CAIRN.INFO : Matières à réflexion

Introduction

1Devenir adulte quand on est attiré·e par les personnes du même sexe que le sien équivaut à transgresser les normes de genre dans une période de la vie qui précisément socialise l’individu à l’hétérosexualité et aux rôles de sexe, les définitions sociales de la masculinité et de la féminité demeurant étroitement associées à l’hétérosexualité. L’homosexualité expose ainsi à la marginalisation car si l’avènement du PACS a incontestablement contribué à une diminution des comportements homophobes, la réprobation sociale demeure présente : en 2005, 17 % des femmes et 27 % des hommes déclaraient, dans l’enquête Contexte de la sexualité en France (CSF), que l’homosexualité est « contre-nature » (Bajos, Belter, 2008, p. 259).

2Plus précisément, se découvrir homosexuel·le dans une période où l’on dépend encore matériellement de ses parents et où l’on est encore soumis à leur autorité revient à être exposé au risque d’une désapprobation parentale plus ou moins prononcée pouvant s’accompagner de violences ou d’une mise à la porte. Si la sexualité des jeunes est toujours l’objet d’un certain contrôle parental, il reste que devenir hétérosexuel·le n’expose jamais à la réprobation sociale.

3Cet article décrit le parcours de jeunesse de six jeunes femmes nées en France se définissant comme lesbiennes et dont les parents sont originaires d’un pays du Maghreb. Il examine comment la norme sociale de l’hétérosexualité d’une part et leur origine maghrébine d’autre part façonnent leur période de jeunesse et leur expérience de l’entrée dans la vie adulte. C’est dans le cadre d’une recherche sur les relations amoureuses, la sexualité et la gestion des risques d’infection par le VIH conduite auprès de soixante-dix jeunes femmes et hommes d’origine maghrébine que ces jeunes femmes ont été rencontrées (Hamel, 2003).

Modes de contact des enquêtées et origine sociale

4Seules six jeunes femmes se définissant comme lesbiennes ont été interrogées. Il faut dire qu’il n’existait pas entre 2000 et 2002 à Paris de « milieu beur lesbien » comparable au « milieu beur gay » : pas de cafés, pas de discothèques, pas d’associations spécialisées. C’est via l’espace de sociabilité lesbien parisien, lui-même moins structuré que le milieu gay, que je les ai rencontrées : les cafés (l’Unity Bar et Les Scandaleuses aujourd’hui devenu le 3W kafé), les soirées du vendredi des femmes du Centre gay et lesbien et les rencontres de l’association Mouvement d’affirmation des jeunes gays et lesbiennes (MAG). Les enquêtées ont de 18 à 23 ans et poursuivent leurs études ou sont en reprise de formation, mise à part Karima (23 ans) devenue comptable. Fadila a un niveau baccalauréat et passe à 23 ans un brevet de technicien-animateur avec l’objectif de créer un organisme de formation aux langues étrangères pour les jeunes enfants. Hafida a 20 ans ; elle a dû interrompre ses études en classe de première et travaille comme vendeuse pour un bouquiniste tout en souhaitant devenir décoratrice de théâtre. Zineb (22 ans) prépare une licence de sciences de l’éducation. Khadija (19 ans) suit une terminale professionnelle en communication graphique et pense prolonger ses études par un BTS en vue de travailler dans une agence de publicité. Fatima est à 18 ans en classe de terminale, option cinéma, et aspire à devenir photographe et cinéaste. Les caractéristiques sociales de leurs familles sont modestes et reflètent l’inscription des immigrés maghrébins de la génération de leurs parents dans le monde ouvrier : leurs pères travaillent dans le bâtiment ou l’industrie automobile, certains ont fait « tous les métiers possibles et imaginables : plombier, couvreur, livreur, agent de sécurité », tandis que leurs mères sont demeurées inactives. Leurs pères comme leurs mères ont été peu scolarisés et ont appris le français en France. Ces jeunes femmes ont grandi dans des familles nombreuses, comptant de trois à huit enfants.

