CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1Si l’apparition des « quartiers gays » dans les métropoles occidentales a suscité l’intérêt des médias et, depuis quelques années, celui des chercheurs en géographie et en sociologie, on connaît mal le point de vue des populations homosexuelles elles-mêmes sur ces espaces, sur leurs usages et leurs significations. Les travaux géographiques portant sur les quartiers gays ont essentiellement insisté sur leur rôle dans la recomposition plus générale des espaces métropolitains et de la centralité urbaine, en soulignant leur dynamisme économique et commercial mais aussi leur capacité symbolique à rendre visibles au cœur de l’espace urbain des identités sexuelles et des groupes sociaux longtemps restés invisibles (Whittle, 1994 ; Leroy, 2009). De telles approches ont contribué à faire émerger les quartiers gays comme territoires urbains spécifiques et comme objet de recherche relativement nouveau en sciences sociales, mais elles ont peu interrogé la manière dont les individus, gays ou non, pratiquent et investissent ces espaces urbains. Or, c’est à cette échelle plus microsociologique que nous souhaitons consacrer cet article. Il s’agit alors de s’interroger sur les relations entre quartiers gays, identités homosexuelles et âges de la vie en montrant comment l’âge constitue l’objet d’une construction sociale spécifique aux quartiers gays et aux parcours homosexuels. De ce point de vue, on montrera que la jeunesse est une valeur dominante dans les quartiers gays en même temps que ces derniers sont un espace de référence et de socialisation décisif pour les jeunes homosexuels. Si les entretiens montrent que le quartier gay constitue un lieu et un moment particuliers des parcours individuels, situé souvent dans les débuts des « carrières gays », ces débuts ne sont pas identiques et identiquement vécus chez tous les enquêtés. Les effets de génération et les inégales ressources socioculturelles viennent ainsi fragmenter l’idée d’une expérience homogène et univoque de la jeunesse homosexuelle.

Méthodologie

L’enquête conduite dans le quartier parisien du Marais et dans celui du Village gay de Montréal s’est déroulée entre 2005 et 2008. Elle s’est appuyée sur une méthodologie variée mobilisant plusieurs types de matériaux :
  • Des données quantitatives sur les commerces gays, la sociologie résidentielle des deux quartiers et les choix résidentiels d’un échantillon de population gay parisienne.
  • Des données d’archives sur la presse gay et généraliste à Paris et à Montréal depuis la fin des années 1970.
  • Des observations ethnographiques dans certains lieux, gays ou non, du Marais et du Village gay.
  • Des entretiens avec certains acteurs de la vie de ces deux quartiers : commerçants, anciens habitants, agents immobiliers et responsables associatifs.
  • Des entretiens plus systématiques et approfondis avec des gays âgés de 25 à 62 ans habitant ou ayant habité dans le Marais ou dans le Village gay au cours de leur vie (N=52) qui abordaient différents aspects de leur vie dans le quartier (logement, commerces, loisirs, voisinage) et de leurs trajectoires (professionnelle, résidentielle, familiale et biographique). Le recrutement étant toujours délicat dans ce genre d’enquête, il a mobilisé des canaux nombreux : annonces dans le quartier et sur Internet, réseaux d’interconnaissances et de voisinage, certaines structures associatives locales, gays ou non, en jouant sur l’effet « boule de neige ». Les prénoms des enquêtés ont été anonymisés.

