CAIRN.INFO : Matières à réflexion

La politique d’ouverture à l’égard de Moscou, caractéristique de l’Ostpolitik conduite par les diverses coalitions qui se sont succédé à Berlin depuis une vingtaine d’années, s’est heurtée à un décalage croissant avec la réalité d’un pouvoir russe de plus en plus autoritaire et révisionniste. Le constat d’échec de cette stratégie a été dressé le 24 février 2022 avec l’invasion de l’Ukraine.
« Il n’y a pratiquement pas d’autres États dans le monde, dont les relations bilatérales, ces cent dernières années, ont été autant marquées par la révolution et les bouleversements, par la terreur et la violence comme par la séparation et l’entente », observe l’historien Stefan Creuzberger. À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne est divisée, sa partie orientale est intégrée dans le bloc soviétique, occupée militairement par l’URSS, tandis que la RFA se situe aux avant-postes de la lutte anti-communiste.
La RFA rétablit les relations diplomatiques avec l’URSS en 1955, lors de la visite du chancelier Adenauer à Moscou. Dans les années 1960-70, il s’agit pour Bonn de préserver la perspective de la réunification et d’éviter que le fossé ne se creuse entre les deux Allemagne après la construction du mur de Berlin. Le rapprochement engagé avec l’URSS et le bloc soviétique vise aussi à normaliser les relations avec les États socialistes d’Europe centrale et orientale (Ostverträge signés, non seulement avec l’URSS, mais aussi avec la Pologne et la Tchécoslovaquie) et à prévenir un conflit sur le continent européen dont l’Allemagne serait la première victime…

Français

L’Ostpolitik conduite par G. Schröder puis par A. Merkel, inspirée des principes expérimentés pendant la guerre froide et la détente, est restée concentrée sur la Russie. Le caractère pacifique de la disparition de l’URSS et de la réunification allemande a conforté les dirigeants allemands dans leur conviction que l’époque de la confrontation sur le continent européen était dépassée et qu’un fort investissement politique et économique occidental permettrait d’intégrer et de démocratiser la Russie. Ce faisant, les coalitions qui se sont succédé au pouvoir à Berlin ont méconnu les manifestations croissantes d’autoritarisme et de révisionnisme émanant du régime de V. Poutine, notamment depuis le « tournant conservateur » pris en 2011-2. L’invasion de l’Ukraine conduit O. Scholz et les milieux politiques allemands à dresser un constat d’échec de cette stratégie, à repenser la politique vis-à-vis de l’Europe centrale et orientale et à remettre en cause la priorité accordée jusqu’à présent à la Russie.

Deutsch

Die Irrwege der deutsch-russischen Beziehungen

Die von G. Schröder und später von A. Merkel geführte Ostpolitik, die sich an den während des Kalten Krieges und der Entspannung erprobten Prinzipien orientierte, blieb auf Russland konzentriert. Der friedliche Charakter des Untergangs der UdSSR und der deutschen Wiedervereinigung bestärkte die deutsche Führung in ihrer Überzeugung, dass die Zeit der Konfrontation auf dem europäischen Kontinent vorbei sei und dass starke politische und wirtschaftliche Investitionen des Westens die Integration und Demokratisierung Russlands ermöglichen würden. Dabei verkannten die wechselnden Koalitionen in Berlin die zunehmenden autoritären und revisionistischen Äußerungen, die von W. Putins Regime ausgingen, insbesondere seit der „konservativen Wende“ in den Jahren 2011-2. Die Invasion der Ukraine veranlassten O. Scholz und die deutsche Politik diese Strategie als gescheitert anzusehen, die Politik gegenüber Mittel- und Osteuropa zu überdenken und den bisherigen Fokus auf Russland in Frage zu stellen.

English

The hazards of german-russian relations

The Ostpolitik implemented by G. Schröder and A. Merkel, built on the principles developed during the cold war and the detente periods, remained focused on Russia. The peaceful break-up of the Soviet Union and reunification of Germany strenghened the german leaders in their belief that the era of confrontation on the european continent was over and that Russia could be integrated and democratized through a strong, political and economic, western investment. The different coalitions in Berlin overlooked the increasing autoritarism and revisionnism of Putin regime, especially after the “conservative turn” taken in 2011-12. The invasion of Ukraine has led O. Scholz and german politicians to admit the failure of this strategy, to question Germany’s policy towards central and eastern Eastern Europe and to reassess the priority given until recently to Russia.

Bernard Chappedelaine
Ancien conseiller des Affaires étrangères, a été en poste à Berlin et à Moscou.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 16/03/2023
https://doi.org/10.3917/all.243.0078
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