La socialisation genrée et la sexualité : l’importance de la virginité

5La période de jeunesse est marquée par l’apprentissage progressif de la sexualité ou plus exactement de l’hétérosexualité. Cet apprentissage suit un calendrier généralement considéré comme normal par les parents. Aux premiers baisers des premiers temps de l’adolescence succèdent les premières caresses du corps puis le premier rapport sexuel génital vers 17 ans, tandis que la première expérience de vie en couple n’advient que bien plus tard, au-delà des 20 ans (Bozon, 2008). La socialisation des jeunes à la sexualité dans les familles maghrébines repose sur d’autres normes. Lors de cette enquête, j’ai constaté auprès des jeunes femmes hétérosexuelles à quel point la virginité féminine au moment du mariage était valorisée tant par les parents que par les filles et leurs frères. La moitié des vingt-trois interrogées revendiquaient leur attachement à cette norme, tandis que les autres en faisaient une vive critique. Mais pour toutes, elle représentait un sujet de réflexion ayant marqué leur période de jeunesse et leurs interrogations adolescentes sur la sexualité en ce qu’elle cristallisait des enjeux d’émancipation intergénérationnelle et de rupture avec les normes des sociétés d’origine de leurs parents (Hamel, 2006). Bien que cette norme soit peu respectée par les jeunes femmes d’origine maghrébine, elle aboutit néanmoins à une expérience plus tardive du premier rapport sexuel pénétratif (Lagrange, Lhomond, 1997). Notons que l’âge à la formation du premier couple stable (défini comme une cohabitation d’au moins six mois) est particulièrement tardif pour les jeunes femmes d’origine maghrébine, vers 24 ans (Hamel, Moguérou, Santelli, 2011), et en tous les cas plus tardif que l’âge au premier rapport sexuel, puisque, dans l’enquête Analyse des comportements sexuels des jeunes réalisée en 1993, 45,8 % des jeunes femmes d’origine maghrébine enquêtées déclaraient avoir déjà eu un rapport sexuel à l’âge de 18 ans (Lagrange, Lhomond, 1997). Par ailleurs, cette norme ne s’impose pas aux garçons.

6Pour les jeunes lesbiennes rencontrées, la virginité symbolise d’abord la socialisation différenciée des garçons et les filles dans leurs familles. Ainsi ces jeunes femmes ont découvert leur homosexualité dans un contexte où la socialisation à l’hétérosexualité et aux rôles de sexe est constamment rappelée par la valorisation du mariage et de la virginité, en même temps que la sexualité féminine est fortement contrôlée par ces normes.

Le rejet du sexisme masculin dans les flirts adolescents

7Toutes ces jeunes lesbiennes expliquent avoir « toujours » éprouvé une attirance pour les femmes et racontent leur « fascination pour la maîtresse d’école au primaire » ou pour la « copine de classe », ainsi que le premier baiser échangé avec une fille à l’adolescence sous prétexte d’apprendre à embrasser un garçon, sans qu’elles se perçoivent alors comme lesbiennes.

8En dépit de cette attirance précoce, et comme la plupart des personnes se déclarant homosexuelles, ces jeunes femmes ont, sous la pression de la norme sociale, débuté leur vie sentimentale à l’adolescence par des flirts hétérosexuels et en ont gardé un sentiment mitigé. Elles considèrent que leurs partenaires instauraient une relation de domination les infériorisant : Zineb estime qu’il y avait quelque chose de « violent » ou de « brutal » dans leur manière de l’embrasser ou de la toucher ; Khadija que leur façon de penser traduisait « une sale mentalité ». Elles déplorent qu’à l’adolescence les garçons avec lesquels elles jouaient volontiers étant enfants aient soudain porté un regard « différent » sur elles, qui les assignait à une position d’infériorité et les humiliait en les transformant en « proies sexuelles ». Fadila déclare ainsi :

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« J’ai jamais compris pourquoi les mecs se lançaient ces espèces de défis entre eux, du genre “celle-là j’arriverai à la sauter !”. Franchement, c’est tellement de mépris pour les femmes. C’est déplacé, non ? Alors j’me sens pas en sécurité avec les mecs. J’ai pas confiance. Pourtant, j’ai aussi eu des flirts avec des garçons charmants… »

10Zineb s’indigne du sexisme des garçons : « Franchement, les mecs, j’les trouvais vraiment d’plus en plus cons ! Eux, grandir, ça les arrange pas, hein ! » Ces jeunes femmes déclarent ainsi préférer la « sensibilité des filles », se sentir « plus en sécurité » avec une femme et plus en adéquation avec les intentions et la « nature des sentiments ». Cette critique du sexisme adolescent des garçons les a conduites à se méfier et se détourner d’eux dans leurs relations sentimentales et sexuelles.

