CAIRN.INFO : Matières à réflexion

La guerre en Europe orientale offre, outre-Manche, un tableau pour le moins contrasté entre, d’une part, un soutien britannique à l’Ukraine apparemment sans faille, inscrit dans la durée contre l’agresseur russe, et d’autre part, de graves compromissions avec la Russie, frisant la haute trahison au plus haut niveau politique du pays. Ces paradoxes s’entrecroisent au cœur des turbulences générées par le référendum de sortie de l’Union Européenne (UE), dans le contexte de politiques populistes menées depuis avec consistance par quatre gouvernements conservateurs successifs, qui n’ont rien fait pour empêcher des ingérences russes répétées dans la politique britannique, et semblent parfois même les avoir facilitées.
L’engagement de Londres en faveur de l’Ukraine s’est certes montré très fort. Il a constitué avant tout l’occasion de reconfirmer, s’il en était besoin, la convergence des intérêts stratégiques et de défense communs au Royaume-Uni et aux autres puissances occidentales, alors que celui-ci venait de quitter l’Union Européenne et que Boris Johnson cherchait à distancier son pays le plus possible du continent. Qu’il s’agisse de refuser toute forme d’intégration au sein du Marché Intérieur ou à l’Union douanière, de se retirer des coopérations scientifiques (Horizon Europe, Galileo), de rejeter toute participation britannique aux échanges universitaires (Erasmus+), ou de mettre fin à la liberté de mouvement des citoyens britanniques et européens entre l’UE et le Royaume-Uni, l…

Français

Dès le déclenchement du conflit en Ukraine, le Royaume-Uni s’est résolument engagé à fournir à Kyiv une assistance militaire, logistique et financière substantielle, témoignant ainsi d’une solidarité atlantiste irréprochable.
Cependant, l’engagement de Londres pour la cause ukrainienne est fortement terni par l’influence qu’exerce la Russie de Poutine sur les questions intérieures britanniques. Du Brexit, soutenu financièrement par Moscou, au rapport sur les interférences russes au Royaume-Uni, des golden visas vendus aux citoyens russes fortunés aux oligarques de Londongrad, des généreux donateurs russes au Parti Conservateur britannique aux relations qu’entretient Boris Johnson avec un proche de Poutine ancien du KGB, le paradoxe est troublant entre, d’une part, une relation russo-britannique quasiment incestueuse, et d’autre part un engagement britannique en Ukraine apparemment sans faille.
À cette flagrante contradiction des positions britanniques s’ajoute en toile de fond une rivalité historique à l’égard de l’Allemagne et de la France qui, souvent, tourne à l’hostilité, une tendance que le Brexit n’a fait que renforcer. Ainsi, les tentations de critiquer les positions, tantôt allemandes, tantôt française, à l’égard de la question ukrainienne ont été autant de tentatives de présenter le Royaume-Uni comme le pays européen le plus engagé aux côtés de Kyiv.
Néanmoins, la ligne adoptée à l’égard de la crise en Ukraine ne devrait pas être remise en cause par les prochains changements de gouvernements. Quant à l’hostilité pérenne vis-à-vis de l’Allemagne, de la France et de l’UE, celle-ci devrait s’estomper dès lors que le pays pourra enfin se doter d’un gouvernement plus responsable.

Deutsch

Die deutsche Außenpolitik und der Krieg in der Ukraine aus britischer Sicht

Gleich vom Anfang des Konflikts in der Ukraine an hat sich Großbritannien dafür eingesetzt, Kyiv finanziell, logistisch und militärisch zu unterstützen, und hat dadurch eine einwandfreie europäische und atlantische Solidarität aufgezeigt.
Jedoch wurde das britische Engagement für die Ukraine verblasst - durch den von Putins Russland ausgeübten Einfluss auf das Brexitreferendum, durch die russische Einmischung in die britische Politik, durch die an wohlhabenden russischen Staatsbürgern verkauften goldenen Visas, durch russische Oligarchen, die Milliarden nach Londongrad überweisen und großzügige Schenkungen an die Tory Partei leisten, durch Boris Johnsons verdächtige Freundschaft mit einem ehemaligen KGB-Agenten, und durch ein störendes Paradox zwischen, einerseits, ein starkes engagement für die Ukraine und, andererseits, kompromittierende Verhältnisse mit Moskau.
Zusätzlich zu diesem flagranten Widerspruch kommt auch noch eine historische Rivalität gegenüber Deutschland und Frankreich, die öfters durch Feindseligkeit geprägt wird – eine Tendenz, die seit dem Brexit noch bemerkbarer geworden ist. Britische Kritik gegenüber deutschen oder französischen Stellungnahmen zum russisch-ukrainischen Konflikt zielen meistens darauf, Großbritannien als das am meisten engagierte Land Europas zugunsten der Ukraine zu profilieren.
Dessen ungeachtet sollte die Britische Stellungnahme im Ukrainekonflikt durch den nächsten Regierungswechsel nicht infragegestellt werden. Die nicht nachlassende feindselige Einstellung der britischen Konservativen Deutschland, Frankreich und der EU gegenüber wird sich mildern, sobald Großbritannien über eine normale, verantwortliche Regierung verfügt.

English

Germany’s policies on the war in Ukraine – Perspectives from Britain

Right from the start of the conflict in Ukraine, Britain committed itself to supporting Kyiv financially, logistically and militarily, and displayed in so doing irreproachable European and Atlantic solidarity.
And yet, British commitment to the Ukrainian cause is seriously tarnished by the influence that Putin’s Russia exerts on internal political issues in the UK. Russian influence on the Brexit vote, Russian interference on UK politics, golden visas sold to wealthy Russian citizens, Russian oligarchs transferring billions to Londongrad and making generous donations to the Tory Party, Boris Johnson’s suspicious friendship with a former KGB agent, all point towards an incestuous relationship between a sector of the British political class and Russia, and a disturbing paradox between a strong engagement in Ukraine and compromise with Moscow.
In addition to this flagrant contradiction comes a historical rivalry towards Germany and France which, often, is marked by hostility, a tendency which has become more noticeable since Brexit. British criticisms sometimes towards German, sometimes towards French positions in relation to Ukraine have frequently been attempts to profile Britain as the country in Europe the most committed to supporting Kyiv.
Notwithstanding this, the UK’s position towards the conflict in Ukraine should not be questioned by the next change of government. And the lasting hostility towards Germany, France and the EU is likely to falter as soon as the UK will be able to endow itself with a more responsible government.

Jean-Marc Trouille
Professeur Jean Monnet en intégration économique européenne à l’École de Management de l’Université de Bradford au Royaume-Uni. Ses intérêts de recherche portent sur les relations économiques franco-allemandes, les politiques européennes, et plus récemment, sur les questions de développement et d’intégration régionale en Afrique dans une perspective comparative. Il dirige depuis 2016 le Réseau Jean Monnet « The European Union, Africa and China in the Global Age » (EU-EAC) et est directeur du Centre d’Excellence Jean Monnet « The EU and Regional Integration in the EAC ».
Helen Trouille
Maître de Conférences à Bangor University au Pays de Galles, Royaume-Uni, juriste et interprète. Elle détient un doctorat en procédures pénales comparatives. Ses publications portent sur les rapports entre la justice et les affaires et les réformes du système judiciaire. Ses recherches actuelles concernent le droit pénal international, l’accès à la justice et la réconciliation dans les États sortant d’un conflit.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 16/03/2023
https://doi.org/10.3917/all.243.0187
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