CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Étudier les personnes qui ont fait le choix de ne pas avoir d’enfant, c’est aussi se pencher sur la production et la réception des normes qui encadrent la parentalité. Celles qui ont fait ce choix s’écartent consciemment de la norme dominante du « faire famille ». Par les marges, elles nous donnent à voir ce que signifie aujourd’hui la parentalité en termes de représentations et d’identité sociale ; elles mettent aussi en lumière les injonctions normatives et les contraintes qui l’encadrent. La non-parentalité volontaire peut également indiquer un refus de restreindre sa liberté et son autonomie, étant donné les contraintes qui accompagnent inévitablement son exercice. Nous faisons l’hypothèse que ces personnes sont à la fois réceptrices des normes, c’est-à-dire ici qu’elles connaissent les normes encadrant la parentalité, dans la mesure où elles s’en réclament pour justifier leur choix, mais qu’elles participent aussi à la production de ces normes, en énonçant les conditions temporelles, matérielles et psychologiques que devrait remplir tout parent potentiel. En ce sens, nous verrons comment les personnes volontairement sans enfant peuvent se révéler, sous certains aspects, être des « entrepreneurs de morale » (Becker, 1985). Dans une perspective interactionniste (Ibid), réceptionner des normes, les faire siennes ou les refuser est une action concomitante de leur production.

2Plusieurs travaux ont souligné à quel point les lois autorisant la contraception et l’avortement ont bouleversé, en France, le rapport à l’enfant et le rapport à la « parentalité » – terme qui émerge dans les années 1990 et qui lisse les inégalités entres les mères et les pères (Devreux, 2005, 55-69 ; Chauvière, 2008, 16-29). Par ailleurs, l’émergence du terme « parentalité » et sa diffusion rapide indiquent une demande sociale pour distinguer avec force les liens biologiques des liens affectifs et sociaux envers un enfant et ainsi pouvoir décrire les nouvelles formes de famille et de filiations, telles les « familles monoparentales » ou les « familles homoparentales » (Boisson, 2008, 8-15). Par ricochet, le terme de « parentalité » permet de mieux dissocier sexualité et reproduction et donc le « couple conjugal » du « couple parental » (Chauvière, 2008). Avec la contraception médicale, l’enfant obtient un « nouveau label » (Leridon, 1995, 192), celui d’être « désiré » (Ibid, 1995) car il aurait très bien pu ne pas naître. La légalisation de la contraception donne donc le choix de mettre ou non un enfant au monde. Au-delà de la liberté qu’elles procurent aux femmes en termes de dissociation entre vie sexuelle et vie reproductive, les lois autorisant la contraception (1967) et légalisant l’avortement (1975) ont d’abord été promulguées dans un souci de régulation des naissances. Dès 1956, une association comme Maternité heureuse milite pour le droit à la contraception afin, non pas que les femmes puissent disposer de leur corps et ainsi s’émanciper d’un destin biologique, mais pour le bien-être de l’enfant et des familles (Leridon, 1987 ; Lenoir, 2003, 442-443 ; Garcia, 2011). Ces nouvelles possibilités incitent les femmes, et incidemment les couples, à décider du bon moment pour avoir des enfants et de l’espacement idéal entre les naissances. « Il importe plus que jamais que les conditions les meilleures soient réunies pour avoir un enfant », écrivent Nathalie Bajos et Michèle Ferrand, qui regroupent ces « conditions socialement définies » sous le terme de « norme procréative » (Bajos et Ferrand, 2006, 91-117). Alors même que les femmes s’émancipent d’un destin biologique, la psychanalyse et des instances de contrôle, surtout médicales (Knibielher, 2001, 34), se développent pour imposer progressivement les conditions de la « bonne » parentalité, avec une certaine insistance sur la « bonne » maternité.

3Dans ces travaux, l’infécondité volontaire est peu définie, mais on repère quelques indications sur ses éventuelles causes. Henri Leridon note ainsi : « une infécondité volontaire pourra résulter de l’utilisation de méthodes contraceptives ou du recours à l’avortement provoqué » (1996, 2). À sa suite, Élise de La Rochebrochard rappelle que « l’infécondité peut être volontaire quand le couple utilise des méthodes contraceptives » (2011, 236). Ainsi définie, l’infécondité volontaire serait un moment du cycle de vie de la majorité des couples, dans le « régime d’infécondabilité » (Régnier-Loilier, 2007, 37-43) qui caractérise la société contemporaine depuis la diffusion massive des moyens de contraception. L’infécondité volontaire est ainsi généralement pensée comme temporaire alors que nous souhaitons l’envisager ici sous son angle définitif sans la restreindre à la physiologie et à la biologie.

4Dans une première partie, nous définissons et mesurons le phénomène de l’infécondité volontaire tant quantitativement que qualitativement. Il s’agit de mettre en lumière l’évolution de la mesure de l’infécondité volontaire et de proposer un cadrage quantitatif grâce à des données récentes (ERFI-2005 et FECOND-2010). Nous présentons ensuite la méthodologie utilisée pour recueillir les données qualitatives de notre recherche. La seconde partie de l’article propose une analyse sociologique des discours recueillis auprès des personnes « sans enfant volontaires » que nous appelons les « SEnVol ». Ces discours permettent de mettre en exergue les nouvelles injonctions normatives autour de la parentalité, ses conditions d’entrée et son exercice. Dans cette section, nous donnerons largement la place aux discours des enquêtés pour développer trois thèmes principaux : le refus de prendre la décision existentielle (au sens plein du terme) de mettre un enfant au monde ; les normes encadrant la parentalité, diffusées par divers canaux institutionnels et médiatiques, dont les SEnVol se font les garants tout en estimant qu’ils/elles ne peuvent pas s’y soumettre ; enfin les injonctions sociales contradictoires entre la valorisation de l’indépendance professionnelle et conjugale et le renforcement du lien de filiation.

Définir et mesurer l’infécondité volontaire

Jalons historiques et estimations démographiques

5L’infécondité volontaire est un phénomène peu étudié, que ce soit par les démographes, les historiens ou les sociologues. Ce constat rejoint la quasi absence de définition de l’infécondité volontaire ainsi que la difficulté à évoquer ce phénomène sans périphrases. L’acronyme « SEnVol » est à ce titre significatif. La difficulté à nommer un phénomène contribue souvent à l’occulter, à le marginaliser, ce qui tend à indiquer la stigmatisation des personnes sans enfant et le natalisme persistant dans le contexte français (Mazuy, 2006). Cette relative rareté des études ne s’explique pas par l’absence de l’infécondité depuis deux siècles (Toulemon, 1995, 1079-1109 ; Dittgen, 2006, 5-48), mais relève plutôt d’un impensé des comportements de fécondité. Celui-ci tiendrait à la spécificité de l’histoire démographique française marquée par le recul précoce de la fécondité dès le milieu du xviiie siècle, et par l’importance des politiques hygiénistes, natalistes et familiales (Rosental, 2003). Aussi, jusque très récemment, l’infécondité volontaire se mesure-t-elle par défaut, en creux de la mesure de l’infécondité définitive des femmes ayant terminé leur vie féconde. Par cette méthode, plusieurs analyses convergent pour estimer que l’infécondité définitive des femmes a baissé au cours du siècle dernier : en France, elle atteint aujourd’hui 13 % (Toulemon et al., 2008). La population concernée doit alors réunir trois caractéristiques : être de sexe féminin, être en couple et avoir terminé sa vie féconde (Toulemon, 1995, 1079-1109 ; Dittgen, 2006, 5-48). Pour distinguer l’infécondité involontaire de l’infécondité volontaire au sein de l’infécondité définitive, on déduit de cette dernière une estimation de l’infécondité involontaire d’origine biologique. En 1995, Laurent Toulemon estimait que moins de 5 % des femmes vivant en couple et nées vers 1950 étaient restées sans enfant par choix. Cette estimation, pionnière dans le cas français, a cependant ses limites. Elle renvoie la (non) présence d’enfant au seul côté des femmes. En outre, la parentalité ainsi définie repose sur un présupposé normatif : celui du couple hétérosexuel. Enfin, ces travaux n’interrogent pas les raisons de l’infécondité volontaire, faute d’une enquête quantitative sur ses motivations. Ce n’est que très récemment qu’ont été mesurées par auto-déclaration et au cours de la vie, les « intentions négatives de fécondité » (Régnier-Loilier et Vignoli, 2011, 401-432). L’enquête Études des relations familiales et intergénérationnelles[2], nous a permis de quantifier l’infécondité volontaire de la population française, quel que soit le sexe de l’individu ou sa situation conjugale [3]. En 2005, 5 % de la population française, dont 6,2 % d’hommes et 4,5 % de femmes, déclarait n’avoir pas l’intention d’avoir un enfant « ni maintenant ni plus tard » (Mazuy et Debest, 2013). Ces personnes sont âgées de 18 à 50 ans, ce qui est dû à la méthodologie de l’enquête : le volet sur les intentions de fécondité étant posé aux femmes et aux hommes de moins de 50 ans et aux hommes en couple avec des femmes de moins de 50 ans. Si l’on considère les personnes vivant en couple, 3,4 % d’entre elles ne souhaitent pas d’enfant. Des analyses préliminaires des données issues de l’enquête FECOND (INSERM-INED 2010) [4] laissent présager des résultats similaires. Selon les analyses de Laurent Toulemon, le phénomène de l’infécondité volontaire pour les personnes vivant en couple aurait baissé de deux tiers depuis les générations nées au tout début du xxe siècle (Toulemon, 1995, 1104). En effet, l’estimation indirecte qu’il propose indique que la proportion de femmes en couple nées entre 1900 et 1904 « qui n’ont jamais essayé d’avoir une naissance » (les cas d’infertilité avérés étant exclus de l’analyse) est de l’ordre de 14,6 % alors qu’elle tombe à 3,9 % pour les femmes nées dans la période 1948-1952. En 2005, malgré des projections du phénomène à la hausse, seules 3 % des femmes vivant en couple nées entre 1955 et 1975 déclaraient ne pas avoir l’intention d’enfanter (Mazuy et Debest, 2013).

