CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Les inégalités sociales face à la lecture sont connues. On sait que les membres des catégories populaires lisent moins que le reste de la population [1] et privilégient les textes qui ont une portée pratique (Lahire, 1993 ; Schwartz, 2002 ; Horellou-Lafarge, Segré, 2016). Il existe pourtant des exceptions à cette règle. Richard Hoggart évoque ainsi le cas de ceux « qui se jettent à corps perdu dans des lectures désordonnées », parfois ambitieuses, et dont le nombre est selon lui plus considérable qu’on peut l’imaginer (Hoggart, 1970, p. 367). D’autres recherches ont mis en évidence un attachement surprenant aux livres au sein de populations précarisées, comme les sans-abri, pour qui ils constituent un objet précieux et valorisé (Anderson, 2011) [2]. Il apparaît que la lecture peut même constituer une « bouée de sauvetage » face aux situations de crise (Sayad, 1995).

2Au cours d’une enquête récente (voir encadré p. 60), j’ai fait la rencontre d’un jeune homme confronté à de graves problèmes familiaux, qui a cherché son salut dans un type de lecture particulier : les sciences de l’homme et la philosophie. Si cette appétence intellectuelle est signalée dans d’autres enquêtes [3], elle n’est jamais prise comme objet d’étude. Suivant la préconisation d’Abdelmalek Sayad qui revendique l’intérêt de s’arrêter sur les fonctions les plus exceptionnelles que remplit la lecture en observant les situations où l’on est « tout étonné » de rencontrer cette pratique et « émerveillé » de découvrir de manière inattendue son efficacité (Sayad, 1995, p. 66), il s’agit dans cet article d’observer le rôle que peut jouer la lecture des sciences humaines chez les jeunes placés dans des situations de crise et de vulnérabilité (Becquet, 2012). Alors que la fonction compensatoire des bandes (Mohammed, 2011) ou de la religion (Khoroskhavar, 1997) face à leurs difficultés a été mise en évidence, la quête de soi à travers la lecture et le savoir est peu explorée. On verra que les lecteurs placés en « situation d’urgence » (Sayad, 1995) utilisent pourtant ces connaissances comme un véritable guide pour l’existence et que cela peut constituer un facteur de « résilience [4] » (Cyrulnik, Jorland, 2012).

Méthodologie d’enquête

J’ai rencontré Seif C. lors d’une enquête qui portait sur les étudiants issus des catégories populaires vivant une décohabitation familiale. Lors du premier entretien, son histoire m’a frappée car elle cristallise un grand nombre des difficultés qui pèsent sur les personnes précarisées issues de l’immigration (problèmes de logement, relégation dans des quartiers disqualifiés, exposition aux violences et à la délinquance, etc.), tout en fournissant un cas de « résilience » exemplaire. Je lui ai proposé d’entreprendre un travail de long cours (Delcroix, 2010) afin d’observer la suite de son parcours. Depuis trois ans, nous nous voyons en moyenne tous les deux mois pour effectuer des entretiens approfondis. Le plus souvent, nous déjeunons ensemble [*], mais il nous est aussi arrivé de nous retrouver dans des parcs, lors d’un événement culturel [**], ou encore dans mon bureau pour des séances de travail. Parallèlement, nous avons entretenu une conversation par mail, ce qui a permis d’aborder certains points au fur et à mesure de la recherche. Nous avons dialogué de façon continue de manière à restituer le plus fidèlement possible sa situation sociale, ses pratiques, ses représentations et son ressenti. Nous avons lu cet article ensemble pour recueillir son point de vue sur mon analyse. C’est donc ici une démarche de coproduction de la recherche qui a prévalu (Payet et al., 2010).
Cette recherche repose ainsi sur une relation de forte proximité avec un enquêté, comme a pu le faire Stéphane Beaud avec Younes Amrani (Beaud, Amrani, 2005). À partir d’un cas singulier, il s’agit de comprendre les relations atypiques que peuvent nouer certains jeunes avec le savoir. Notre démarche se rapproche de la « pensée par cas » telle que la décrivent Jean-Claude Passeron et Jacques Revel – « un cas, c’est ce qui pose question » et qui appelle à l’instauration d’un cadre nouveau de raisonnement (Passeron, Revel, 2005, p. 10). Comme l’indique Camille Hamidi, les cas ne sont pas considérés comme des déclinaisons interchangeables d’un même phénomène mais comme des objets intéressants en tant que tels, à comprendre en profondeur, dans leur singularité, en cherchant à les resituer dans leur contexte (Hamidi, 2012).

3On étayera cette analyse à partir du cas de Seif C., jeune homme de 21 ans issu de l’immigration qui a passé une partie de sa jeunesse dans un quartier populaire de la banlieue parisienne. Confronté à un conflit familial aigu, il a trouvé un soutien dans les sciences humaines. Comment en est-il venu à faire de ses lectures un outil pour comprendre sa situation et tenter de se sauver lui-même ainsi que sa famille ? Que produit cette pratique sur ses relations sociales et comment a-t-elle changé sa manière d’être au monde ? À partir de son itinéraire singulier, il s’agit d’observer le rapport aux sciences humaines de ces lecteurs particuliers qui cherchent dans les mots et les idées des solutions à leurs problèmes. Nous faisons l’hypothèse que ce recours s’inscrit dans un contexte d’individualisation des problèmes sociaux (Duvoux, 2009), qui accentue chez les jeunes des cités l’importance des stratégies personnelles pour s’en sortir (Marlière, 2014) et reporte sur eux la responsabilité de leurs succès et de leurs échecs (Becquet, 2012). Après avoir décrit le contexte qui a poussé Seif à s’intéresser aux sciences humaines, on abordera les différentes étapes de sa « carrière » de lecteur. Le concept de « carrière » conduit à prendre en compte aussi bien les faits objectifs relevant de la structure sociale, et dont dépend la mobilité d’une position à une autre, que les changements de perspectives, les motivations et les désirs de l’individu (Becker, 1985). Il marque une évolution dans la personnalité, la manière de percevoir et d’appréhender le monde (Goffman, 1975) et peut aboutir à une « conversion de soi » (Darmon, 2008). Dans le cas de Seif, sa « carrière » démarre par sa « rencontre » avec les sciences humaines ; il est ensuite amené à percevoir ce savoir comme un moyen de faire face à ses difficultés et d’agir sur lui-même. En fin de processus, il cherche à changer concrètement les choses pour ses proches et pour lui-même en infléchissant sa trajectoire sociale.