11Cette critique se cumule avec un regard particulièrement aiguisé sur les inégalités familiales dans l’éducation entre garçons et filles, ainsi que sur les inégalités entre les sexes dans la société en général. Zineb regrette par exemple que les parents ne poussent pas leurs filles à faire des études. Toutes condamnent le rôle de « ménagère » imposé aux filles, l’injonction qui leur est faite d’obéir à leurs frères, ce à quoi elles se sont toutes vigoureusement opposées. Trois d’entre elles ont connu de surcroît des situations familiales marquées par la violence, ce qui leur fait porter un regard d’autant plus dur sur les statuts respectifs des femmes et des hommes. Karima s’est ainsi indignée au cours de l’entretien du mariage forcé de sa sœur aînée, mariage qui évolua finalement vers une union heureuse, mais elle se demande encore comment cette dernière « a pu accepter ça ». Fadila déplore que son père ait été un homme violent envers sa mère et que ses frères ne s’y soient jamais opposés, se satisfaisant de leur position de « petits rois » ; Khadija regrette que son père ait frappé régulièrement chacun des membres de sa famille jusqu’à ce que son frère aîné, muni d’un couteau, menace un jour de le tuer. Ainsi l’homosexualité de ces jeunes femmes s’est-elle rapidement inscrite dans un rejet global du sexisme et une recherche d’égalité et de sécurité physique dans leurs relations de couple.

Devenir lesbienne ou la découverte de l’anormalité

12Parallèlement à ces expériences plutôt négatives de flirt hétérosexuel, elles ont vu leur attirance pour les femmes se confirmer au cours de leur adolescence, tout en percevant que celle-ci ne correspondait ni aux attentes de leurs parents, ni à celles de leurs pair·e·s, ni à celles de la société en général. Toutes déclarent avoir mis du temps d’abord à mettre un mot sur cette attirance, puis à accepter ce qui constituait de fait une marginalité, comme le raconte Fatima :

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« Toute petite, je fantasmais sur mes profs en primaire et ça a évolué mais sans me dire “je suis lesbienne” parce que c’était impensable, inimaginable. Et je me suis mise à écrire ce qui me passait par la tête et là, je me suis dit : “Je suis lesbienne !” Mais sans pouvoir le prononcer à voix haute ou le dire à quelqu’un, parce que je ne connaissais pas de personne homosexuelle dans mon entourage. C’était un truc que je gardais en moi et qui m’oppressait. »

14Le processus d’identification de leur attirance pour les femmes va de pair pour chacune d’elles avec la découverte douloureuse de l’anormalité sociale de cette attirance :

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« Les souvenirs remontent à très tôt, 5-6 ans. Il y avait une fille qui m’accompagnait à l’école et je la regardais d’une manière… Je la contemplais. J’avais une admiration des femmes. Plus je grandissais, plus ça se transformait. À 8-9 ans, j’étais complètement amoureuse d’une camarade de classe mais je ne savais pas ce que c’était par contre. Mais je savais qu’il ne fallait pas le dire. Et après au collège, ça a posé problème. J’ai très mal vécu mes années collège, d’abord à cause de l’échec scolaire, parce que j’ai vraiment chuté par rapport à ma sexualité, parce que j’aimais sans pouvoir le dire. Je ne me sentais pas bien. Je me disais : mais pourquoi je ne suis pas comme les autres ? Et au lycée, j’ai commencé à sortir dans le milieu, à 17 ans. À partir de ce moment-là, je me suis dit : là, j’assume. Pas devant les autres, mais moi je m’assume en tant que lesbienne parce que je vais dans des endroits qui sont pour des homos. J’m’étais bien pris la tête au collège, j’ai pas mal tourné en rond. J’ai commencé une thérapie, qui ne m’a pas aidée d’ailleurs : le psy me disait que comme je n’avais pas eu d’expérience avec des hommes, je ne pouvais pas savoir si j’étais lesbienne… »
(Fadila.)

16Toutes ont fait état de périodes difficiles psychologiquement, liées à la prise de conscience de la dominance de la norme hétérosexuelle. Leurs témoignages sont ainsi particulièrement similaires aux sentiments éprouvés par les jeunes femmes homo ou bisexuelles qui, dans l’enquête Contexte de la sexualité en France (réalisée en 2005), sont 89 % parmi les 18-24 ans à déclarer « avoir été déprimées au cours des douze derniers mois, contre seulement 33 % des jeunes hétérosexuelles (Bajos, Beltzer, 2008, p. 262).