Le quartier gay ou la promotion de la jeunesse

2Le Marais et le Village partagent le statut de quartier gay, à l’échelle de la métropole dans laquelle chaque quartier se situe (Paris et Montréal), mais aussi à une échelle plus large (nationale, européenne ou nord-américaine). Ce statut est le fruit d’une histoire récente qui, depuis le début des années 1980, a vu se développer, dans ces deux quartiers, un secteur commercial spécifiquement gay (bars, restaurants, boutiques, services spécialisés), des symboles de la présence urbaine homosexuelle (drapeaux, images, concentrations piétonnières) et une présence résidentielle gay difficile à objectiver mais non négligeable (Giraud, 2011). Derrière un modèle commun, les formes prises par le quartier gay diffèrent cependant en partie à Paris et à Montréal. Le Village correspond davantage au modèle nord-américain du quartier gay de type communautaire : un quartier étendu, aux frontières visibles et bien délimitées, de nombreuses institutions locales et spécifiquement gays (associations et syndicats, commerçants, centre communautaire), une identité homosexuelle fortement affichée, mobilisée et institutionnalisée dans l’espace public du quartier. Le Marais dispose d’un secteur gay plus limité géographiquement, aux frontières plus poreuses et moins marquées dans l’espace urbain. Le développement d’institutions et de structures à la fois locales et spécifiquement orientées vers les gays est nettement plus faible, la cohabitation entre différents groupes sociaux variés y est également plus manifeste et sujette à certaines tensions (entre commerçants gays et riverains par exemple dans les années 1990). Au-delà de ces variations locales, le Marais et le Village forment deux exemples de « quartiers gays » ayant participé à une renaissance urbaine plus générale des quartiers centraux de Paris et de Montréal depuis la fin des années 1970. En France, comme au Québec, ils constituent aussi des espaces urbains largement médiatisés comme des symboles de l’émancipation homosexuelle et de l’affirmation d’une visibilité collective nouvelle depuis quelques décennies. Mais l’enquête conduite sur ces deux terrains permet aussi d’interroger leur spécificité à une autre échelle que celle des images médiatiques et des représentations de sens commun leur attribuant par exemple le label de « ghetto homosexuel ». Le matériau produit montre notamment que les quartiers gays constituent, en premier lieu, des espaces de promotion d’un modèle de la jeunesse homosexuelle construit dans et par le quartier.

3Dans le Marais comme dans le Village, la question des âges occupe une place importante dans la manière dont les enquêtés décrivent et catégorisent les différents lieux du quartier et les populations qu’ils y observent et y rencontrent. Plus ou moins incorporées par les enquêtés, ces manières de situer des lieux et des populations par le biais de leur âge construisent la jeunesse comme un élément valorisant à travers le registre corporel, esthétique et sexuel. De fait, les enquêtés mobilisent souvent l’âge comme un élément structurant de leur rapport aux lieux gays, qu’ils s’y sentent « trop vieux » pour fréquenter de tels endroits ou qu’ils jugent « malsaines » la présence et les sollicitations des « vieux » à leur égard :

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« J’ai l’impression qu’on va te dévisager, te soupeser, qu’est-ce qu’il fait celui-là ? C’est qui ce vieux ? Je veux dire que bon moi si je vais au Raidd, on va se dire mais il est vieux lui, et c’est vrai, à côté de petits minets de 18 ans, bon, je suis pas à ma place, j’ai plus 18 ans donc je suis pas intéressant pour eux et puis j’ai vieilli quoi ! »
(Olivier, 50 ans, consultant stratégie bancaire, couple non cohabitant, Marais.)

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« Le Quetzal pour moi c’est malsain en fait, c’est juste malsain ! C’est des vieux libidineux là, des mecs de 50 ans qui te regardent avec un truc malsain, là, non j’aime pas, c’est trop de vieux pédés qui cherchent de la chair fraîche ! »
(Damien, 25 ans, stagiaire en marketing, couple cohabitant, Marais.)