La « descente aux enfers » : une enfance dans le huis clos familial

4Seif C. est né en Algérie en 1991, dans la banlieue d’Oran. Sa mère tient une alimentation générale et son père, ancien footballeur professionnel et ancien militaire, une boutique d’électroménager. Malheureusement, les affaires ne marchent pas bien et, confrontés à des problèmes financiers, ils sont contraints de déménager dans un quartier proche des bidonvilles. Cette situation est très mal vécue par monsieur C. qui vient d’un milieu aisé et éprouve un sentiment d’échec. Il boit, fume du haschisch et se montre violent avec son épouse. En 2001, il profite de l’héritage de sa mère pour partir en France avec sa famille. Après avoir été hébergés chez une amie de madame C. à Champigny-sur-Marne, ils sont mis à la porte et se retrouvent sans logement, sans papiers et sans travail. Ils font alors appel au 115 [5], ce qui marque le début d’une longue période d’errance où s’enchaînent les hôtels et les foyers. À cette époque, Seif est en CM2. Au bout d’un an et demi, grâce à l’aide de relations familiales, son père obtient un poste de gardien d’immeuble avec, à la clé, un appartement situé dans une HLM de Courcouronnes, près d’Évry.

5La cité fait partie des quartiers « sensibles » (Stébé, 2010), mais cette nouvelle stabilité résidentielle est vécue par tous comme une libération. C’est pourtant à partir de ce moment que commence ce que Seif nomme la « descente aux enfers ». Monsieur C. se remet à boire et, alors que les violences avaient cessé quand l’absence de logement constituait leur principale préoccupation, elles reprennent de plus belle. De plus, le travail de concierge de monsieur C. est loin de correspondre à ses ambitions initiales et l’expose à des tensions avec les jeunes du quartier qui font du trafic non loin de sa loge [6]. Souffrant d’une situation de domination sociale à l’extérieur de chez lui, il reporte tout son désir de puissance et d’autorité dans la sphère privée. Il a l’obsession du contrôle, ce comportement faisant écho au constat de Sayad selon lequel le foyer est « la seule chose dont [les pères migrants] croient pouvoir être encore les maîtres » (Sayad, 2006, p. 77) [7]. Il attache aussi une grande importance à la réputation de sa famille. Redoutant que Seif ait de mauvaises fréquentations qui risqueraient de dégrader « son statut local » (Mohammed, 2014), il lui interdit de sortir, sauf pour se rendre à l’école, et le violente quand il a de mauvaises notes. Évoquant cette période de sa vie, Seif utilise la métaphore carcérale :

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« J’étais terrifié à chaque fois. Mes potes, à chaque fois qu’ils sortaient, on sortait du collège, ils me disaient : “Bon ben, tu vas à Alcatraz. – Oui, ben oui, j’y vais.” Alcatraz, c’était chez moi. Ben oui, parce que j’étais au troisième étage et je leur faisais coucou. Et eux, ils me disaient : “Bon, tu sors ? – Ben non, mon père, il ne veut pas.” […] Et quand je rentrais tard, c’était pareil, des coups, des violences [8]. »

7Ces mauvais traitements affectent sa personnalité et son rapport au monde. Il se décrit comme un garçon renfermé, manquant de confiance en lui : « C’était trop étouffant. Ça m’a mis beaucoup d’inhibitions dans ma vie », se souvient-il. Avec le recul, il estime que son père était le responsable direct de cette introversion :

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« J’étais façonné par mon père. Il a compté pour moi sans que je le veuille. Donc là, à ce moment-là, tous les trucs qu’il me faisait, ça a commencé à agir [sur mes relations] avec les autres. Par exemple, le fait que je lui sois soumis, ça a compté avec les autres. Donc, j’avais du mal à me défendre, j’avais du mal à m’imposer, j’avais du mal à m’intégrer. […] [Mon père] a tout fait pour que je réussisse pas et il m’a totalement bloqué et inhibé. […] J’étais toujours dans cet état d’esprit où je veux vivre, je veux m’amuser, je veux croquer la vie, je veux y aller, mais j’ai ce père qui étouffe. »

9Malgré tout, Seif est décidé à s’en sortir et s’investit dans sa scolarité. Au collège, ses résultats sont médiocres, mais il se bat pour éviter la filière professionnelle, synonyme à ses yeux de relégation (selon lui, c’est dans cette filière que vont la plupart des jeunes de la cité, en particulier « ceux qui tiennent les murs »). Si le conseil de classe le contraint à accepter l’option « sciences de l’ingénieur », il intègre la filière générale et, après avoir redoublé, rejoint la filière SES qu’il souhaitait intégrer. Il échappe donc aux « classes périphériques », où se concentrent les jeunes en échec scolaire et ceux appartenant aux bandes (Moignard, 2007). Après un baccalauréat ES, il entreprend des études supérieures à Assas sur les conseils d’un cousin qui a suivi cette formation. Ses copains, qu’il a rencontrés au lycée, ont à peu près le même profil : souvent inscrits en filière générale, ils ne consomment ni alcool, ni cannabis et partagent une attitude « sérieuse », une passion pour le sport [9], un mode de vie « sain » et un style fashion (« Il fallait être un “BG” [beau gosse]. On avait envie d’être beaux et bien dans la société [10]. »). Dans la cité, Seif et ses amis se rapprochent donc du groupe des « invisibles » (Marlière, 2008), dont les membres se tiennent à distance des actes déviants, aspirent à la réussite scolaire et fréquentent peu l’espace public. Ils s’écartent en tous points de la sociabilité des bandes (Mauger, 2006).