6Ce (trop) bref aperçu de la mesure et de l’évolution de l’infécondité « volontaire » des femmes ou des couples indique que le phénomène n’est pas en augmentation, contrairement à certaines idées reçues sur la massification des personnes volontairement sans enfant. La France est et reste un pays à fort taux de fécondité où l’enfant est souhaité, attendu et désiré, pour ce qu’il apporte d’expériences et par ce qu’il représente dans le passage vers l’âge adulte.

Jalons méthodologiques : recueillir les données qualitatives

7Du côté de la sociologie qualitative, peu de recherches ont été consacrées en France à l’infécondité volontaire, celles de Pascale Donati figurant parmi les plus récentes (2000). Cette chercheuse s’est intéressée aux motivations et au parcours de vie des personnes sans enfant au terme de leur vie féconde. Son modèle reprend celui des démographes, puisqu’elle observe les personnes sans enfant, non concernées par des problèmes de fertilité, âgées de plus de 45 ans pour les femmes (ce qui représente pour la sociologue les « limites physiologiques » de la maternité) et âgées de plus de 55 ans pour les hommes (ce qui représente les « limites sociales » de la paternité). Sa typologie distingue une infécondité volontaire, qui se décline en « choix positifs » et en « choix négatifs », et une infécondité involontaire, non biologique, liée à un projet d’enfant différé et jamais actualisé et/ou à un célibat subi. L’absence d’enfant est ainsi pensée comme un écart à la norme oscillant entre deux extrêmes, le choix affirmé et le choix par défaut, reflétant ainsi des situations particulièrement hétérogènes.

8Pour notre recherche entreprise en février 2009, nous avons fait le choix d’interroger des personnes sans enfant et qui se signalent par la volonté affirmée de ne pas en avoir. Faute de bases de données quantitatives dans lesquelles nous aurions pu puiser des « fiches adresses » et en l’absence d’associations regroupant des personnes restées volontairement sans enfant (ce qui existe dans d’autres pays, tels l’Angleterre et les États-Unis), ces personnes ont été recrutées suite à un appel à témoignages largement diffusé via notre réseau e-mail en demandant à ces contacts de le diffuser à leur tour sans penser à une personne en particulier, afin que l’effet « boule de neige » soit effectif. Voici « l’appel à témoignage : » « […] Je réalise » une enquête auprès de personnes qui n’ont pas d’enfant et ne souhaitent pas en avoir. Afin de mieux connaître l’expérience de ces hommes et femmes sans enfant, je recherche des personnes âgées d’au moins 30 ans, qui n’ont pas d’enfant et ne souhaitent pas en avoir, vivant en couple ou non et quelle que soit leur orientation sexuelle [5]. Si vous êtes concerné-e-s par le sujet et que vous acceptez de me faire part de votre témoignage, de manière complètement anonyme, ou souhaitez avoir de plus amples informations, merci de me contacter par mail à l’adresse suivante… »

9Ce fut donc aux personnes se sentant concernées par l’appel et le sujet de recherche de faire la démarche de nous contacter. Nous précisons que, dans la majorité des entretiens, nous ne connaissions ni l’enquêté, ni l’intermédiaire. Les entretiens semi-directifs, d’une durée de deux heures, ont tous été intégralement retranscrits. Ils ont été réalisés dans une perspective biographique, le contexte de la famille d’origine, le parcours scolaire, universitaire et professionnel ainsi que le parcours conjugal de l’enquêté ont été abordés, puisque nous faisions l’hypothèse que le (non) désir d’enfant s’élabore en s’imbriquant étroitement aux parcours de vie et aux expériences individuelles. Nous n’aborderons pas ici les aspects plus intimes et les parcours individuels également à l’œuvre dans le choix d’une vie sans enfant. Au total, 33 femmes et 18 hommes âgés de 30 à 63 ans ont été interviewés.

10La limite d’âge minimale retenue, condition sine qua non à la réalisation des entretiens et régulièrement controversée, a le mérite de faire entendre des discours de femmes et d’hommes confrontés de manière particulièrement forte à l’injonction de parentalité, et qui acceptent néanmoins de faire part de leur expérience. Si, les personnes âgées de 30 à 45 ans peuvent a priori encore avoir des enfants, l’intérêt de l’enquête réside dans le discours posé et produit en marge de la norme du « faire famille », indépendamment du fait que l’enquêté qui se raconte à un instant « t » aura ou n’aura pas un jour d’enfant. Par ailleurs, les personnes de 30 ans et plus ont déjà été confrontées à la pression sociale à concevoir, puisqu’on est en droit de supposer que celle-ci s’exerce davantage entre 25 et 35 ans, soit aux âges les plus féconds. Selon l’enquête ERFI (2005) [6], c’est entre 25 et 35 ans que les individus, hommes et femmes, affirment le moins fréquemment ne pas vouloir d’enfants. Les femmes de 25 à 35 ans, contribuent en effet aux deux tiers des naissances annuelles et les intentions de fécondité sont globalement déjà réalisées après 35 ans ; 71 % des femmes de moins de 35 ans déclarent vouloir un enfant mais « pas tout de suite » contre 10 % des femmes de 35 ans et plus ; celles âgées de moins de 35 ans sont 13 % à ne plus vouloir d’enfant, contre 63 % passé cette limite d’âge. De plus, la déclinaison, dans le corpus, des différents âges des enquêtés permet de saisir l’évolution des registres de justifications du non-désir d’enfant et du poids de la norme du « faire famille » au fil de la vie, bien que nous aborderons que très peu cet aspect dans le présent article.

11Concernant les caractéristiques sociodémographiques, les données de l’enquête ERFI montrent la sous-représentation des hommes peu diplômés dans le corpus constitué. Toutes les personnes ayant répondu à l’appel à témoignages sont titulaires du baccalauréat et la grande majorité a poursuivi des études supérieures. Il existe ainsi un parallèle entre le niveau de diplôme des femmes du corpus et les tendances statistiques qui établissent une moindre fécondité chez les femmes les plus diplômées (Davie et Mazuy, 2010). C’est pourquoi, les enquêtés seraient en quelque sorte les « volontaires des volontaires », tant par leur situation en haut de l’échelle sociale que par leur volonté de participer à l’enquête. Grâce à leur capital scolaire et/ou culturel, ils/elles ont les moyens de produire un discours rationnel et réflexif ainsi que la capacité de se « mettre en mots ».