Devenir lesbienne ou la manipulation de la norme de la virginité

17Face aux incitations des adolescents et adolescentes de leur âge à avoir des flirts avec des garçons, ces jeunes lesbiennes se sont servies de leur identité « arabe » ou « musulmane » pour s’y soustraire. Ne se reconnaissant pas encore véritablement comme lesbiennes, elles ont pris prétexte de cette identité et en filigrane de la norme de la virginité pour expliquer aux autres, comme parfois aussi à elles-mêmes, leur désintérêt pour les garçons.

18Pour les jeunes femmes hétérosexuelles, transgresser la norme de la virginité s’est révélé une décision difficile souvent empreinte du sentiment de trahir leurs parents. Elle est aussi apparue comme une étape signant l’acquisition d’une indépendance morale et plus encore la réappropriation de leur corps dans un contexte où la norme de la virginité pose que le corps des femmes est une question qui regarde leurs parents, leur famille, leur futur époux et non pas seulement les femmes elles-mêmes (Hamel, 2003).

19Pour les jeunes lesbiennes, cette autonomisation morale s’est incarnée dans la décision de vivre leur homosexualité et de ne plus en avoir honte. Cependant, l’une d’elles a ressenti le besoin d’avoir une relation sexuelle avec un garçon pour précisément se « débarrasser » de sa virginité et du contrôle social qu’elle représente sur le corps des femmes :

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« Je l’ai fait avec un copain homo, maghrébin lui aussi. Il comprenait pourquoi je le faisais. Je voulais m’en débarrasser pour ne plus penser que j’étais lesbienne parce que mes parents m’empêchaient d’avoir un petit ami, mais que j’étais lesbienne parce que c’était ce que je voulais. »
(Karima.)

21Pouvoir choisir sa sexualité équivaut ainsi à s’octroyer un pouvoir de décision sur son propre corps, un pouvoir que l’on soustrait de fait à ses parents, un pouvoir plus durement acquis pour les filles que pour les garçons et plus saillant pour les jeunes femmes et hommes homosexuel·le·s que pour leurs homologues hétérosexuel·le·s.

Les premières sorties : un enjeu de l’acquisition de l’indépendance

22Obtenir ce pouvoir de décision sur sa sexualité commence par l’obtention préalable du droit de circuler librement à des horaires que l’on décide soi-même. Ainsi les sorties constituent-elles pour tout·e adolescent·e un enjeu important dans l’acquisition progressive de l’indépendance.

23Comme les autres adolescentes maghrébines, les jeunes femmes lesbiennes furent confrontées à la crainte parentale de la perte de leur virginité et durent affronter les interdictions de sortie qui en découlèrent. Mais à la différence des filles hétérosexuelles qui pour obtenir ce droit se sont surtout servies de leurs activités associatives, elles ont d’abord clamé qu’elles n’avaient pas d’attirance pour les garçons. Quatre d’entre elles affirment que leurs parents se sont ainsi montrés moins sévères avec elles qu’avec leurs sœurs, et que leur côté « garçon manqué » leur a permis de négocier une plus grande liberté. Zineb dit de son père : « Il sait que je suis une grande gueule, il voit que j’parle aux mecs et qu’j’leur réponds, donc il s’inquiète pas en fait. »

24En développant un habillement qui ne répond pas à l’injonction faite aux femmes de plaire aux hommes, elles ont aussi rassuré leurs parents quant à leur désintérêt pour les garçons. Quatre portent les cheveux courts et ont adopté un style vestimentaire sportif, voire masculin : l’une portait un pantalon treillis lors de l’entretien, une autre un pull marin. Les deux autres ont un habillement plus féminin et portent les cheveux longs, mais chacune arbore un piercing en forme de pointe au sourcil et à la lèvre, ce qui déclencha la réprobation de leurs parents.