10La mère et le frère cadet de Seif connaissent en revanche des trajectoires plus chaotiques. Madame C. commet des vols de marchandises dans des magasins puis les vend dans la cité et finit par se faire arrêter. Son incarcération pendant neuf mois marque un tournant dans l’existence de Seif qui a alors 18 ans et est en classe de terminale. Durant son séjour en prison, c’est lui qui, en tant qu’aîné, doit s’occuper de sa sœur et de ses deux frères, dont le plus jeune a trois ans. Au même moment, son frère cadet décroche de l’école et se réfugie dans la rue où il deale avec ses copains. Peu à peu, Seif est amené à endosser un « rôle familial de substitution » (Mortain, Vignal, 2013) et à se sentir responsable de ses proches. Une fois sa mère sortie de prison, il évite de s’absenter de peur que son père en profite pour se livrer à des violences sur celle-ci. Il veille aussi à l’éducation de son petit frère et de sa petite sœur, contrôle leurs horaires de lever et de coucher, leur alimentation et leurs activités. Cet interventionnisme n’est pas du goût de son père qui y voit une menace pour son autorité, redouble de démonstrations de force et cherche à mettre son fils à la porte. Quand Seif révise pour ses partiels, il met la musique très fort toute la nuit pour l’empêcher de dormir. L’escalade de la violence se poursuit jusqu’à ce que le père agresse son fils avec un couteau. Choqué, Seif prend la lourde décision de quitter le domicile parental. Depuis deux ans, il vit à Paris où il bénéficie d’une chambre dans une résidence étudiante ainsi que d’une bourse pour subvenir à ses besoins, mais continue de jouer son rôle d’aîné quand il rentre chez lui ou à distance, grâce au téléphone et à Internet.

11Seif a donc connu un parcours chaotique et des situations traumatisantes. Différents éléments l’ont aidé à garder la tête hors de l’eau, dont l’amour que lui porte sa mère, le soutien de certaines personnes (une institutrice à l’école primaire, ses professeurs d’histoire-géographie et de français au collège…), ou encore le football et la danse. Ses lectures en sciences humaines et en philosophie ont également constitué pour lui une aide décisive.

La rencontre avec les sciences humaines

12Au départ, tous les éléments étaient réunis pour que Seif se tienne à distance de la lecture. Dans sa famille, en dehors de son père qui lit la presse algérienne et française sur Internet, cette pratique occupe en effet une place marginale [11]. De surcroît, à son arrivée en France, il rencontre des difficultés linguistiques qui ne le poussent guère à s’intéresser aux livres. Contre toute attente, c’est sa passion pour le football qui, à 16 ans, va le réconcilier avec l’écrit. Avide de tout connaître sur ce sport, il surfe sur le Net et commence à lire. Quand le sens d’un mot ou d’une expression lui échappe, il cherche sa définition dans le dictionnaire, ce qui contribue peu à peu à améliorer son français. Ses lectures, au départ circonscrites au football, vont changer de nature à la suite d’un événement douloureux. Au lycée, alors que son père lui laisse enfin une plus grande liberté, il commence à sortir avec des filles. Mais, à 18 ans, précisément au moment où sa mère effectue son premier séjour en prison [12], sa petite amie le quitte. Il vit très mal cette séparation qui suscite en lui de nombreuses questions sur ses rapports avec les filles, préoccupation que partagent ses copains. Ensemble, ils décident de s’améliorer et, en secret [13], forment un club de lecture consacré à la séduction :

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« Avec des amis, on s’était créé un clan, entre guillemets, et on lisait des trucs sur la séduction. […] Parce que j’étais le mec plaqué, j’avais du mal à l’accepter et j’ai dit : “Ben, tu sais quoi, maintenant, je vais me forger une identité de mec qui se fera plus jamais plaquer.” […] Et c’est ça qui m’amène à Psychologies Magazine. Parce que je me rappelle le mec, il parlait beaucoup de psychologie. Il disait “les dynamiques sociales”, les “leviers psychologiques pour ne plus être inhibé”… »

14Seif constate en effet que les auteurs des articles disponibles sur Internet emploient de façon récurrente l’expression « psychologie des femmes ». Pour lui, le mot « psychologie » est inconnu. Sa curiosité est piquée, il fait une recherche sur Google et découvre un nouvel univers. « C’est quoi, ça ? ! », s’émerveille-t-il. Aussitôt, il pressent que cette discipline est susceptible de lui ouvrir des portes insoupçonnées. Avec la même méthode que pour le football, il navigue sur Internet et lit frénétiquement. Peu à peu, il complète ses lectures numériques par des livres et des articles de plus en plus pointus. Un jour, il est frappé par la couverture du journal Philosophie Magazine exposée dans un kiosque à journaux qui affiche en gros titre : « Se connaître soi-même, est-ce bien nécessaire ? » Il achète la revue et découvre Jean-Paul Sartre. À la suite de ce qu’il considère comme une véritable « rencontre » avec le philosophe, il se met à lire compulsivement tous les ouvrages et les magazines de sciences humaines qui lui tombent sous la main. Il s’ouvre ainsi à des matières connexes, comme la sociologie [14] ou l’histoire, cherchant à décrypter le monde qui l’entoure. « J’ai une soif d’apprendre et de connaître qui est illimitée », commente-t-il.

15Même si son parcours scolaire a pu le sensibiliser aux sciences humaines et à la philosophie, Seif s’est donc formé seul et compte essentiellement sur lui-même pour assouvir sa curiosité intellectuelle [15]. À la manière des autodidactes, il lit de façon boulimique et manifeste un intérêt « multidirectionnel » (Lahire, 1993) qui se traduit par des lectures hétéroclites, allant des « plus légitimes » (des ouvrages académiques en psychologie, philosophie, sociologie, etc.) aux « moins légitimes » (des sites internet sur la séduction, le football, le développement personnel, etc.). Son parcours présente également toutes les caractéristiques de celui des autodidactes, souvent marqué par les accidents biographiques (en particulier les crises familiales) et les situations de déclassement (Fossé-Poliak, 1990 ; Poliak, 2002 ; Boltanski, Maldidier, 1977). Ces épreuves expliquent que ces lecteurs atypiques soient « avides de culture parce qu’ils en attendent “autre chose” que ce que leur donne la vie » (Hoggart, 1970, p. 357). Enfin, ce n’est pas un hasard total si Seif se tourne vers la culture. En dépit de la situation socio-économique de sa famille, il dispose en effet d’un capital culturel conséquent. Son père est loin d’être un illettré (il a l’équivalent d’un bac + 2 et écrit parfaitement l’arabe). D’autre part, Seif a été imprégné par l’héritage de sa famille paternelle qui, en Algérie, faisait partie selon lui de la « haute société ». Il dispose ainsi autour de lui d’exemples de réussite économique mais aussi intellectuelle qui le distinguent des enfants de migrants peu qualifiés. Il a par exemple été beaucoup influencé par son oncle, un médecin, dont il aime rappeler qu’il a soutenu trois thèses, et par un cousin établi en France qui suit des études supérieures à l’université d’Assas [16]. En d’autres termes, certaines dispositions ont favorisé son appétence pour le savoir, constat que l’on retrouve chez de nombreux autodidactes (Fossé-Poliak, 1990).