12Ainsi, les discours examinés dans l’analyse thématique qui va suivre sont particulièrement spécifiques et minoritaires et rendent compte de l’aspect normatif de l’entrée en parentalité et de l’exercice de celle-ci. Dans une perspective de sociologie de la déviance (Becker, 1985), entendue ici comme l’étude des personnes qui s’écartent volontairement de la norme, et de la sociologie de la famille (Déchaux, 2009), nous pouvons, grâce à ces « outsiders de la parentalité » [7], mettre à jour les contraintes et les conditions normatives qui entourent la parentalité, plus qu’on ne pourrait le faire auprès de parents.

Les normes de la parentalité à l’aune de l’infécondité volontaire

Faire ou ne pas faire d’enfant(s) : un choix existentiel

13Depuis la légalisation de la contraception qui permet de choisir les naissances et leur espacement, les couples, et notamment les femmes, sont confrontés à un dilemme inédit : « faire ou ne pas faire d’enfant(s) ». Il est devenu possible de faire le choix de ne pas enfanter tout en ayant une vie sexuelle. On estime qu’en France, seules 3 à 5 % des femmes âgées de 20 à 49 ans n’utilisent pas de moyen contraceptif [8] alors même qu’elles ne souhaitent pas être enceintes (Bajos et alii., 2012). En ce sens, avoir un enfant relève d’un acte intentionnel. Henri Leridon évoque la « non procréation médicalement assistée » (1995, 271) et, à sa suite, Arnaud Régnier-Loilier utilise la notion de « régime d’infécondabilité » (2007, 37-43). Les couples qui souhaitent devenir parents doivent ainsi décider l’arrêt de la contraception. En effet, plus de 70 % des parents ayant au moins un enfant assurent avoir voulu leur(s) enfant(s) « à ce moment-là », 94 % des hommes et 90 % des femmes assurant que leur conjoint souhaitait également cet enfant « à ce moment-là » (Mazuy, 2006, 231). Mener à terme une grossesse relève bien, dans la majorité des cas, d’un acte intentionnel, décidé en amont de l’acte sexuel.

14Cependant, tout se passe comme si, pour ne pas trop rationnaliser l’arrivée d’un enfant, il a fallu légitimer celle-ci par le désir des parents, et notamment des mères, à faire naître cet enfant [9]. Le désir est un sentiment ambigu, qui permet de penser l’arrivée d’un enfant comme un événement échappant partiellement à la rationalisation parentale. Les couples doivent réussir ce tour de « passe-passe » : programmer une naissance en fonction des conditions matérielles et affectives tout en assurant que c’est l’évidence des évidences – donc celle que l’on ne pense pas –, que d’avoir un enfant « à ce moment-là ». Dans ce contexte de rationalisation des comportements de fécondité, faudrait-il réinjecter un peu d’irrationalité, un peu d’inconscience, pour passer à l’acte de la procréation ? Henri Leridon note à ce propos que « la décision de passer à l’acte est presque impossible à prendre si l’on ne quitte pas un instant le terrain de la rationalité pure » (1995, 209).

15La question de la rationalité n’est pas absente de nos entretiens. À titre d’exemple, Bénédicte (37 ans) [10] déclare que la seule bonne raison pour sauter dans le grand bain de la parentalité est qu’il n’y ait « aucune intentionnalité derrière ». « L’enfant né de l’union d’un bel amour » ne doit pas avoir été « conscientisé » par les parents, lesquels ne doivent presque pas en avoir eu « l’intention ». Marc (35 ans) affirme, quant à lui, que l’envie d’enfant est une envie « irrationnelle qui transcende toutes les raisons objectives ». Enfin, François (58 ans) considère que c’est « une folie » que de vouloir procréer. On peut tout d’abord s’interroger sur ces remarques nostalgiques d’un temps où, pense-t-on, les naissances intervenaient sans que la raison ne s’en mêle et où la question du choix ne se posait pas comme aujourd’hui. Par ailleurs, nous pouvons poser l’hypothèse que les SEnVol, d’une certaine manière, se raccrochent à une « rationalité pure » qui les empêche de basculer du côté de la parentalité, qui les empêche de commettre cette « folie » que représente le fait de devenir parents. Folie qui, paradoxalement, conduit la grande majorité des couples d’aujourd’hui à un acte intentionnel : la décision existentielle d’arrêter la contraception. Notons que du point de vue de la rationalité économique, faire un enfant est objectivement irrationnel, particulièrement depuis la massification du modèle « bi-actif », modèle « à la française », où les deux parents exercent une activité professionnelle (Lesnard et Saint-Pol, 2008, 53-74 ; Beck, 2008, 257).

16Les parents sont rendus responsables de la vie émotionnelle, ainsi que des moyens matériels et éducatifs mis en œuvre pour accueillir l’enfant, qui aurait pu ne pas naître « à ce moment-là ». Selon Samuel (34 ans), comme selon la plupart des SEnVol interrogés, « imposer la vie à quelqu’un [c]’est pas forcément un cadeau ». En écho aux propos de la psychanalyste française Françoise Dolto (1985) qui évoquait le « désir à naître de l’enfant », les SEnVol soulignent la difficulté à prendre la responsabilité de faire naître « un enfant qui n’a rien demandé et de lui infliger quelque chose qu’il n’a pas choisi […] » (Amélie, 31 ans). Ainsi Bénédicte (37 ans) assure que devenir parent est « la responsabilité suprême », celle qui ne donne pas droit à l’erreur. Sylviane (56 ans) imagine à ce propos un enfant qui lui demanderait pourquoi elle l’a fait venir au monde, et auquel elle ne pourrait pas répondre. Or, « Tant que je n’ai pas de réponse, déclare-t-elle, je n’aurai pas d’enfant ». Dès lors, c’est la question du « pourquoi » (donc celle de la légitimité d’une telle décision), et non plus celle du « comment » que posent les SEnVol. Ils/elles rappellent que souhaiter devenir parents et rendre effectif ce souhait est un acte lourd de sens, tant pour les parents que pour le nouvel être créé. C’est, au sens propre du terme, un choix existentiel, qui aura nécessairement des conséquences au niveau individuel et collectif. En ce sens, la procréation ne relève plus de l’évidence biologique, elle devient une question morale et sociale.

Les SEnVol : des « entrepreneurs de morale »

17La question du « comment » (celle des conditions à remplir pour donner naissance à un (premier) enfant), est bien documentée par les recherches démographiques et sociologiques. Elle se retrouve également dans les discours des SEnVol qui véhiculent, réaffirment, retravaillent ces conditions normatives liées à l’entrée en parentalité et à son exercice. Nous pouvons alors interroger le rôle d’« entrepreneurs de morale » qu’ils/elles jouent (Becker, 1985) [11]. Les combats institutionnels pour la légalisation de la contraception et de l’avortement se fondent sur le droit des enfants à être et à naître désirés (Garcia, 2011). « Accepter l’enfant qu’on n’a pas les moyens psychiques et matériels d’accueillir, c’est, sinon de l’égoïsme, au moins de l’irresponsabilité » (Garcia, 2011, 92). Il va donc falloir définir les « bonnes conditions » pour l’arrivée d’un enfant. Aussi la « norme procréative », définie par Nathalie Bajos et Michèle Ferrand (2006, 91-117), prescrit-elle de manière diffuse des limites d’âge, notamment pour les femmes, ainsi qu’un cadre professionnel et un cadre conjugal. Il s’agit de n’être ni trop jeune, ni trop âgé (notamment pour les femmes), au risque que les grossesses soient stigmatisées comme « précoces » ou « tardives », d’avoir terminé ses études, d’occuper un emploi correctement rémunéré (notamment pour les hommes), de vivre en couple stable et cohabitant et de préférence en union hétérosexuelle. Les discours de jeunes parents (Régnier-Loilier, 2007) vont dans le même sens et, selon les statistiques, ces « conditions préalables » sont remplies. Les femmes de 25 à 35 ans contribuent aux deux tiers des naissances annuelles (Prioux et alii. 2010, 421-474) ; seules 4 % des femmes et 2 % des hommes sont étudiants l’année précédant la naissance de leur premier enfant, 70 % des parents exerçant alors l’un et l’autre une activité professionnelle (Régnier-Loilier et Solaz, 2010, 61-77). Enfin, le couple reste le cadre dans lequel la plupart des enfants naissent : 7 % des femmes vivent seules au moment de leur accouchement (Blondel et Kermarrec, 2011). Ainsi, Amélie (31 ans) assure que, pour faire des enfants, « il faut marcher dans les clous, il faut être stable, il faut avoir un certain revenu, il faut tout un tas de choses » et va jusqu’à se demander : « au bout d’un moment quand on est trop hors normes, est-ce qu’on peut élever des enfants ? ». Les conditions normatives encadrant l’entrée en parentalité, relayées entre autres par des ouvrages de vulgarisation des savoirs psychologiques et par les professionnels de la petite enfance, sont donc bien connues des SEnVol.

