement que socialement, a varié énormément selon les pays. Il a existé des sociétés où l’illégitimité n’avait rien de rare, ni de vraiment honteux. Dans certaines communautés européennes du passé, en particulier dans les régions montagneuses où le «?système à maison?» existait, il put y avoir, comme en Écosse, «?un système matrilinéaire?» permettant d’élever les enfants en l’absence de leur père, et même, si nécessaire, en l’absence de leur mère migrante (Blaikie, 2005), en particulier lorsqu’elle travaillait comme domestique au loin de la maison natale. Cela en dit long sur la correspondance entre la carte historique de l’illégitimité en Europe, en 1900, que nous avons commentée (figure 3) et la carte des familles-souche publiée par Le Play pour la fin du xixe siècle (reproduite in Fauve-Chamoux et Ochiai, 2009, 44-46) [15], une cartographie qu’il convient de mettre en parallèle avec celle des hospices pour enfants trouvés?: là où il y a famille-souche, on trouve peu d’hospices pour enfants trouvés et parents âgés, alors que ces institutions prédominent là où règne la famille conjugale restreinte [16].

86Ces réflexions renvoient à la différence entre familles rurales et urbaines que relèvent tous ceux qui ont traité de la formation des familles, de la cohabitation maritale, de l’illégitimité et des systèmes de transmission – égalitaires et inégalitaires –, au cours de la période d’industrialisation en Europe. Les mécanismes de reproduction de la famille impliquent des stratégies individuelles et collectives de choix du conjoint et de migrations du travail. Pour les jeunes gens, filles et garçons, avides d’une nouvelle vie, qui quittaient la maison natale, partant plus ou moins loin, se placer comme domestique ou servante, le service domestique offrait un travail immédiat, sans qualification préalable particulière, et la garantie du gîte et du couvert, avec une rémunération destinée à être thésaurisée. La venue d’un enfant hors mariage n’avait rien de dramatique dans des régions de partage inégalitaire où cadets et cadettes n’avaient pas les moyens de s’engager dans un mariage traditionnel, mais où la maison natale pouvait fournir un toit en cas de besoin, aux célibataires, veufs ou veuves, petits-enfants et enfants «?naturels?». Dans les milieux de prolétariat industriel, la naissance d’un enfant illégitime pouvait être plus ou moins bien accueillie, suivant l’état des relations des parents (en couple ou non), leurs possibilités matérielles et les diverses aides sociales ou familiales que la mère, si elle était seule, pouvait espérer ou non. Enfin, dans le milieu bourgeois traditionnel – européens et coloniaux –, où régnaient des tabous sexuels et une forte pression sociale (et religieuse), une grossesse hors mariage, si elle n’était pas prénuptiale, était perçue comme un réel déshonneur jusqu’à une date fort récente. Mais tel n’était pas toujours le cas, comme le montrent les contributions du présent dossier, en particulier celle de Guy Brunet sur la reconnaissance des enfants naturels en Algérie coloniale.

87Au total, il apparaît que l’illégitimité n’est pas majoritairement une question d’accès à la contraception ou non, c’est surtout un problème de reproduction et de contrôle de l’entourage familial et local. On ne peut pas nier qu’elle ait pu être, comme le suggérait Peter Laslett, l’expression d’une «?sous-culture?» antérieure à l’industrialisation et à l’urbanisation (Leboutte, 1988), mais dans les «?sociétés à maison?» d’Europe, la naissance d’enfants hors mariage n’était qu’un volet, plus ou moins visible, du système de reproduction familial et/ou d’empêchements juridiques au mariage. La «?bâtardise?» était donc, logiquement et souvent, associée au service domestique, en campagne comme dans les grandes villes européennes qu’étaient Paris, Londres ou Vienne, et même dans les sociétés coloniales comme l’Algérie ou l’Australie, où non seulement les élites locales employaient domestiques et servantes dans les villes, mais encore les situations de concubinage, pour de multiple raisons, pouvaient se prolonger.

88Les sociétés coloniales, faites de migrants, se sont souvent construites au départ sur des modèles de reproduction non conformistes, qu’il s’agisse d’unions consensuelles, comme si souvent en Amérique latine, de relations vécues comme prémaritales mais brisées par les difficultés de la vie, les migrations du travail, la mortalité ou du fait de liaisons éphémères ou prolongées qui ne pouvaient être enregistrées. Parfois, ce n’était même que par absence, alors, de contrainte sociale.

89Il faut interpréter nombre de phénomènes européens de non-conformisme parental dans une optique globale, en tenant compte de nombreux paramètres socio-culturels. Une forte proportion de mères célibataires et d’enfants nés hors mariage, dans le passé, n’est souvent que la partie visible d’une masse glaciale de difficultés cumulées empêchant la réalisation d’un rêve de mariage traditionnel. Nous ne perdons pas de vue que nombre d’enfants illégitimes ne connurent pas leurs parents, furent abandonnés et condamnés à une vie fort courte ou misérable, sans famille. Consacré aux relations des enfants nés hors mariage avec leurs parents, le présent dossier met en évidence les aléas connus par ceux et celles qui eurent l’opportunité de nouer des contacts, plus ou moins durables avec leurs parents. Connaître leurs origines, rencontrer leur mère, parfois intégrer une cellule familiale, est une chance que seule une minorité des enfants nés illégitimes a pu connaître, a fortiori ceux d’entre eux qui avaient été abandonnés.