16Au-delà de la fascination qu’il entretient pour le monde de la connaissance, sa passion pour la philosophie et les sciences humaines tient au fait que ces disciplines constituent pour lui une véritable « bouée de sauvetage ».

La lecture et le savoir comme « bouées de sauvetage »

17Seif lit avec un sentiment d’urgence pour se soustraire à un environnement violent et tenter de diminuer son malaise. « C’est quand j’étais en première que l’urgence de chercher quelque chose était irrépressible, écrit-il dans un mail. Je suffoquais. » De ce point de vue, on ne peut qu’être frappé par le parallèle avec Zina, jeune fille avide de lectures dont Abdelmalek Sayad retrace l’histoire (Sayad, 1995). Ces deux enfants d’immigrés sont amenés à se tourner vers la lecture pour contrer ce qu’ils subissent au sein de leur foyer parental. Zina ne parle presque plus à sa famille tandis que Seif passe le plus clair de son temps retranché dans sa chambre à naviguer sur Internet. « Je parlais moins à beaucoup de gens, confie-t-il. J’étais revenu plus vers moi-même. » Selon Sayad, la lecture permet à Zina de « garder la tête » et est pour elle « un acte salutaire, un acte de survie, un acte d’intégrité mentale, une sorte de thérapie contre des situations d’aliénation qui auraient pu, sans cela, conduire inévitablement à l’hôpital psychiatrique » (Sayad, 1995, p. 98). Seif estime lui aussi que la lecture lui est d’un grand secours : « Ça me donne de l’espoir. Ça me donne de la confiance », dit-il. Il relie ainsi sa pratique à un sentiment de fragilité psychologique et présente les textes comme une « nourriture » indispensable pour résister aux pressions morales qu’il affronte :

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« Je commençais à vachement m’abonner à Philomag, Psychologie, Management, Sciences humaines, tous ces magazines qui me nourrissaient, et c’est ça qui m’a aidé à me rééquilibrer, à travailler sur moi, à reprendre confiance, à me donner des nouvelles perspectives. »

19Les textes l’aident selon lui à « se fortifier mentalement » et constituent un soutien au quotidien. D’ailleurs, il préfère acheter des livres plutôt que de les emprunter à la bibliothèque afin de les avoir toujours chez lui.

20Surtout, si les sciences humaines le séduisent tant, c’est que ces disciplines sont en mesure de lui apporter des réponses et des repères que personne dans son entourage n’est susceptible de lui offrir. Par exemple, la psychologie est pour lui un outil pour comprendre une réalité douloureuse. Elle l’amène à s’interroger sur son passé familial et à décrypter les mécanismes ayant conduit à la situation actuelle. Cette démarche s’accompagne d’un recours à l’écriture. Il tient un journal intime dans lequel il prend des notes sur son quotidien, son ressenti et sa famille : « Je me rappelle que j’étais obligé de l’écrire. Ça a synthétisé pas mal de choses dans ma tête. » Selon Bernard Lahire, les pratiques scripturales et graphiques permettent à l’acteur de maîtriser symboliquement ce qu’il ne contrôlait pas jusque-là : « Journaux personnels et récits de soi sont, de même, des occasions de mettre à distance certaines scènes vécues et de faire travailler des épisodes de son expérience » (Lahire, 2008, p. 169). Chez Seif, la lecture et l’écriture remplissent cette fonction et le conduisent à revisiter son histoire familiale. Ainsi, il découvre qu’enfant, son père a été rejeté par sa mère en raison de la couleur de sa peau – plus foncée que celle de ses frères et sœurs – et que celle-ci le présentait comme le fils du voisin quand on lui posait des questions. Quant à sa propre mère, elle vient d’un milieu très modeste et a d’après lui toujours été dans une position d’infériorité par rapport à son mari. Ce contexte originel explique selon Seif la configuration qui a conduit son père à se comporter de manière violente avec les siens et sa mère à s’y résigner. À ses yeux, l’intolérable répond peu à peu à une certaine logique et les agissements paternels cessent d’être des actes de folie incompréhensibles. « J’ai éliminé le brouillard », dit-il. La psychologie l’aide aussi à mettre des mots et des images sur ce que l’absence d’un père aidant a entraîné pour lui. Il explique ainsi ses échecs personnels et ses inhibitions :

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« C’est l’empreinte du père qui va te donner l’arme. Par exemple, pour mon cas, moi je disais toujours que, dans la vie, j’avais un bouclier mais que j’avais pas d’épée. Tu vois, le bouclier, c’était ma mère qui m’avait donné ce qu’il fallait pour quand même me protéger. Mais j’avais manqué de cette force du père qui me transmettrait l’épée – c’est la représentation –, c’est ce qui représente aussi le côté offensif. Eh ben, il m’avait manqué ça. Donc, moi je ne me battais qu’avec un bouclier au final. »

22Confirmant le constat de Lahire selon lequel la lecture joue un rôle quasi « réparateur » à la suite de drames et permet de « donner du sens à ce qui est insensé et insupportable » (Lahire, 1993, p. 121), la colère et la haine de Seif diminuent et, au fil de l’enquête, il paraît en effet de plus en plus apaisé. Toutefois, s’en tenir aux bienfaits psychologiques de cette pratique serait réducteur car les sciences humaines sont aussi pour lui un moyen de tenter de changer son existence.

Se transformer et s’émanciper intellectuellement

23Marqué par les échecs et la souffrance de ses parents, Seif cherche à échapper à son milieu familial et social. Si Jean-Paul Sartre le séduit tant, c’est qu’il lui laisse entrevoir qu’une ouverture dans sa vie est possible et que tout n’est pas joué d’avance :

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« En plus, [Sartre] me parlait vraiment, parce que lui, il dit qu’on peut échapper à ses déterminismes. Parce que si on dit qu’on est déterminé, eh ben, c’est de la mauvaise foi [17]. Moi, ça me parlait beaucoup à l’époque. J’ai dit : “Mais bien sûr.” Tu vois, la culture volontariste. »

25Certes, il a aussi pris conscience des déterminismes sociaux qui pèsent sur son parcours au fil de ses lectures sociologiques, mais ces dernières permettent selon lui d’appréhender les choses avec lucidité : « Ça m’aide à comprendre le monde dans lequel je vis, la structure sociale et le cadre dans lequel les individus évoluent [18]. » En outre, savoir qu’il n’est pas un cas isolé et que sa condition est partagée le rassure.