18Par ailleurs, une fois l’enfant présent, nombre de principes éducatifs sont véhiculés par la société, s’appuyant très largement sur la psychanalyse infantile qui s’érige en experte de l’éducation. « L’éducation du petit enfant relève désormais de spécialistes diplômés » (Knibielher, 2001, 16) qui, tout en disqualifiant sans cesse les parents et notamment les mères qui ne répondent jamais totalement à l’idéal normatif de la bonne éducation, s’attachent à « éduquer les parents » (Garcia, 2011). Ainsi, « aimer, protéger, soutenir l’enfant dans toutes les circonstances, qu’il soit beau ou non, intelligent ou non, délinquant ou non, c’est finalement ce qui est attendu […] d’un bon parent » (Théry, 2000, 200). Les parents n’ont plus le droit à l’erreur puisqu’ils ont choisi de faire cet enfant alors qu’ils auraient eu les moyens d’éviter une naissance. D’après les SEnVol, certains feraient d’ailleurs mieux de s’abstenir de devenir parents et d’accepter, comme l’indique Marc (35 ans) que « tout le monde [ne soit] pas fait pour avoir des enfants ». Car « c’est très dur de devenir parent » (Linda, 34 ans), si l’on veut se conformer aux comportements attendus pour « faire un bon parent ».

19Cette éthique de la parentalité suppose, selon la psychanalyste Françoise Dolto et ses héritiers, d’appliquer une éducation « non directive » respectant l’autonomie et l’épanouissement personnels de l’enfant tout en lui procurant un cadre affectif et éducatif propre à assurer son bon développement psychique (Berger, 2005, 7-16). Un des premiers critères est de se rendre disponible pour l’enfant sans toutefois l’étouffer d’amour ou d’interdits. Certains SEnVol s’interrogent à ce propos sur la notion de « limites » à imposer aux enfants sans être ni trop laxiste ni trop autoritaire. Se faisant presque l’apôtre de la théorie de Françoise Dolto, Fabrice (44 ans) assure qu’il faut « laisser faire l’enfant », ne pas le « forcer », le « guider, être uniquement là quand il a besoin et pas être derrière lui tout le temps ». Car l’éthique de la « bonne » parentalité veut que les parents, et notamment les mères, se rendent disponibles pour leurs enfants. Magali Mazuy montre en effet que, si les deux premières raisons citées par les répondants des deux sexes à l’enquête Intentions de fécondité (1998) sont identiques pour l’entrée en paternité ou en maternité, à savoir « avoir vraiment envie d’un enfant et se sentir prêt-e » (Mazuy, 2006, 136), la troisième condition diffère selon le sexe du parent. Pour l’entrée en maternité, le troisième facteur important est de « disposer de son temps », alors que pour l’entrée en paternité il s’agit d’obtenir un travail stable (selon les réponses des femmes) et d’avoir terminé ses études (selon les réponses des hommes).

20Il est surprenant, compte tenu de leur statut même de personnes volontairement sans enfant, que les enquêtés se réfèrent aux principes éducatifs idéaux véhiculés par les instances éducatives, telle l’École, les professionnels de la petite enfance, les ouvrages à destination des jeunes parents, sous l’influence de la psychanalyse infantile. Certains hommes mais surtout des femmes se réfèrent explicitement à Françoise Dolto, telles Josette (62 ans) qui assure, tout en s’étonnant que « maintenant il [faille] expliquer comment on fait des enfants à quatre ans aux mômes » et « tenter de dédramatiser la période œdipienne » ou Amélie (31 ans) qui serait « du genre à lire 250 livres avant de pouvoir [faire des enfants]… surtout pour un truc aussi important : faut savoir où on met les pieds ».

21La plupart des témoins, notamment la génération née dans la décennie 1970-1980, qui sont donc les témoins privilégiés de l’évolution des normes parentales, ont un avis sur les questions éducatives, ce qui reflète également la diffusion massive des savoirs psychologiques dans la société française depuis une trentaine d’années (Castel et le Cerf, 1981). Au cœur des entretiens, nous retrouvons fréquemment des formulations du type : « pour être parent il faut… ». Leurs discours donneraient matière à rédiger un traité de l’éducation idéale – entre autorité et laxisme. Voici ce qu’ils nous disent.

22L’enfant « n’est pas une pâte à modeler que l’on va sculpter comme on en a envie, c’est un être vivant, un individu, qui a une pensée et qui choisit aussi ce qu’il fait ». Cependant, « il faut le laisser à sa place d’enfant », « négocier » avec lui, « faire l’apprentissage du non ». Les parents sont en effet « obligés de faire de la discipline ». Pour autant, « les enfants, comme toutes personnes, grandissent dans la confiance ». « Le rapport de force ne contribue pas à éduquer quelqu’un » et il faut se détacher de l’ « éducation traditionnelle » où « il y a beaucoup de violences ». « On n’a pas, sous prétexte de facilité, à mentir aux enfants ou à les considérer comme inférieurs. Ces sont des individus et ils peuvent comprendre. Il suffit de leur expliquer comme on le pense. » Car « avoir un gosse […] c’est l’aider à être indépendant et à grandir ». Il s’agit en effet de « lui inculquer des valeurs pour qu’après il sache se débrouiller en société, faire des bons choix [qui lui] permettent de suivre sa voie ». Il faut en ce sens « être uniquement là quand il a en a besoin et ne pas être derrière lui tout le temps ». Enfin, s’il « y a tellement de façons de se planter » car il n’y a pas de « recettes », n’oublions pas que ce qu’il faut à un enfant « c’est de l’amour et de la liberté ».

23À la fois « entrepreneurs de morale », véhiculant des normes éducatives tout en condamnant certains parents dans leurs pratiques, et angoissés par les contraintes normatives qui encadrent la bonne parentalité, les SEnVol en concluent à leur incapacité à être de « bons » parents et/ou évoquent leur refus indirect de se plier à l’exercice. Ainsi, Marc (35 ans), après réflexion, déclare : « Finalement, je ne pense pas que toute personne [ne voulant pas] d’enfant fasse preuve d’égoïsme et d’immaturité. Il y a peut-être des gens qui font, au contraire, preuve d’une grande maturité parce qu’ils sont capables de se dire qu’ils sont incapables de les élever ». Cette notion de « capacité » renvoie à celle de « compétences », bien analysée par Martine Spiess, Marie-Paule Chevalérias et Anne Thevenot (2012), montrant ainsi les dérives potentielles de textes législatifs visant à protéger les enfants. Les psychosociologues rappellent que la loi de Protection de l’enfance du 5 mars 2007, qui a pour objectif de prévenir les cas de maltraitances, encourage un entretien prénatal précoce pour « définir les compétences parentales à développer et à soutenir ». Le même texte préconise « des activités organisées de sensibilisation, d’information, d’apprentissage, d’aide psychologique et sociale et d’évaluation ». Les futurs parents, s’ils ne sont donc pas invités à valider un « examen » avant d’avoir le droit de procréer comme le préconise Amélie (31 ans), se voient aujourd’hui particulièrement encadrés et contrôlés dans leur pratiques et sont appelés à faire preuve du savoir-être et du savoir-faire que la société attend des parents et de ceux qui veulent le devenir. Avec un vocabulaire communément admis, on parle d’ailleurs aujourd’hui allégrement du « métier de parents », qui suppose apprentissage et évaluation. Par ailleurs, s’il y a des compétences à acquérir et à évaluer, cela signifie donc que les « mauvais parents » peuvent échouer. Signalons que la Convention européenne sur la Protection de l’enfance intègre dans ses textes non plus la « maltraitance », mais la « bientraitance » (Rapoport, 2010, 114-122). Avec ces termes positifs, tout écart à l’idéal normatif de la « bonne » parentalité, définie principalement par les milieux sociaux à fort capital culturel, social et économique – dont font majoritairement partir les SEnVol –, renvoie les parents du côté de la déviance parentale (Garcia, 2011). C’est donc bien les parents qu’il s’agit d’éduquer, voire de rééduquer, afin notamment qu’ils ne fassent pas courir de « risques » psychologiques et affectifs à leurs enfants. Si l’on peut interpréter les discours des SEnVol comme une rationalisation de leur comportement, ils/elles permettent cependant de mettre en lumière la normativité de l’entrée dans la parentalité et de son exercice, ainsi que l’évaluation diffuse imposée aux parents.