25À cela, elles ont ajouté un discours de rejet du mariage rassurant pour leurs parents qui n’y ont vu alors que des phrases d’adolescentes indiquant un dégoût provisoire pour les garçons. Karima prend ainsi prétexte du mariage difficile de sa sœur pour déclarer à sa mère que « les mecs sont trop chiants » et qu’« il n’y en a pas un de bien » pour se marier. Fadila a dit à la sienne : « Ne t’attends pas à c’que j’me marie, parce que les garçons, c’est pas mon truc, hein ! », et sa mère lui a répondu en rigolant : « Mais tu veux finir bonne sœur ! » De ce désintérêt manifeste pour les garçons, elles ont tiré une certaine liberté, comme le dit Fadila :

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« Quand j’étais chez moi, je rentrais à des heures pas possibles, à l’aube. Ça, ça se fait pas pour une fille ! Mais c’est marrant parce qu’elle m’a toujours fait confiance en fait, rentrer tard, partir en Hollande, ça se fait pas pour une fille. Mais elle m’a laissée faire parce qu’elle avait confiance que j’irais pas avec des garçons. J’lui ai toujours dit qu’ça m’intéressait pas ! »

L’hétérosexisme dans la famille

27Si prendre la décision de vivre son homosexualité est une première étape dans l’acquisition de l’indépendance morale vis-à-vis des parents, faire connaître cette décision à son entourage en est une seconde, non pas forcément plus difficile moralement, mais en tous les cas plus risquée matériellement, car l’homosexualité demeure un impensé et souvent un impensable dans l’esprit des parents, quelle que soit d’ailleurs l’origine de ces derniers. Si d’après l’Enquête presse gay, les jeunes hommes homosexuels sont plus nombreux à révéler leur homosexualité à leurs parents en 2004 qu’en 1995, seulement 35 % des jeunes hommes de 16 à 20 ans et 43 % de ceux ayant de 21 à 24 ans déclarent que leur orientation sexuelle est connue et acceptée de leurs pères (Rault, 2011, p. 13). Malheureusement, on ne dispose pas de données équivalentes sur l’acceptation parentale du lesbianisme de leurs filles. Or, l’autorité morale que les parents détiennent sur leurs enfants, conjuguée au soutien financier qu’ils peuvent de fait suspendre en cas de désaccord profond, leur permet d’exercer diverses formes de pressions, qui peuvent de surcroît se cumuler à des comportements violents allant de l’insulte aux brutalités physiques, en passant par la rupture de communication inscrite dans un silence pesant ou encore la mise à la porte, comme en témoignent tous les ans les appels reçus par SOS homophobie (Boyer et al., 2010). Les jeunes femmes interviewées hésitent donc à révéler leur homosexualité à leurs parents.

28L’homosexualité féminine étant moins visible que l’homosexualité masculine, certains parents ne se la représentent tout simplement pas.

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« Pour ma mère, ça n’existe pas. Pour les hommes, elle sait que ça existe parce qu’il y a les insultes, mais pour les femmes, y’a pas d’insultes, donc c’est quoi ? Ça veut dire quoi ? Ça n’existe pas ! On a deux voisines qui vivent ensemble, elles sont lesbiennes, c’est clair, mais ma mère pense qu’elles sont ensemble pour payer moins cher de loyer, donc elle ne voit pas. Elle ne voit pas parce que ça n’existe pas. Y’a pas de place pour ça ! Donc vraiment, je ne peux pas dire ce qu’elle peut s’imaginer, mais certainement pas du bien. »
(Fadila.)

30Ce silence, loin d’être anodin, participe à la « contrainte à l’hétérosexualité » (Rich, 2010), dans la mesure où il réduit l’imaginaire des possibilités sexuelles des individus à des scénarios hétérosexuels et cantonne la sexualité féminine à l’inexistence. Certaines jeunes lesbiennes ont dès lors essayé de tester leurs parents ou leurs frères et sœurs.

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« J’ai fait une erreur, il y a un mois : j’ai emmené ma sœur de 17 ans au Pulp [discothèque lesbienne]. Elle aime bien le milieu gay. On attendait des amies et j’lui ai dit en confidence : “Alors, t’aime bien le milieu ?”, “Ouais, ouais, c’est bien, on s’éclate.” J’la testais un peu. “Écoute, j’vais t’avouer un truc : j’suis homo.” Elle m’fait : “Tu blagues ?”, “Non, j’déconne pas”, “C’est pas vrai ?” Elle l’a vachement mal pris, elle osait plus me regarder dans les yeux. Elle se sentait vachement mal, elle voulait partir. “Non, t’es pas lesbienne, dis-moi pas qu’t’es lesbienne !”, “Si”. Ça a duré une heure. Elle me regardait et tout de suite elle baissait les yeux. “Tellement ça m’dégoûte, faut qu’j’me tire !”, qu’elle me dit. Alors j’ai fait : “Non, j’plaisante !” Elle m’a crue. Elle m’a crue, j’étais trop contente ! “T’es conne ! Tu m’as fait peur ! J’ai vraiment cru qu’t’étais lesbienne, j’commençais à m’poser des questions !”, “Non, non, j’déconne ! J’suis hétéro ! ” Ça fait mal, même ta sœur t’accepte pas. » (Khadija.)