26Dans son esprit, la lecture constitue dès lors un outil pour s’extirper des processus de transmission familiaux. L’objectif est de se libérer de l’emprise de son père, de ne pas être tel que ce dernier a voulu le façonner : « J’ai vraiment envie d’échapper à ce que j’ai pu recevoir de mon lien à travers mon père », dit-il. Il parle d’ailleurs de lui comme d’un « gourou » qui chercherait à exercer une « emprise mentale » sur ses proches. À travers la lecture, l’enjeu est de retrouver une liberté de pensée. Si, comme le dit Sartre, il n’y a pas de déterminisme, Seif peut être maître de lui-même et choisir sa destinée, mais il lui faut pour cela se « rééduquer », c’est-à-dire agir sur son propre fonctionnement psychique qui a tant été marqué par le lien paternel : « Si je lis tout ça, c’est pour mieux agir et interagir, écrit-il dans un mail. Ça permet de me rééduquer. » Cela explique qu’il se passionne pour les textes issus de la psychanalyse, de la psychiatrie, des neurosciences et de la psychologie, qui permettent de décrypter la manière dont fonctionne la psyché humaine. Il distingue ainsi les lectures qui aident à comprendre la société de celles qui sont utiles pour agir sur soi-même. Il écrit :

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« Je fais la distinction entre deux types de livre que je lis : ceux qui apportent une connaissance en général (des concepts, la matière, l’histoire, la société, etc.) et les livres sur l’esprit, l’être humain, les relations, les mécanismes de la psyché, etc. »

28À la question de savoir quels livres il emporterait s’il devait partir sur une île déserte, il répond qu’il favoriserait les seconds pour « étudier la relation avec [lui-même] ». Dans ses bagages, il emmènerait donc Souffrir ou aimer de Christophe Massin, La clé de la communication d’Andrew Newberg et Mark Robert Waldman et Pourquoi les autres y arrivent et pas moi ? de Gabrielle Rubin. Il cite également les livres de la collection “Histoire et management” des éditions Traits d’union, dont l’objectif est de faire le lien entre la théorie et l’action personnelle. C’est ainsi une vision appliquée du savoir qui prévaut chez lui puisqu’il privilégie des ouvrages pouvant l’aider à se transformer littéralement. En ce sens, sa pratique peut être rapprochée des « techniques de soi » (Foucault, 2001) visant à appliquer sur soi les instruments de contrôle, de gestion ou de mise à distance (Lahire, 2008).

29Selon Seif, la lecture a des effets concrets sur sa façon de penser et a modifié son rapport au monde. Il considère par exemple qu’elle a joué un rôle important dans son acculturation à la société française en l’amenant à découvrir la culture occidentale et à réfléchir « comme un occidental » :

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« Et je découvrais quelque chose de nouveau pour moi qui était de “penser la vie”. Alors qu’en Algérie, par exemple, on pense la vie à travers la religion, et même si tous ne respectent pas les préceptes, ça reste leur prisme de pensée et d’action. »

31Plus particulièrement, citant en exemple les livres de Swami Prajnanpad [19] qui lui ont fait prendre conscience que son sentiment d’appartenance à la communauté algérienne était avant tout une façon de se rassurer en se ralliant à un groupe, il estime que la philosophie lui a permis de s’émanciper intellectuellement. Il présente même ses lectures comme une forme de transgression des normes de ses parents et de la cité :

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« Je me rends compte que je transgresse des choses. […] Oui, voilà, on apprend à oser, à remettre en question, à expérimenter. Voilà, c’est ça. C’était “expérimenter”. J’ai dit : “On expérimente de nouvelles choses.” Et c’est ça que la philosophie préconise. »

33En d’autres termes, le savoir lui offre une nouvelle grille de lecture du monde [20], comme le communisme en fournit une à l’ouvrier autodidacte dont Claude Fossé-Poliak (1990) retrace le parcours.

34Ce constat permet de comprendre que cette passion de la lecture n’ait pas été bien perçue au départ par son entourage. Quand Seif envisage d’abandonner l’économie pour s’inscrire à la faculté de philosophie, son père s’y oppose catégoriquement en arguant qu’il doit s’investir dans « quelque chose de solide et réel », alors que cette discipline ne mène à rien de concret selon lui [21]. Pire, d’après Seif, il voit dans ces lectures un danger pour son autorité car il pressent qu’elles peuvent éveiller son esprit critique et l’amener à s’émanciper de l’emprise qu’il cherche à exercer sur sa famille. Quant à madame C., elle a également mis du temps à se laisser convaincre de l’intérêt de ce savoir qui, pour elle, appartient à un autre monde. Seif se souvient de sa réaction quand il lui a parlé de sa nouvelle passion : « Où tu vas t’aventurer dans ces pensées ?, lui a-t-elle demandé. J’ai l’impression que t’oublies d’où on vient. » Elle aussi y voit un danger car elle craint que ce type de lecture détourne ses enfants de la religion :

35

« Elle m’a dit : “C’est des choses qui t’éloignent de notre religion et tu vas finir par ne plus être croyant.” Surtout que je recommandais la philo pour enfants à ma petite sœur et mon petit frère. Elle avait peur qu’à cause de ça, ils aillent directement vers le chemin de l’esprit critique et qu’ils remettent tout en cause. »

36Ainsi, pour madame C., la psychologie et les sciences humaines risquent de nuire aux valeurs et aux traditions qu’elle essaie de transmettre à ses enfants. Cette attitude de défiance envers la lecture s’inscrit dans un contexte de migration qui conduit les parents à redouter que leurs enfants leur échappent et leur deviennent étrangers (Sayad, 2006). Sayad déclare que « la lecture devient le signe non seulement d’une rupture mais de l’allégeance à autrui, de l’identification à l’autre en ce qu’il a de plus spécifique ou encore d’une manière de “s’indigénéiser”, de “s’acculturer” ou de “s’enculturer” alors qu’on est encore et toujours allogène » (Sayad, 1995, p. 81). Les lectures de Seif sont donc vécues par son entourage comme une anomalie, un danger, voire une trahison.