Les injonctions contradictoires de notre société contemporaine

24Depuis les années 1960, les sociétés occidentales ont enclenché un processus d’individualisation où le sujet prime sur les appartenances collectives (Dubar, 2001), où le choix personnel est valorisé aux dépens des « assignations héritées ». La société valorise la figure de l’individu maître de sa vie, de ses réussites, de ses échecs, de son avenir et cela, tant sur le plan professionnel et social que personnel et familial (Murard, 2003 ; Castel, 2009). Il est responsable de ses choix et aspire à l’autonomie et l’épanouissement personnel. Dans cette quête de l’autonomie et de l’autodéfinition de soi qui caractérise la « modernité avancée » (Beck, 2008), le lien de filiation se renforce pour devenir inaliénable à mesure que les liens professionnels et conjugaux se précarisent (Théry, 1993 ; Déchaux, 2009 ; Bonvalet, Clément, Ogg, 2011). On peut dès lors se demander si les SEnVol ne seraient pas allés au-delà de cette « modernité avancée », puisqu’ils et elles refusent même ce lien de filiation ? Ou bien sont-ils et elles plutôt des révélateurs des injonctions contradictoires de la société « moderne », celle qui émerge dans les années 1960 ? En fait, les SEnVol véhiculent une vision relativement passéiste et figée de la famille, tout en adoptant des comportements modernes sur le plan conjugal. Cela conduit à s’interroger sur l’articulation entre le « métier de parent » et le « métier de conjoint-e » (Debest, 2013) et de leurs injonctions sous-jacentes.

25S’imaginer dans l’exercice de la parentalité implique, pour les enquêtés, de se projeter avec la même personne sur le long terme. En effet, érigeant le bien-être de l’enfant en valeur suprême, ils/elles assimilent parents séparés et enfant malheureux. Tout se passe comme si la reproduction ne pouvait « moralement exister qu’à travers la promesse de bonheur faite à l’enfant à venir » (Simmat-Durant, 2009, 92). Simon (45 ans) affirme par exemple que « les gens font des enfants et ensuite se séparent et c’est le bordel ». C’est pourquoi, il se verrait obligé, s’il cédait au désir d’enfant de sa partenaire actuelle, de rester avec elle « pour la stabilité de l’enfant », au risque de ne pas s’épanouir conjugalement. Le terme de « stabilité » fait écho aux risques psychologiques qu’un « bon » parent ne doit pas faire courir à son enfant. De même, Sophie (41 ans) évoque l’idée selon laquelle envisager de « faire famille » implique d’être « prêt à partager toute sa vie avec quelqu’un ». Il apparaît donc que les SEnVol du corpus ne prennent pas acte de la pluralité des normes actuelles de la vie familiale (Déchaux, 2009) et justifient leur position en arguant du bien-être de l’enfant. Toutefois, il arrive que les SEnVol adaptent leur projection à la nouvelle donne parentale (le couple parental devant survivre au couple conjugal lorsque celui-ci se désagrège et se sépare). Ils/elles considèrent alors cette situation comme inconfortable et peu propice à l’épanouissement des membres de la famille : « garder un lien avec quelqu’un dont tu as été amoureux ou amoureuse et où la relation échoue et puis où tu es quand même obligée parce qu’il y a un enfant, oh là là, ça, ça me paraît bien compliqué et bien casse gueule » (Sylviane, 55 ans).

26Cette vision relativement passéiste de la famille se retrouve dans l’enquête ERFI (2005 et 2008). Delphine Chauffaut et Pauline Domingo notent aussi que « parmi les interrogés âgés de moins de 49 ans, ceux qui n’ont pas d’enfant sont en moyenne plus traditionnels que ceux qui en ont déjà un » (2011, 43-63). Comme si, une fois devenus parents, les individus revoyaient à la baisse leurs exigences et inventaient de nouvelles manières de faire. Cette hypothèse concorde avec l’exacerbation des contraintes normatives entourant la parentalité et dont procèdent les discours et les comportements des SEnVol.

27La majorité des personnes interviewées déclarent vivre en couple au moment de l’entretien, à l’exception de dix femmes et cinq hommes. Seuls quatre enquêtés n’ont jamais vécu de relation cohabitante de plus d’un an. Ce constat permet de rappeler que dans la grande majorité des cas, être SEnVol n’est pas un choix par défaut qui serait lié au fait de n’avoir pas de partenaire stable. Cependant les modalités du « faire couple » se déclinent chez eux selon différents types de conjugalité que nous avons classés en trois catégories : les personnes non en couple (NEC), les personnes en couple cohabitant (CC) dont certaines ont institutionnalisé leur relation par un mariage ou un Pacs, et enfin les personnes en couple non cohabitant (CNC), qui ont choisi de garder « chacun son chez soi », tout en s’estimant membre d’un couple. Ces trois catégories peuvent induire différentes manières d’être en couple. Par exemple, les personnes qui se disent « poly-amoureuses » et qui entretiennent plusieurs relations « amoureuses » en parallèle sans en privilégier aucune ont été classées dans la catégorie CNC ; celles qui vivent des relations extraconjugales connues du partenaire cohabitant ont été classées en CC ; les adeptes du multi-partenariat sexuel sans relation conjugale stable ont été classées comme NEC.

28Ainsi, les SEnVol du corpus pratiquent des conjugalités diverses que l’on peut qualifier de « modernes », dont la pierre angulaire est l’épanouissement au sein du couple. Par ces revendications au bien-être conjugal, ils/elles correspondent aux analyses sociologiques sur la nature du lien conjugal contemporain. « Le couple est devenu si important qu’on ne tolère plus qu’il ne soit pas un succès et qu’on préfère, plutôt qu’en faire son deuil, tenter une nouvelle expérience » (Déchaux, 2009, 30). Le couple conjugal a aujourd’hui une valeur en soi et non pour fonder une famille. Dans la relation conjugale, l’autre doit être un révélateur de soi, à l’image du Pygmalion, image identifiée notamment par François de Singly (1996). Chris (34 ans) assure : « le couple en soi c’est déjà une aventure », sous-entendant qu’il se construit progressivement et lentement pour lui-même. Les SEnVol recherchent le type de « relation pure » qu’a définie Anthony Giddens : « On peut parler de relation pure lorsque les deux partenaires tombent d’accord sur le fait que chacun d’entre eux tire “jusqu’à nouvel ordre” suffisamment de bénéfices pour que celle-ci soit digne d’être continuée » (2007, 82). Le couple devient ainsi fragile et précaire par son intrinsèque dynamisme : « la possibilité de rupture est désormais contenue dans le projet de constitution du couple » (Commaille et Martin, 1998, 54). Or, les SEnVol se demandent comment devenir de « bons » parents soucieux du bonheur de l’enfant lorsque le couple conjugal se désagrège. Ainsi, Elizabeth (62 ans) estime que « le fait de ne pas avoir d’enfant, c’était aussi [la possibilité] de changer de partenaire, […] si je changeais de partenaire, je n’avais de comptes à rendre à personne ». Nabila (43 ans) revendique, elle, la liberté dans le couple, liberté qui se verrait restreinte selon elle par la présence d’enfant(s) : « être dans un couple [où] chacun faisait ce qu’il avait à faire, chacun faisait ce qu’il voulait faire et puis, voilà, on était libre, absolument libre sur tous les plans ». Avoir des enfants et en être responsable restreint forcément les occasions de rencontres et la possibilité de quitter le domicile conjugal. Il est à noter que cette aspiration à rompre en cas d’insatisfaction individuelle voire à s’engager dans une nouvelle union émane surtout des femmes de notre corpus. On sait en effet que les femmes ont bien souvent, après une rupture, la garde des enfants pour diverses raisons, ce qui est un obstacle à une nouvelle vie de couple. Selon les chiffres de l’INSEE (2006), 16,9 % des mères d’enfants de 0 à 17 ans vivent en famille monoparentale contre 3,2 % des pères, (Vivas, 2009). Par ailleurs, les mères forment moins rapidement une deuxième union que les pères (Beaujouan, 2009, 259-283), ces deux réalités statistiques étant potentiellement corrélées.