32Globalement, leurs familles perçoivent l’homosexualité comme le fruit d’une « mauvaise éducation », une « chose malsaine », « pas humaine », « contre-nature », une « grande honte », voire un « déshonneur », ce qui leur fait craindre le rejet familial. Les discours introduisent souvent une différence dans le degré de gravité entre le déshonneur induit par l’homosexualité masculine et la honte de l’homosexualité féminine (Hamel, 2002), mais concrètement, les lesbiennes ont exprimé tout autant que les garçons gays leur crainte d’être rejetées par leurs familles.

33La perspective de perdre l’affection de leurs parents fait qu’aucune n’envisage pour l’instant de le leur dire explicitement ; elles « assument » cette identité vis-à-vis d’elles-mêmes, mais estiment inutile pour le moment de la revendiquer auprès de ces derniers : plus cette annonce sera tardive moins les risques pour elles seront grands. En attendant, elles manifestent leur désintérêt pour les garçons et préparent ainsi leurs parents à l’idée de leur célibat perpétuel, tout en espérant qu’ils comprendront d’eux-mêmes. Elles savent que la revendication d’une identité lesbienne compromettrait leurs relations, voire les exposerait à des violences de la part de leurs parents ou des autres membres de leurs familles. Toutes ont connaissance d’autres jeunes gays ou jeunes lesbiennes ayant subi le rejet parental.

Un départ précipité du domicile parental

34Pour se protéger d’un mariage imposé et sortir de la position de vulnérabilité, elles ont mobilisé leur image de « garçon manqué » afin d’imposer leur départ du domicile de leurs parents, alors que ces derniers, soucieux de leur virginité, n’envisageaient pourtant le départ de leur fille que le jour de leur mariage. Quatre d’entre elles ont un logement indépendant. Deux d’entre elles viennent de villes de province et se sont servies du prétexte de leurs études pour acquérir cette indépendance résidentielle. Zineb a réussi à imposer de vivre dans un logement indépendant alors que ses parents résident dans la ville où se trouve son université. Fatima et Khadija, les deux plus jeunes, préparent leur départ : l’une attend d’obtenir son baccalauréat pour faire une école d’art à New York, tandis que l’autre met de l’argent de côté pour « partir » l’an prochain.

35Deux d’entre elles ont quitté le domicile familial de façon précipitée de peur de subir des violences. Hafida, âgée de 22 ans aujourd’hui, est partie de chez elle à l’âge de 16 ans : sa mère ayant découvert une lettre d’amour que lui avait envoyée son amie s’était mise violemment en colère, traitant sa fille de « perverse », l’accusant d’être « prise par le diable » et lui ressassant qu’elle devrait se marier plus tard. Terrorisée à la perspective d’un mariage forcé, identifié par elle comme un viol, Hafida s’est enfuie en Angleterre pendant deux mois, allant d’auberge de jeunesse en auberge de jeunesse, dans la peur d’être retrouvée par sa mère. À son retour en France, elle a été placée dans un foyer pour mineures et n’a plus revu sa mère depuis lors. À 18 ans, elle n’a plus été autorisée à résider dans ce foyer et s’est trouvée sans domicile, vivant dans la rue, ce qui a interrompu sa scolarité au niveau de la classe de première. Elle y a subi une agression physique grave (coup de couteau). Elle vit aujourd’hui de « p’tits plans pour s’faire d’la tune », loge chez des amis, en attendant de trouver une formation rémunérée dans la préparation de décors de spectacles.

36Quant à Fadila, qui décida un jour de ne plus cacher les tickets annonçant les soirées lesbiennes où elle allait, ni les cassettes vidéo des films lesbiens qu’elle visionnait, elle eut affaire à l’un de ses frères qui tenta de la frapper, mais ce dernier se garda d’informer leur mère espérant pouvoir ramener sa sœur dans le « droit chemin ». Il ne cessa de l’intimider, si bien qu’elle « rasai[t] les murs » dans la maison, de peur de le croiser. Il profitait effectivement de chaque moment où il se trouvait seul avec elle pour la harceler. L’atmosphère devenant insupportable et l’angoisse des coups déclenchant des cauchemars répétés dans lesquels son frère la tuait, elle choisit, à l’obtention de son baccalauréat, une formation dont l’organisation dans un cadre « européen » l’obligea à partir en Hollande pendant deux ans. Depuis lors, son frère s’est lentement plongé dans le mutisme : il ne lui parle plus depuis cinq ans.