37De surcroît, comme l’autodidacte qui devient incapable d’échanger avec les membres des catégories populaires dont il est issu parce qu’il se sent supérieur et a tendance à « regarder de haut » leurs attitudes et leurs manières (Hoggart, 1970), Seif peine à communiquer avec les jeunes de la cité. Sa nouvelle façon de concevoir le monde produit en effet un décalage avec ces derniers :

38

« Moi, j’ai façonné une pensée. Et du coup, je me confronte à ceux de chez moi, du quartier. Et eux, c’est ça qui est compliqué, certains ont des idées arrêtées sur… ben les clichés qu’on entend : “Ah l’État, ah la France, ah les Blancs, nanana.” […] Des fois, à la limite, moi-même, ils me voient comme un vendu, dans le sens : “Oui, mais toi, les Blancs, ils t’ont eu.” […] La façon dont j’expose mes idées, des fois je me dis, ben pour avoir des amis, il ne faudrait pas que je les expose. »

39De la même façon qu’après avoir appris par cœur un dictionnaire, Zina a une manière particulière de parler et d’écrire le français (Sayad, 1995), la façon de s’exprimer de Seif évolue. Au départ, ses lectures l’imprégnaient tellement qu’il parlait « comme dans les livres » : « J’avais un langage de livre en fait. C’est hyper drôle : je parlais comme je lisais. » De fait, son discours est parfois empreint de psychologie, discipline dont il utilise les termes et les images. Alors que, dans la cité, il est fréquent que ceux qui se distinguent de la majorité soient l’objet de remarques sarcastiques (Pialoux, 1979), on comprend que la volonté de Seif de se distinguer fasse l’objet de tensions. Aussi, en même temps qu’elles le libèrent, les sciences humaines le marginalisent dans son propre milieu. Comme le transfuge de classe qui se sent étranger à la fois dans son groupe d’origine et dans l’univers auquel il accède (Hoggart, 1970), Seif est dans une situation d’entre-deux inconfortable.

40À la suite de ses lectures, il se différencie donc à la fois de son entourage et de celui qu’il était avant : un garçon introverti, écrasé par les problèmes familiaux. Selon Bernard Lahire, la lecture peut modifier l’identité de celui qui la pratique et impliquer une distinction de soi par rapport à autrui, mais aussi une distinction de soi par rapport à soi (Lahire, 2004). Cela est sans doute particulièrement vrai pour les lecteurs qui recherchent dans les mots et les idées une échappatoire : ils tentent de se forger une nouvelle personnalité et une façon d’être en décalage avec le monde dans lequel ils évoluent et dont ils veulent se distancier.

Aider sa famille et franchir les barrières sociales ?

41Pour finir, à travers la lecture, en particulier d’ouvrages de psychologie, Seif cherche des solutions pour aider sa famille. Après avoir lu un texte, il tente d’en tirer des enseignements et se livre à des exercices appliqués :

42

« Il m’arrive souvent de mettre sur une feuille tous les noms de la famille et de regarder, et de voir comment peut être le lien entre ces deux personnes-là. […] Moi, mon souci c’est de voir à chaque fois les mécanismes qui régissent le foyer. »

43Il en vient à se penser comme le « psy de la famille » et met toute son énergie à favoriser ce qu’il appelle des « réajustements mentaux » chez ses proches. Au quotidien, il devient une sorte de conseiller pour sa mère, si bien que celle-ci a peu à peu changé d’avis par rapport à la psychologie et a même accepté de suivre une thérapie familiale. Il s’attache aussi à ouvrir l’esprit de son plus jeune frère et de sa sœur en empruntant pour eux des livres à la bibliothèque et en leur proposant des sorties culturelles (récemment, il a par exemple été avec eux au Salon du livre de Paris). À travers le savoir, Seif tente donc d’agir sur son entourage. Aujourd’hui, son influence dépasse même le cadre familial puisque ses copains lui demandent conseil pour faire face à leurs problèmes personnels (il organise avec eux de véritables séances de consultation dans son studio).

44D’autre part, la lecture lui permet de franchir certaines barrières sociales. Grâce à elle, il a fait des expériences et des rencontres qui auraient été impossibles sans cela. Un bon exemple est sa participation au jury du prix organisé par le journal Psychologies Magazine. Au départ, il avait hésité à postuler car il se sentait trop éloigné de ce monde. Son entourage ne manquait pas de lui rappeler cette distance. « Pour [ma mère], ça sonnait comme quelque chose d’inaccessible pour moi, se souvient-il. […] C’est pas des choses pour nous. » Pourtant, il tente sa chance et est sélectionné. Lors de la délibération au sein de la rédaction du journal, il se retrouve dans un milieu qui lui est totalement étranger : il est le plus jeune, le seul qui appartienne aux catégories populaires issues de l’immigration et c’est un homme, autant de caractéristiques qui le distinguent du lectorat classique du magazine, largement féminin, blanc et plus âgé. Le jour de la remise du prix, il fait la connaissance du lauréat, Christophe Massin, l’auteur de Souffrir ou aimer[22], un homme qui deviendra par la suite son psychiatre et qui joue aujourd’hui un rôle décisif dans sa vie. Ainsi, les lectures ne font pas que « divertir [23] » Seif, mais elles le font aussi sortir de son monde. Sa participation à des conférences, comme les déjeuners organisés par l’Association des professionnels en sociologie de l’entreprise (APSE), de même que son enthousiasme à l’idée de mener un travail au long cours avec une sociologue, témoignent également de cette soif de découverte et de cette envie d’accéder à des espaces éloignés symboliquement de la cité. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, pour ses études, Seif a quitté Courcouronnes pour s’installer à Paris, signe d’une quête d’« ouverture » et d’une volonté de redéfinir sa position dans l’espace urbain (Lagier, 2012). Il a aussi mis un point d’honneur à intégrer une résidence étudiante et non un foyer de jeunes travailleurs où il aurait côtoyé des jeunes actifs plutôt que des étudiants. Pour lui, il est en effet essentiel de s’entourer de personnes entretenant des liens avec le monde du savoir. Ce désir de s’acculturer à un autre univers le distingue donc radicalement des étudiants issus des HLM qui accèdent à l’université locale tout en continuant à vivre dans leur quartier. Alors que chez ces derniers l’acculturation à la vie étudiante ne se fait pas (Beaud, 2002), Seif met au contraire tout en œuvre pour qu’elle ait lieu.