29Par ailleurs, les SEnVol semblent inverser l’idée selon laquelle l’enfant serait à la fois le produit de l’amour conjugal et son ciment. Pour eux/elles, l’enfant serait plutôt un « tue l’amour » et ce, pour différentes raisons. Tout d’abord, la présence d’enfant(s) s’accompagnerait d’une baisse de l’intimité et de la complicité à différents degrés, avec leur partenaire amoureux et sexuel. Ainsi, Clémence (34 ans) assure « qu’avoir des enfants cela prend du temps » (on retrouve l’éthique de la disponibilité) et entraîne en conséquence une moindre disponibilité pour le conjoint ; de même, Amélie (31 ans) affirme qu’un enfant, loin de sceller l’amour des deux parents a plutôt tendance à séparer les deux partenaires du couple ; Hubert (55 ans) imagine, lui, que s’il avait fondé une famille, cela aurait accentué les tensions de son couple. L’enfant se retrouverait, au sens propre et figuré, « au milieu » des deux partenaires, les obligeant à reporter une partie de leur attention sur lui. La deuxième raison d’associer l’enfant au « tue l’amour » est exprimée par certains hommes de l’échantillon, qui dissocient les figures de la conjointe et de la mère sans pouvoir les concilier. Aux dires d’Adrien (56 ans) son « plaisir physique était soluble dans la demande de paternité » ; Alain (35 ans) affirme de manière beaucoup plus triviale que « la femme fécondable n’est pas la femme désirable ». Paola Tabet associe cette dichotomie à la division entre sexualité non reproductive, qui caractérise les « putains », et sexualité reproductive, qui caractérise les « mères et épouses » (1985) [12]. Enfin, si pour nombre d’individus la demande d’enfant est une preuve d’amour, « concrétis[ant] l’engagement du couple dans la durée » (Bonvalet, Clément, Ogg, 2011, 241), pour certains, comme Bernard (62 ans), la demande d’enfant dévalorise le couple en soi. La situation actuelle de cet enquêté (célibataire) n’est pas sans lien avec cette représentation. Il a en effet rompu ou s’est fait quitter trois fois parce que sa partenaire désirait un enfant. Il déclare : « si la femme pose l’ultimatum de l’enfant, c’est bien l’enfant […] qui devient la question du « je reste ou pas avec ». […] Je crois qu’il vaut mieux s’en aller. »

30Les SEnVol donnent ainsi à voir les représentations sociales concernant les attentes et conditions pour être un « bon » parent ou un « bon » conjoint. Le « métier de parent », bien que les comportements du « faire famille » se diversifient, implique de se rendre disponible pour l’autre – ici l’enfant – et d’être prêt à construire un lien inaliénable dans une société qui valorise l’autonomie et la mobilité. Le lien conjugal est potentiellement sécable et ne doit perdurer que dans l’optique de l’épanouissement personnel de chacun des partenaires. Ainsi, à ce « couple moderne » est associée la possibilité de rompre, alors même que la stabilité du couple est posée comme un prérequis à l’entrée en parentalité. Cette contradiction, qui révèle l’impossibilité d’être à la fois bon parent et bon conjoint, entendu ici comme partenaire sexuel et affectif, a de quoi troubler. Il semble que tant l’évidence du « faire famille » que celle de la dissociation entre parentalité et conjugalité sont à questionner pour mieux comprendre les articulations diverses que les individus sont amenés à effectuer au sein de leur vie « intime » (Debest, 2013).

Conclusion

31Nous avons choisi d’investir le terrain de l’infécondité volontaire pour mieux comprendre les « nouveaux rôles parentaux contemporains ». Alors même qu’il semble avoir toujours existé, ce phénomène – social, complexe et multidimensionnel [13], est peu étudié tant par les démographes que par les sociologues. Pour autant, il constitue un intéressant révélateur des attentes normatives à l’entrée en parentalité et à l’exercice de celle-ci. De par leur position d’outsiders (Becker, 1985), les SEnVol permettent d’interroger les évidences du « faire famille », ce qui s’y joue au niveau de l’articulation entre le rôle de parent et celui de conjoint et les conséquences tant individuelles que collectives que supposent une naissance. La notion de « désir » serait à ce titre à approfondir dans une analyse pluridisciplinaire qui mêlerait démographie, histoire, sociologie et psychanalyse. Par ailleurs, une réflexion plus globale pourrait s’amorcer concernant les termes utilisés pour évoquer les « intentions de fécondité ». « Avoir l’intention», « désirer», « vouloir», « souhaiter », « prévoir », ces termes ne renvoient ni aux mêmes représentations, ni aux mêmes significations, mais ne sont pourtant pas toujours distingués dans les analyses démographiques et sociologiques de la fécondité.

32La possibilité légale (et légitime) de choisir de mettre ou non un enfant au monde place la descendance finale et l’espacement des naissances sous la responsabilité des (futurs) parents ; ceux-ci se trouvent par là-même confrontés à un choix existentiel, réactualisé à chaque nouvelle prise de décision d’arrêter la contraception (ou de ne pas mettre un terme à la grossesse). Par ailleurs, cette possibilité légale de choisir les naissances et de poursuivre ou non les grossesses pose la question du « bon » moment pour mettre au monde un (nouvel) enfant. Cette question du « moment » fait alors entrer en jeu les « conditions normatives » de l’entrée en parentalité (Bajos et Ferrand, 2006, 91-117). De plus, aujourd’hui « choisi », le lien de filiation se renforce et se pense comme un lien « inaliénable » qui doit nécessairement perdurer quelles que soient les situations familiales et conjugales des parents. Enfin, cette charge existentielle pèse plus fortement sur les femmes qui ont majoritairement en charge la contraception du couple.

33Dans le même temps et paradoxalement, la société véhicule l’idéologie du choix personnel, du mérite et de l’autonomie des individus. Nos contemporains sont sans cesse appelés à se révéler, à rebondir, à être flexibles (Bauman, 2007). Aussi, du côté du couple (conjugal), la nouvelle donne normative valorise la construction d’une relation égalitaire et épanouissante pour les deux partenaires, et à laquelle il est possible, et même souhaitable, de mettre un terme si ceux-ci n’en retirent plus suffisamment de « bénéfices » personnels (Giddens, 2007). Comment donc réaliser cet épanouissement conjugal sans faire courir de risques (psychologiques et matériels) à l’enfant, s’interrogent les SEnVol ? Comment concilier la demande de mobilité et d’adaptation dans les sphères professionnelles et conjugales et l’injonction à la stabilité dans la sphère familiale dans l’intérêt de l’enfant ?

34Aussi s’intéresser aux SEnVol permet-il d’ouvrir des possibles, tout en insistant sur le cadre normatif – et donc sexué, du « faire famille » qui résiste aux configurations plurielles en matière de légitimité familiale. Alors même que nous aurions pu penser les personnes volontairement sans enfant comme des résistants aux normes sociales et de genre, il apparaît qu’il n’en est (presque) rien. Bien que les femmes SEnVol échappent à la première assignation de genre (désirer et mettre au monde des enfants), certaines d’entre elles usent pourtant d’arguments qui rappellent la répartition inégalitaire du travail « parental » entre les femmes et les hommes. Du côté des hommes SEnVol, bien qu’ils échappent à l’assignation de genre (répondre à la demande de maternité des femmes et leur faire des enfants), il apparaît que certains d’entre eux revisitent la dichotomie archaïque mais toujours d’actualité entre « la mère » et la « putain » (Tabet, 1985), pour finalement n’être attirés que par les « putains », celles qui n’ont pas de désir d’enfant, celles qui ne leur demanderont pas un enfant. Par ailleurs, même les hommes volontairement sans enfant ne se soucient pas de la contraception, donc de la maîtrise de leur propre fécondité, renvoyant cette responsabilité à leur partenaire féminine.