37En l’absence de politique publique en faveur de l’autonomisation des jeunes (Van de Velde, 2007), les jeunes en danger dans leurs familles sont, dans le contexte français, exposés à une très forte précarité matérielle : le manque de qualification, ajouté aux discriminations faites aux femmes et aux personnes d’origine maghrébine sur le marché du travail, augmente la difficulté d’accéder à l’indépendance financière.

Vers une identité lesbienne de plus en plus affirmée

38Ces jeunes femmes ont pour la plupart attribué le rejet par leurs parents de l’homosexualité à leur culture musulmane ou maghrébine, avant de découvrir que des jeunes gays et lesbiennes d’origine française étaient confrontés au même rejet parental. Il faut dire que la société française se plaît à mettre en exergue et le sexisme et l’homophobie des groupes minoritaires, en même temps qu’elle se montre souvent aveugle vis-à-vis de son propre sexisme et de son homophobie. Ainsi, ces jeunes femmes ont-elles rejeté durant leur adolescence leur identité « arabe » ou « musulmane », celle-ci s’avérant dès lors incompatible avec l’affirmation progressive de leur identité lesbienne.

39Avoir une petite amie maghrébine leur a même semblé inenvisageable. Elles expliquent qu’elles auraient eu l’impression de sortir avec une « sœur » et que la proximité « culturelle » leur aurait trop rappelé leurs parents, si bien qu’il leur aurait été impossible de se sentir à l’aise dans leur sexualité. Elles ont ainsi dans les premiers temps de leur homosexualité privilégié les partenaires « françaises ».

40Avec le temps et une affirmation de plus en plus assurée de leur identité lesbienne, les plus âgées se sont en quelque sorte réconciliées avec leur identité « arabe » ou « maghrébine », tandis que les plus jeunes demeurent dans le rejet. Karima (23 ans) vit désormais en couple stable avec une jeune femme d’origine maghrébine et Fadila a rejoint l’association Amãl :

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« Amãl, c’était pour renouer avec mes origines. Maintenant, je me définis comme franco-maghrébine, alors qu’avant, je me disais européenne. En fait, j’ai jamais traîné avec des Maghrébines parce qu’elles étaient trop collées à la religion ou à leur banlieue… »

42Afin de rendre compatible son homosexualité avec sa « culture », Fadila a aussi décidé de faire une cérémonie de« PACS arabe » avec sa partenaire, qui est d’origine française. Cette cérémonie s’est déroulée dans une discothèque homosexuelle parisienne (Le Tango) lors d’une soirée leur étant spécialement consacrée. Elles ont défilé en robe de mariée marocaine devant leurs ami·e·s invité·e·s et la clientèle habituelle, un voile brodé et transparent sur le visage, entourées de nggãfat (les « habilleuses » qui officient dans les mariages au Maroc), puis se sont échangé les bagues, les dattes et le lait, comme dans une cérémonie de mariage marocain, mis à part qu’il ne fut pas récité de prières. Si les familles étaient absentes, les amis bien présents ont entonné des chants de mariage marocains.

Conclusion

43Ainsi, l’image que les sociétés occidentales construisent d’elles-mêmes, notamment en se présentant comme les pays de la liberté sexuelle, empêche ces jeunes femmes d’origine maghrébine de voir le système de contrainte à l’hétérosexualité en France et contribue à rendre psychologiquement plus difficile leur période de jeunesse. Or, les lesbiennes interrogées ont un parcours qui sur de nombreux points les rapproche fortement des lesbiennes n’ayant pas une origine maghrébine, notamment leur regard aiguisé sur le sexisme (Chetcuti, 2010). Elles ont aussi en commun avec les jeunes gays et lesbiennes en général d’être en situation de vulnérabilité sociale et de devoir franchir les étapes du passage à l’âge adulte plus rapidement pour se protéger des violences possibles ou simplement gagner en autonomie. Mais elles se distinguent aussi des autres jeunes lesbiennes par l’usage qu’elles ont fait du principe de virginité pour repousser la contrainte à l’hétérosexualité. Elles n’ont donc connu avec des garçons que des flirts sans sexualité pénétrative, de sorte que leur sexualité a été exclusivement lesbienne, ce qui correspond à un profil plutôt rare. Ainsi, paradoxalement, le principe de virginité en tant que norme sociale participant au contrôle de la sexualité des femmes se trouve ici transformé en mode de protection face à une hétérosexualité rendue quasi obligatoire par la pression des pairs. Finalement, à travers leurs parcours, on voit surtout à quel point la sexualité et sa maîtrise par les jeunes constituent une étape importante dans le processus d’autonomisation qui fait le passage à l’âge adulte. Ce constat général est particulièrement visible chez les jeunes homosexuel·le·s pour qui cette appropriation de leur sexualité requiert de s’opposer à la norme dominante de l’hétérosexualité et chez les femmes en général pour lesquelles la sexualité reste davantage contrôlée que celle des hommes, ce que met ici en exergue la question de la virginité.