45Son cas montre ainsi que la lecture peut être un outil efficace pour effectuer ce qui s’apparente à une véritable reconversion identitaire. Il est frappant que les étapes de sa « carrière » de lecteur soient assez similaires à celles identifiées dans d’autres processus de reconversion juvéniles, comme celui de la sortie de bande (Mohammed, 2012). Le « désistement » vis-à-vis de ces groupes s’organise pour Marwan Mohammed en trois phases. L’étape de la « conscientisation », caractérisée par l’acceptation et la projection d’un soi « hors bande », constitue une période d’introspection, son déclenchement étant à la fois le produit d’un processus long et d’un « déclic ». On a vu que Seif s’est trouvé en proie à de profonds questionnements sur lui-même, puis que sa « rencontre » avec Sartre a constitué un événement déclencheur. La seconde phase, celle de la « mobilisation », consiste en la mise en actes des résolutions et représente une prise de risques car les jeunes sont amenés à sortir d’un espace social qui les rassure alors qu’ils ne sont ni détachés de la bande, ni complètement ancrés ailleurs. Là encore, on retrouve cette étape dans le parcours de Seif qui se confronte à un nouveau milieu social et doit sortir de ce qu’il appelle « la zone de confort [la cité] ». Lui aussi fait face à cet « entre-deux » identitaire et se sent à la fois en décalage avec les jeunes de son ancien quartier et avec les étudiants de l’université. Enfin, la dernière étape, la « pérennisation », se caractérise par l’adoption d’un nouveau style de vie (nouvelles relations sociales, nouvelles normes et rapport moins pessimiste à l’avenir). Seif est aujourd’hui dans cette phase, comme en témoigne la poursuite de ses études, sa relation avec une petite amie rencontrée dans sa résidence et extérieure au monde de la cité, le fait que sa passion pour les sciences humaines soit devenue une source de reconnaissance (Honneth, 2000) de la part de son entourage, ou encore sa candidature à Science Po, signe d’une plus grande confiance en lui.

46Certes, il ne faudrait pas idéaliser le « pouvoir » de la lecture. D’une part, le rôle des institutions ne doit pas être négligé dans la trajectoire de Seif : sans les bourses, les aides financières ponctuelles [24] et le logement étudiant dont il bénéficie, il n’aurait pas pu venir étudier à Paris. Il est d’ailleurs très conscient de l’importance de ce soutien et manifeste volontiers sa reconnaissance envers l’État français. D’autre part, malgré sa soif de réussite, il peine à se faire une place dans l’univers auquel il aspire. Sur le plan scolaire, il a redoublé plusieurs fois pour obtenir sa licence, ce qui n’est pas étranger à ses problèmes familiaux. Lui-même avoue qu’il est difficile de rompre avec son passé et d’échapper à ce qui l’a constitué. Malgré tout, même si l’issue de sa scolarité reste inconnue à ce jour et si la lecture ne suffit pas à gommer les effets de ses origines, elle lui ouvre indéniablement l’esprit et le fait rêver à « autre chose », outrepassant les frontières sociales qui délimitent d’ordinaire l’« espace des possibles » (Bourdieu, 1992). En favorisant l’« ouverture sociale » (Mohammed, 2012) et en lui conférant des « capacités d’agir », la lecture favorise les changements identitaires nécessaires aux bifurcations biographiques.

Conclusion

47Si la diffusion d’une « culture psychologique de masse » (Castel, 1981) atteignant les catégories populaires (Schwartz, 2011) est établie, il apparaît que le besoin d’ouverture des jeunes confrontés à des situations de crise peut également les conduire à s’intéresser aux sciences humaines d’une façon plus générale et plus pointue. Le cas de Seif montre en effet que les sciences humaines et la philosophie constituent un recours précieux. Dans les milieux exposés à la violence physique et/ou symbolique, ces disciplines représentent un moyen de faire face (Potin, 2016). Elles sont des « armes » (Bourdieu, 1980) car elles favorisent la compréhension et permettent un travail sur soi, première étape dans un parcours de reconstruction identitaire. Plus encore, alors que l’expérience de Seif montre la nécessité de trouver des points de repère et, selon ses termes, de « penser la vie », elles sont susceptibles de fournir une grille de lecture du monde. Cependant, dans les milieux immigrés où la quête d’identité est souvent cruciale (Sayad, 2006), la lecture des sciences humaines constitue un acte transgressif dans le sens où elle s’oppose à la tradition. Pour les enfants de migrants, il peut donc être difficile d’assouvir sa soif de connaissances alors même que ce type de lecture est susceptible de les aider. Cela souligne l’importance de favoriser l’accès à la culture des catégories populaires.

48En même temps, il est frappant de constater que, pour Seif, la principale issue à sa crise familiale consiste à trouver des réponses en lui-même. Même s’il est reconnaissant envers les acteurs qui l’ont aidé dans son parcours personnel, comme certains enseignants ou le directeur de sa résidence, il n’estime pas vraiment que la société et ses institutions puissent lui être d’un quelconque secours dans ce domaine. Sans doute est-ce en partie lié à son histoire personnelle au cours de laquelle ces dernières se sont certes illustrées par leur action assistantielle (quand sa famille était sans domicile ou lorsqu’elles lui ont attribué des bourses et une chambre étudiante) mais aussi répressive (avec l’incarcération de sa mère et de son frère cadet), d’où une certaine méfiance. Claude Poliak relevait déjà que l’autodidaxie constituait le signe que les membres des catégories populaires vivent leur salut personnel sur un mode de plus en plus individuel (Poliak, 1992). Le recours aux sciences humaines pour faire face aux épreuves de la vie confirme cette tendance. Toutefois, la trajectoire de Seif met aussi le doigt sur la complémentarité entre la quête personnelle de savoirs et le soutien des institutions. Certes, ce sont au départ son désespoir et son sentiment d’abandon qui l’ont conduit à s’engager dans une « carrière » de lecteur, mais le processus qui aboutit à une « conversion » de lui-même n’aurait pas été possible sans l’appui de l’institution scolaire et le soutien matériel dont il a bénéficié. Ainsi, la question du rôle des institutions ne peut être évacuée, sans quoi la tentative de s’évader grâce au savoir et aux méthodes d’intervention sur soi reste un « pauvre jeu » (Paugam, 2002) qui ne change nullement l’ordre social.