35Les SEnVol permettent de penser la difficile articulation entre la vie familiale, qui suppose attentes et contraintes, et l’épanouissement personnel (conjugal, professionnel, etc.), dans notre société contemporaine qui valorise et véhicule l’idéologie des compétences et des choix individuels aux dépens des appartenances collectives, annihilant par là-même les rapports sociaux de sexe et de classe. Cette articulation reste cependant régulièrement pensée sous le registre de la dissociation harmonieuse, comme si être parent et conjoint, et savoir combiner les deux, allait de soi. Or, la réussite d’une telle articulation est aussi le reflet des capitaux sociaux, culturels et économiques que chacun possède. En ce sens, les individus ne sont pas égaux face à la gestion de cette articulation identitaire (Castel, 2009). Ici aussi, les SEnVol nous étonnent puisqu’ils/elles disposent précisément des capitaux culturels et sociaux qui leur permettraient de « concilier » au mieux ces différentes injonctions contradictoires. À moins que cela ne soit, à l’inverse, ces mêmes capitaux qui leur permettent de résister à l’injonction à la parentalité et de se définir positivement malgré l’absence d’enfant. Enfin, dans une perspective de genre, on pose l’hypothèse que les femmes supportent plus que les hommes cette tension identitaire entre les rôles conjugaux et parentaux, rejoignant en cela, les analyses concernant la « conciliation » entre la vie professionnelle et la vie familiale.

Année de naissance, situation conjugale et profession des enquêtés

tableau im1
Année de naissance situation conjugale Profession Bénédicte 1973 Couple non cohabitant Journaliste Marc 1975 Couple non cohabitant Informaticien François 1952 Couple non cohabitant Écrivain samuel 1976 Couple cohabitant Consultant/chargé de cours/journaliste Amélie 1979 Non en couple Auto-entrepreneuse dans la formation sylviane 1955 Non en couple Correctrice maison d’édition Linda 1973 Couple cohabitant Auto-entrepreneuse dans la culture Fabrice 1966 Non en couple Professeur de mathématiques Josette 1948 Mariée Professeure d’arts plastiques Alain 1974 Non en couple Journaliste Brice 1976 Couple cohabitant Intermittent machiniste Chris 1975 Non en couple Journaliste Clémence 1975 Mariée Cadre Gabrielle 1976 Non en couple Correctrice maison édition pour enfants Marlène 1979 Couple cohabitant Cadre entreprise humanitaire simon 1965 Couple non cohabitant Journaliste sophie 1969 Non en couple Cadre Elizabeth 1948 Mariée secrétaire Nabila 1967 Couple cohabitant Journaliste hubert 1955 Marié Cadre déchargé à 100 % pour activité syndicale Adrien 1955 Couple non cohabitant Professeur de physique Bernard 1948 Non en couple ouvrier

Année de naissance, situation conjugale et profession des enquêtés

(dans l’ordre d’apparition)

Notes

  • [1]
    Je remercie Christine Théré et Lionel Kesztenbaum pour leurs relectures et leurs conseils.
  • [2]
    Études des relations familiales et intergénérationnelles. Cette enquête est la version française du dispositif d’enquêtes Generations and Gender Survey (GGS). Elle a été réalisée en France métropolitaine auprès de 10 079 hommes et femmes âgés de 18 à 79 ans. Les résultats issus de l’analyse d’ERFI ont été produits en collaboration avec Magali Mazuy.
  • [3]
    Le volet portant sur les intentions de fécondité est posé uniquement aux femmes de moins de 50 ans, aux hommes de moins de 50 ans ne vivant pas en couple et aux hommes vivant en couple avec une femme de moins de 50 ans.
  • [4]
    http://www.u822.idf.inserm.fr/page.asp?page=4982.
  • [5]
    L’étude s’intéresse aux personnes qui ont fait le choix volontaire de ne pas avoir d’enfant dans un contexte de forte injonction à la parentalité où la norme dominante du « faire famille » est valorisée. L’objectif de la recherche est de comprendre le parcours individuel des hommes et des femmes qui se positionnent en marge de cette norme dominante. Aussi, les personnes se déclarant homosexuelles ont-elles été intégrées au corpus, étant entendu que, comme les personnes hétérosexuelles, elles peuvent désirer ou non des enfants et produire un discours sur leur intentions de fécondité et sur les normes parentales et conjugales de notre société.
  • [6]
    Avec Magali Mazuy, nous avons construit un indicateur « d’infécondité volontaire » à partir des réponses à 4 questions de l’enquête ERFI (2005). Les personnes qui n’avaient pas d’enfant, qui ne déclaraient pas de problème d’infertilité, qui n’étaient pas en recherche de grossesse (ou que leur partenaire n’étaient pas en recherche d’une grossesse), et qui n’avaient pas l’intention « ni maintenant, ni plus tard » d’avoir des enfants ont été classées comme ne voulant pas d’enfant par choix.
  • [7]
    J’utilise ici le double sens d’outsiders (Becker, 1985, 25-42) : les SEnVol, par leurs pratiques et leurs aspirations, sont à la fois étrangers au groupe des parents et se rendent étrangers à celui-ci.
  • [8]
    L’utilisation du préservatif est incluse dans les moyens contraceptifs.
  • [9]
    Le titre de l’ouvrage d’Henri Leridon, Les enfants du désir. Une révolution démographique (1995), est à ce titre exemplaire.
  • [10]
    Seul l’âge des enquêtés figurera dans le cœur du texte et sera indiqué entre crochets. Les caractéristiques sociodémographiques telles l’année de naissance, la situation de couple et la profession sont récapitulées en annexe.
  • [11]
    Howard S. Becker note : « les normes sont le produit de l’initiative de certains individus, et nous pouvons considérer ceux qui prennent de telles initiatives comme des entrepreneurs de morale. Deux types d’entrepreneurs retiendront notre attention : ceux qui créent les normes et ceux qui les font appliquer » (Becker, 1985, 171). En ce sens, les SEnVol, malgré leur position d’outsiders, en faisant références aux normes et valeurs qui encadrent la bonne parentalité, et donc en rappelant fictivement à l’ordre les parents qui s’en écartent, peuvent être considérés comme des « entrepreneurs de morale ».
  • [12]
    Voir également les travaux d’Isabelle Clair (2012).
  • [13]
    Nous avons ici axé l’analyse des discours des SEnVol autour des normes de parentalité. Nous avons par là-même laissé de côté les aspects plus « intimes » du « non désir d’enfant » qui feront l’objet d’autres articles.
Français

Parce qu’un phénomène social est souvent mis en exergue par ses marges, c’est à travers les discours des personnes volontairement sans enfant que nous analyserons le cadre normatif qui entoure l’entrée en parentalité et l’exercice de celle-ci. Après une approche quantitative concernant la mesure de l’infécondité volontaire, nous exposons la méthodologie utilisée pour recueillir les données qualitatives qui constituent le cœur de notre article. Nous montrons que les conditions sociales et normatives de l’exercice de la parentalité contredisent les valeurs véhiculées par nos sociétés contemporaines, libérales et concurrentielles. En effet, dans les sphères conjugales, professionnelles et personnelles priment les choix et les mérites individuels quand, au sein de la famille, prévalent le don de soi et la disponibilité à l’autre (enfant, conjoint).