90Nous avons replacé les formes observées d’illégitimité des articles de ce dossier au sein des modèles séculaires d’illégitimité tels qu’ils sont connus à ce jour. On peut espérer que les résultats de projets en cours, en particulier au Portugal et dans les pays lusophones, apporteront des éclairages comparatifs supplémentaires aux tendances européennes et coloniales de l’illégitimité au xixe siècle (Matos, et al, 2014). Sans doute, ces formes d’illégitimité font partie d’un passé désormais dépassé par d’autres modèles de famille, de partenariat et de cohabitation maritale, produits par la société occidentale qui est la nôtre, mais encore bien souvent en quête d’un mariage pour tous et toutes et d’enfants légitimés aux yeux de la société.

Notes

  • [1]
    Guy Brunet, «?Illégitimité, mariage et légitimation d’enfants sur le territoire algérien dans la seconde moitié du xixe siècle?».
  • [2]
    Tanya Evans, “The Meanings and Experiences of Single Mothers in Nineteenth-Century Sydney, Australia”.
  • [3]
    Le mot cadet, synonyme de «?plus jeune?» enfant, était à l’origine un mot gascon, capdet signifiant «?capitaine?». Les Cadets de Gascogne désignaient ces soldats qui servirent les rois de France Charles VI et Charles VII pendant la guerre de Cent Ans (1337–1453), alors que la Guyenne était fief anglais. Comme, dans la maison natale d’un cadet, le premier-né était choisi comme héritier et successeur, tous les cadets étaient plus jeunes que l’héritier – qui pouvait dans certains secteurs être une fille, comme au Pays Basque en fonction de l’usage de transmission dit «?aînesse intégrale?» (Arrizabalaga, 2004). D’où le transfert sémantique de cadet, synonyme de «?capitaine?», à cadet synonyme «?d’enfant plus jeune?».
  • [4]
    Servant Project est l’acronyme de “The socio-economic role of males and females in domestic service as a factor of European identity” (Contrat européen n°:?HPSE-–CT2001-50012), projet interdisciplinaire financé dans le cadre de l’Action “Improving the socio-economic knowledge”, 2001-2005) (Fauve-Chamoux, 2004, 2009a et 2009b?; Pasleau, Schopp, with Sarti, 2005).
  • [5]
    On s’accorde généralement à entendre par «?famille-souche?» une certaine forme de famille trans-générationnelle où la «?maison?», unité socio-économique, est stable mais susceptible de prendre des formes variées selon les temps et différentes cultures (Le Play, 1875?; Fauve-Chamoux et Ochiai, 2009).
  • [6]
    Voir en particulier le pourcentage déclinant de domestiques, hommes et femmes, dans la population active, de 1851 à 2001, en Norvège, Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni, Belgique, Espagne et République Tchèque (Fauve-Chamoux, 2011, 31).
  • [7]
    Ginger Frost, ““Your Mother Has Never Forgotten You”: Illegitimacy, Motherhood, and the London Foundling Hospital, 1860-1930”.
  • [8]
    Paolo Ungari estime à 120 000 le nombre de mariages uniquement célébrés au plan religieux en Italie entre 1866 et 1871 (Ungari, 2002, 169).
  • [9]
    Voir la définition du mot cadet, note ci-dessus.
  • [10]
    Antoinette Fauve-Chamoux a étudié le phénomène européen de la «?maison?» et de la «?famille-souche?» dans un cadre comparatif et euro-asiatique, ce qui a été une occasion unique de mieux comprendre les comportements de transmission familiale lorsque changent les conditions économiques et sociales (Fauve-Chamoux, 2009d et 2009e?; Fauve-Chamoux et Ochiai, 2009). Ses comparaisons avec les Pyrénées centrales concernent la Norvège et le Japon (Fauve-Chamoux, 2006?; 2009d, 2009e, Fauve-Chamoux et Sogner, 2010).
  • [11]
    Voir l’article majeur, cité plus haut, de Shorter, Knodel et van de Walle, 1971.
  • [12]
    Daniela Dete?an, «?“Né de lit illégitime” en Transylvanie dans la seconde moitié du xixe siècle?».
  • [13]
    Promulgué en 1811, le Code civil autrichien est adopté par décret du 29 mai 1853 en Transylvanie et abrogé en 1894, remplacé alors par la loi XXXI, adoptée le 21 juin 1894 par le Parlement hongrois. L’instauration du Code civil autrichien, le 29 mai 1853, en Transylvanie, avait été suivi d’un décret impérial publié par l’empereur François-Joseph Ier, le 9 août 1854, concernant les procédures non contentieuses, et une loi XVI fut par la suite promulguée, le 8 avril 1876, concernant les exigences de forme pour les testaments, les contrats de succession et les donations.
  • [14]
    Les données de 1900 sont celles du Princeton European Fertility Project, Office of Population Research, Princeton.
  • [15]
    La carte des structures familiales de Frédéric Le Play est incluse dans Les Ouvriers Européens. Études sur les travaux, la vie domestique, et la condition morale des populations ouvrières de l’Europe, d’après les faits observés de 1829 à 1879, Tours, Alfred Mame et fils, ouvrage édité par Frédéric Le Play, 1879, vol. 1, 638. Le volume 1 est intitulé La méthode d’observation appliquée de 1829 à 1879, à l’étude des familles ouvrières en trois livres ou précis sommaires touchant les origines, la description et l’histoire de la méthode avec une carte géographique des 57 familles décrites par F. Le Play.
  • [16]
    Cf. la carte commentée pour 1789 dans Imbert, Mollat, 1982, 248.

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Antoinette Fauve-Chamoux
Centre de Recherches Historiques, EHESS, 190, Avenue de France
75013 Paris
Guy Brunet
Université Lyon 2, LARHRA, ISH, 14, avenue Berthelot
69363 Lyon Cedex 07
Guy.Brunet@univ-lyon2.fr
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Mis en ligne sur Cairn.info le 04/12/2014
https://doi.org/10.3917/adh.127.0007
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