Notes

  • [1]
    « 70 % des ouvriers n’ont lu aucun livre sur une année, contre 20 % des cadres supérieurs » (Source : www.inegalites.fr, Données INSEE 2012).
  • [2]
    Voir aussi le roman de Jack London, Martin Eden, en partie autobiographique, qui raconte l’histoire d’un jeune homme autodidacte avide de lecture.
  • [3]
    Dans un article sur les jeunes des cités, Michel Pialoux cite par exemple un extrait d’entretien réalisé avec un homme qui raconte sa désillusion du marché du travail à la suite de laquelle il s’est mis à lire de la philosophie et de la psychologie (Pialoux, 1979).
  • [4]
    La résilience est l’aptitude d’un corps à résister aux pressions et à reprendre sa structure initiale. En psychologie, il s’agit de la capacité à vivre, à réussir et à se réaliser en dépit de l’adversité.
  • [5]
    Le numéro d’urgence pour les sans-domicile fixe.
  • [6]
    Il devrait d’ailleurs bientôt être muté à Versailles à la suite d’une altercation avec un dealer qui a tiré des coups de feu dans son salon.
  • [7]
    Sur ce sujet, voir aussi Lagrange (2013).
  • [8]
    Tous les extraits cités sont issus des entretiens oraux avec Seif sauf quand il est précisé qu’il s’agit d’échanges par mails.
  • [9]
    Seif a fait partie de l’équipe de basket et du club de football de Courcouronnes.
  • [10]
    Pour Seif, la présentation de soi revêt une grande importance. Il s’est même rendu quelques fois à des rencontres de « dandys », des rendez-vous dans des bars où les participants arborent des tenues élégantes et partagent leur passion pour l’esthétisme. Il est attiré par cet univers qu’il décrit comme « raffiné », « subtil », ce qui l’oppose aux valeurs portées par les bandes qui valorisent au contraire la virilité et le « capital guerrier » (Sauvadet, 2006).
  • [11]
    Sa famille vient d’Algérie, une société sans tradition de lecture (Sayad, 1995).
  • [12]
    Il y en aura deux autres par la suite.
  • [13]
    Afin de sauvegarder leur réputation, ils se réunissent de façon informelle dans les parcs, au centre commercial, dans des fast-foods, etc. Chacun fait des lectures, puis il y a un « débriefing ».
  • [14]
    Lors d’une de nos rencontres, je le trouve en train de lire L’individu contemporain de Xavier Molénat (2014).
  • [15]
    Au lycée, les livres imposés par les professeurs l’intéressaient peu : « Ça restait scolaire », explique-t-il. Même pour l’épreuve de philosophie au baccalauréat, il s’est formé seul grâce à un Annabac. Par la suite, à l’université, les cours qu’il suit le laissent sur sa faim en ce qui concerne les sciences humaines, les matières enseignées portant essentiellement sur l’économie et les mathématiques.
  • [16]
    On retrouve ici l’importance de l’entourage dans les parcours des autodidactes (Cyrot, 2007).
  • [17]
    Voir Sartre J.-P., L’Être et le Néant, Gallimard, 1943.
  • [18]
    Quand je lui demande si les travaux sociologiques ont déjà suscité chez lui un sentiment de malaise en lui révélant par exemple sa position dominée dans la société, il balaye cette idée car, selon lui, quand il s’est mis à lire, il ne pouvait pas « tomber plus bas » et tout ce qui était susceptible d’expliquer sa situation était « bon à prendre ».
  • [19]
    Voir entre autres : Prajnânpad S., 1999, ABC d’une sagesse. Paroles choisies de Svâmi Prajnânpad, Paris, La Table ronde ; Prajnânpad S., 2006, Ceci, ici, à présent. Seule et unique réalité, Paris, Accarias-L’Originel.
  • [20]
    De ce point de vue, l’usage des livres de Seif se distingue peu de celui qui est fait des rares livres dans la cité, qui sont conçus comme des « guides de vie ». Selon Seif, ses amis lisent le Coran ou des manuels de développement personnel.
  • [21]
    Selon Sayad, pour les migrants, lire est une conduite totalement gratuite, sans utilité pratique (Sayad, 1995). Plus généralement, dans les milieux populaires, cette entreprise revêt les allures d’une « folie » aux yeux des proches qui ne se reconnaissent pas dans cette quête d’un savoir « sans fin et finalité » (Poliak, 1992).
  • [22]
    Massin C., 2014, Souffrir ou aimer. Transformer l’émotion, Paris, Odile Jacob.
  • [23]
    Sayad souligne la fonction « distractive » de la lecture : « […] distraire et se distraire, c’est-à-dire, au fond, se soustraire du monde clos de la famille et des préoccupations propres à ce monde. »
  • [24]
    Il a plusieurs fois bénéficié du Fonds national d’aide d’urgence (FNAU) grâce à l’assistante sociale de l’université.
Français

À partir du cas du cas de Seif, jeune homme de 21 ans issu de l’immigration qui a vécu dans une cité de la banlieue parisienne, cet article analyse le rôle que peut jouer la lecture d’ouvrages ou de textes de sciences humaines dans les situations de crise et de vulnérabilité. Confronté à un conflit familial aigu, Seif a fait de cette pratique une arme pour comprendre sa situation et pour tenter de se sauver lui-même ainsi que sa famille. Parallèlement, cela a changé ses relations sociales et sa manière d’être au monde. Il s’agit, à travers cette étude de cas, d’explorer le rapport aux sciences humaines de ces lecteurs particuliers qui cherchent dans les mots et les idées des solutions à leurs problèmes. Placés en « situation d’urgence », ils peuvent utiliser ces connaissances comme un véritable guide pour l’existence, ce recours étant en même temps révélateur de l’individualisation des problèmes sociaux.

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Pascale Dietrich-Ragon
Chargée de recherche à l’Institut national d’études démographiques (INED) et chercheuse associée au Centre Maurice-Halbwachs (CMH).
Thèmes de recherche : inégalités de logement ; conditions de vie des catégories populaires ; jeunes précaires.
A notamment publié
Dietrich-Ragon P., 2011, Le logement intolérable. Habitants et pouvoirs publics face à l’insalubrité, Paris, Presses universitaires de France.
Dietrich-Ragon P., 2015, « L’entourage des personnes en situation de précarité résidentielle. Force et faiblesse des liens sociaux dans l’exclusion du logement », Revue française de sociologie, vol. 56, p. 301-330.
Dietrich-Ragon P., 2017, « Aux portes de la société française. Les personnes privées de logement issues de l’immigration », Population, vol. 72, p. 7-38.
Mis en ligne sur Cairn.info le 14/02/2019
https://doi.org/10.3917/agora.081.0059
Pour citer cet article
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