Références bibliographiques

  • En ligneBajos, Nathalie, Bohet, Aline, Le Guen, Mireille, Moreau, Caroline, (2012), « La contraception en France : nouveau contexte, nouvelles pratiques ? », Population et sociétés, n° 492.
  • En ligneBajos, Nathalie et Ferrand, Michèle (2006), « L’interruption volontaire de grossesse et la recomposition de la norme procréative », Sociétés contemporaines, n° 61, 91-117.
  • Bauman, Zygmunt (2007), Le Présent liquide. Peurs et obsession sécuritaire, Paris, Seuil.
  • En ligneBeaujouan, Eva (2009), « Se remettre en couple : contraste hommes-femmes », 259-283, in Pailhie, Ariane et Solaz, Anne (dir), Entre famille et travail. Des arrangements de couples aux pratiques des employeurs, Paris, La Découverte.
  • Beck, Ulrich (2008), La Société du risque. Sur la voie d’une autre modernité, Paris, Flammarion.
  • Becker, Howard S. (1985), Outsiders. Étude de sociologie de la déviance. Paris, Le Métalié.
  • En ligneBerger, Maurice (2005), « Médiation et intérêt de l’enfant », Dialogues, vol. 4, n° 170, 7-16.
  • Blondel, Béatrice et Kermarrec, Morgane (2011), Enquête nationale périnatale 2010. Les naissances en 2010 et leur évolution depuis 2003, rapport mai 2011 : http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Les_naissances_en_2010_et_leur_evolution_depuis_2003.pdf.
  • Boisson, Marine (2008), « Petit lexique contemporain de la parentalité. Réflexions sur les termes relatifs à la famille et leurs usages sociaux », Informations sociales, vol. 5, n° 149, 8-15.
  • En ligneBonvalet, Catherine, Clément, Céline et Ogg, Jim (2011), Réinventer la famille. L’histoire des baby-boomers, Paris, PUF.
  • Castel, Robert (2009), La Montée des incertitudes. Travail, protections, statut de l’individu, Paris, Seuil.
  • Castel, Robert et Le Cerf, Jean-François (1981), « Le phénomène “psy” et la société française. Vers une nouvelle culture psychologique », Le Débat, n° 1, 27-38.
  • En ligneChauffaut, Delphine et Domingo, Pauline (2011), « Évolutions familiales et stabilité des opinions concernant la famille », Politiques sociales et familiales, n° 103, 47-63.
  • Chauvière, Michel (2008), « La parentalité comme catégorie de l’action publique » Informations sociales, vol. 5, n° 149, 16-29.
  • Clair, Isabelle (2012), « Le pédé, la pute et l’ordre hétérosexuel », Agora, Dossier : jeunesse et sexualité, n° 60, 67-78.
  • Commaille, Jacques et Martin, Claude (1998), Les Enjeux politiques de la famille, Paris, Bayard.
  • En ligneDavie, Emma et Mazuy, Magali (2010), « Fécondité et niveau d’études des femmes en France à partir des enquêtes annuelles de recensement », Population (F), n° 65 (3), 475-508.
  • En ligneDebest, Charlotte (2013), « Le choix d’une vie sans enfant au prisme des normes parentales et conjugales. Étude de cas en France », Nouvelles pratiques sociales, n° 25, à paraître.
  • Déchaux, Jean-Hugues (2009), Sociologie de la famille, Paris, La découverte, Coll. Repères.
  • En ligneDevreux, Anne-Marie (2005), « Des hommes dans la famille. Catégories de pensée et pratiques réelles », Actuel Marx, vol. 1 n° 37, 55-69.
  • Dittgen, Alfred (2006), « L’évolution de la population de la France de 1800 à 1945 », 5-48, in Bergouignan, Christophe et al (dir.), La Population de la France. Évolutions démographiques depuis 1946, CUDEP, t. 1.
  • Dolto, Françoise (1985), La Cause des enfants, Paris, Robert Laffont.
  • Donati, Pascale (2000), Ne pas avoir d’enfant : construction sociale des choix et des contraintes à travers les trajectoires d’hommes et de femmes, Paris, CNAF.
  • Dubar, Claude (2001), La Crise des identités. L’interprétation d’une mutation, Paris, PUF.
  • En ligneGarcia, Sandrine (2011), Mères sous influence. De la cause des femmes à la cause des enfants, Paris, La découverte.
  • Giddens, Anthony (2007), La Transformation de l’intimité. Sexualité, amour et érotisme dans les sociétés modernes, Paris, Hachette.
  • Knibiehler, Yvonne (2001), « Introduction. La construction sociale de la maternité », 13-20, in Knibiehler, Yvonne (dir), Maternité affaire privée, affaire publique, Paris, Bayard.
  • Lenoir, Rémi (2003), Généalogie de la morale familiale, Paris, Seuil.
  • Leridon, Henri (1996) « Les facteurs biologiques et sociaux de la fécondité : une vue d’ensemble », 1-20, in Caselli Graziella, Vallin Jacques, Wunsch Guillaume J.(dir.), Démographie analyse et synthèse. Causes et conséquences des évolutions démographiques, (Actes du séminaire de Sienne), Rome/Paris, CEPED, vol. 3.
  • Leridon, Henri (1995), Les Enfants du désir. Une révolution démographique, Paris, Julliard
  • En ligneLeridon, Henri (dir) (1987), La Seconde Révolution contraceptive. La régulation des naissances en France de 1950 à 1985, Travaux et documents, n° 117.
  • En ligneLesnard, Laurent, Saint-Pol (de) Thibaut (2008), « Organisation du travail dans la semaine des individus et des couples actifs : le poids des déterminants économiques et sociaux », Économie et statistique, n° 414, 53-74.
  • Mazuy, Magali, Debest, Charlotte (2013), « L’infécondité volontaire : définitions et mesures », in XVe colloque national de démographie, (à paraître printemps 2013).
  • En ligneMazuy, Magali (2009), « Avoir un enfant : être prêt ensemble ? », in Désirs de famille, désirs d’enfant, Revue des sciences sociales, Strasbourg, n° 41, 30-41.
  • Mazuy, Magali (2006), Être prêt-e, être prêts ensemble ? Entrée en parentalité des hommes et des femmes en France, Thèse de doctorat de démographie, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
  • Murard, Numa (2003), La Morale de la question sociale, Paris, La Dispute.
  • En lignePrioux, France, Mazuy, Magali et Barbieri Magali (2010), « L’évolution démogra-phique récente et France : les adultes vivent moins souvent en couple », Population, 65(3), 421-474.
  • En ligneRapoport, Danielle (2010), « De la prévention de la maltraitance à la “bien-traitance” envers l’enfant », Informations sociales, n° 160, 114-122.
  • En ligneregnier-loilier, Arnaud et vignoli Danielle (2011), « Intentions de fécondité et obstacles à leur réalisation en France et en Italie », Population, 66(2), 401-432.
  • En ligneRégnier-Loilier, Arnaud et Solaz, Anne (2010), « La décision d’avoir un enfant : une liberté sous contrainte », Recherches et prévisions, n° 100, 61-77.
  • Régnier-Loilier, Arnaud (2007), Avoir des Enfants en France. Désirs et réalités, Paris, INED.
  • rochebrochard (de la), Élise (2011), « Infécondité », 235-236, in Meslé, France, Toulemon Laurent, Véron Jacques, (dir), Dictionnaire de démographie et des sciences de la population, Paris, Armand Colin.
  • Rosental, Paul-André (2003), L’Intelligence démographique. Sciences et politiques des populations en France : 1930-1960, Paris, Odile Jacob.
  • Simmat-Durant, Laurence (dir) (2009), Grossesses avec drogues. Entre médecines et sciences sociales. Paris, L’Harmattan.
  • Singly, François (de) (1996), Le Soi, le couple et la famille, Paris, Nathan.
  • En ligneSpiess, Martine, Chevaleries, Marie-Paule et Thévenot, Anne (2012), « Les nouvelles normes de la maternité : enjeux et paradoxes », 77-82, in Knibielher, Yvonne (dir), La Maternité à l’épreuve du genre, Rennes, PUR.
  • Tabet, Paola (1985), « Fertilité naturelle, reproduction forcée », 61-146, in Nicole-Claude Mathieu (dir), L’Arraisonnement des femmes : essai en anthropologie des sexes, Paris, EHESS.
  • Théry, Irène (2000), « La transformation des années soixante/soixante-dix », 194-203, in Chauvière, Michel, Sassier, Monique, Bouquet, Brigitte et al., Les Implicites de la politique familiale. Approches historiques, juridiques et politiques, Paris, Dunod.
  • Théry, Irène, (1993) Le Démariage. Justice et vie privée, Paris, Odile Jacob.
  • En ligneToulemon, Laurent, et al (2008), “France: high and stable fertility”, Demographic research, 19 (16), 503-556.
  • En ligneToulemon, Laurent (1995), « Très peu de couples restent volontairement sans enfant », Population, n° 4-5, 1079-1109.
  • Vivas, Emilie (2009), « 1,2 million d’enfants de moins de 18 ans vivent dans une famille recomposée » INSEE Première, Oct., n° 1259.
Charlotte Debest [1]
Université Paris 7-Denis Diderot
(CSPRP)
Institut national d’études démographiques
  • [1]
    Je remercie Christine Théré et Lionel Kesztenbaum pour leurs relectures et leurs conseils.
Mis en ligne sur Cairn.info le 10/10/2013
https://doi.org/10.3917/adh.125.0119
Pour citer cet article
Distribution électronique Cairn.info pour Belin © Belin. Tous droits réservés pour tous pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent article, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
keyboard_arrow_up
Chargement
Chargement en cours.
Veuillez patienter...