Français

Résumé

Cet article décrit le parcours de jeunesse de six jeunes femmes nées en France se définissant comme lesbiennes et dont les parents sont originaires d’un pays du Maghreb. Il examine comment la norme sociale de l’hétérosexualité d’une part et leur origine maghrébine d’autre part façonnent leur expérience de l’entrée dans la vie adulte. Outre un regard acéré contre le sexisme, elles ont en commun avec les autres jeunes lesbiennes d’être en situation de vulnérabilité sociale et de devoir franchir les étapes du passage à l’âge adulte rapidement pour se protéger des violences possibles. Mais elles se distinguent par l’usage qu’elles font du principe de virginité pour repousser la contrainte à l’hétérosexualité.

Español

Volverse lesbiana: la trayectoria de mujeres jóvenes de origen magrebí

Resumen

Este artículo describe la trayectoria de juventud de seis mujeres jóvenes nacidas en Francia definiéndose como lesbianas y cuyos padres son originarios de un país del Magreb. Examina cómo la norma social de la heterosexualidad por una parte y su origen magrebí por otra parte forman su experiencia de la entrada en la vida adulta. Además de una mirada acerada contra el sexismo, tienen en común con las demás jóvenes lesbianas de estar en situación de vulnerabilidad social y de deber franquear las etapas del paso a la edad adulta rápidamente para protegerse de las posibles violencias. Pero se distinguen por el uso que hacen del principio de virginidad para rechazar la obligación a la heterosexualidad.

Deutsch

Lesbisch werden : der Weg junger Frauen nordafrikanischer Abstammung

Zusammenfassung

Dieser Artikel beschreibt den Jugendweg von sechs in Frankreich geborenen jungen Frauen, die sich als lesbisch bezeichnen und deren Eltern aus einem nordafrikanischen Land stammen. Er analysiert, wie die soziale Norm der Heterosexualität einerseits und ihre nordafrikanische Abstammung andererseits ihre Erfahrung des Beginns des Erwachsenenlebens gestaltet. Abgesehen von einem scharfen Blick gegen Sexismus haben sie etwas gemein mit den anderen jungen Lesbierinnen und zwar dass sie in einer Situation der sozialen Verwundbarkeit sind und die Stufen zum Erwachsenwerden schnell überschreiten müssen, um sich vor möglicher Gewalt zu schützen. Aber sie kennzeichnen sich durch die Art und Weise wie sie das Prinzip der Jungfräulichkeit benutzen, um den Zwang zur Heterosexualität abzuweisen.

Bibliographie

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Christelle Hamel
Sociologue, chargée de recherche à l’Institut national d’études démographiques (INED), unités de recherche « Genre, démographie et société » et « Migrations internationales et minorités ».
Thèmes de recherche : violences masculines envers les femmes ; mariages forcés ; sexualité, VIH ; racisme et discriminations racistes ; conjugalité chez les jeunes d’origine maghrébine et turque.
A notamment publié
Hamel C., « De la racialisation du sexisme au sexisme identitaire », Migrations Société, « Femmes dans la migration », nos 99-100, vol. XVII, mai-août 2005, pp. 91-104.
Hamel C., Milewski N., « Union Formation and Partner Choice in a Transnational Context. The Case of Descendants of Turkish Immigrants in France », International Migration Review, no 3, vol. XLIV, 2010, pp. 615-658.
Hamel C., « Immigrées et filles d’immigrés : le recul des mariages forcés », Population et sociétés, no 479, juin 2011, pp. 1-4.
Mis en ligne sur Cairn.info le 16/02/2012
https://doi.org/10.3917/agora.060.0093
Pour citer cet article
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