6La fréquentation du « milieu gay » paraît souvent indissociable d’une capacité à maîtriser ses codes sociaux, corporels et sexuels. Elle révèle aussi la sanction qu’il exerce à l’égard d’un groupe, que chacun tend à tenir à distance de soi, pendant au moins un certain temps, celui des « vieux ». Ce type de jugements laisse apparaître l’importance d’une culture de la jeunesse très structurante dans de nombreux lieux gays du Marais et du Village. Elle prend appui sur les images, les modes de vie et les activités que consacrent les lieux gays les plus fréquentés et les plus visibles dans l’espace public du quartier. Les observations conduites dans certains bars gays du Village et du Marais montrent que les modèles corporels valorisés ici correspondent essentiellement à un corps maîtrisé, entretenu et non affecté par le poids des années. Fin ou musclé, ce corps se construit largement contre le vieillissement et ses effets physiques (poids, rides). Le développement d’une palette de commerces ou de services spécifiquement gays et orientés vers l’entretien du corps traduit aussi cette préoccupation essentielle de lutte contre le vieillissement et ses images dominantes (salles de sport, salons de bronzage, de coiffure et d’esthétique). Le jeunisme gay qui caractérise ces rapports au corps se diffuse dans les stratégies commerciales de nombreux établissements gays des deux quartiers (De Busscher, 2000). L’imagerie publicitaire de beaucoup de commerces se nourrit d’une homosexualité jeune, visiblement épanouie, et aux modes de vie hédonistes centrés sur les loisirs, les vacances et les sorties. Les lieux les plus « sexuels » du Village et du Marais proposent des tarifs réduits aux « jeunes », en général aux moins de 26 ans, pour entrer dans les saunas et les backrooms du quartier. Cette pratique révèle l’attrait sexuel que peut constituer une clientèle jeune et la manière dont cette valorisation de la jeunesse se construit largement sexuellement, le principal problème étant que « des vieux comme ça, ça fait bander personne », comme l’indique David (38 ans, cadre ressources humaines, couple cohabitant, Marais).

7Si nos enquêtés ont habité le Marais ou le Village à un moment donné de leur vie, ils l’ont surtout, la plupart du temps, connu et fréquenté bien avant d’y résider. Le quartier gay s’inscrit alors pour eux dans un horizon biographique plus large, celui de leurs « carrières gays ». En mobilisant le modèle interactionniste des carrières, on rend compte du caractère séquentiel des parcours homosexuels reconstitués en entretien (Becker, 1985). Les enquêtés y décrivent et y racontent des étapes et des passages qui amènent à devenir gay selon des apprentissages et une socialisation spécifiques (Pollak, 1982). Or, dans ce processus biographique, les lieux gays et le quartier gay constituent très souvent un lieu et un moment particulièrement cruciaux. La fréquentation et les pratiques du Marais et du Village relèvent d’un engagement plus intense dans les débuts de carrière, qui coïncident le plus souvent avec des âges jeunes, entre 16 et 35 ans. Souvent raconté a posteriori en entretien, cet engagement passe par une pratique intense des lieux gays du quartier, une présence quasi quotidienne dans le quartier, des rencontres foisonnantes entre gays et situées dans le quartier, et un investissement affectif du quartier :

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« C’était très intense cette époque parce qu’il y avait toujours quelqu’un pour proposer un party, pour s’en aller dans un pub, ou un bar, et c’était très socialisant, on était un gang élargi, on rencontrait beaucoup de gars à chaque fois, alors ça multipliait les sorties aussi, je passais mon temps à sortir là, je vivais la nuit. »
(Denis, 43 ans, barman, célibataire, Village.)

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« C’était un groupe avec un noyau dur, puis des cercles concentriques autour, au gré des amours et des rencontres de chacun, chaque membre du cercle ouvrait un peu vers d’autres cercles. »
(Emmanuel, 34 ans, comédien, célibataire, Marais.)

10Cet investissement intense semble relativement exclusif : le quartier, les modes de vie et les sociabilités qu’il génère tendent alors à « prendre le dessus sur le reste », comme le rappelle Denis. Il accompagne un effacement relatif de certaines habitudes, de certains lieux et de certaines relations passées, notamment la famille ou les amitiés non homosexuelles. La jeunesse constitue donc le« moment fort » de l’engagement dans le quartier, que cet engagement soit pratique, affectif ou identitaire. En revanche, la suite des carrières gays amène souvent à se situer et à vivre autrement. La plupart des entretiens montrent alors comment les changements biographiques et l’avancée dans le cycle de vie nourrissent une prise de distance vis-à-vis du quartier gay et des ressources qu’il avait pu fournir jusqu’ici. À partir d’un certain âge, variable selon les individus, un sentiment de lassitude se conjugue à l’apparition de nouveaux besoins et de nouveaux rythmes de vie qui éloignent d’un « milieu » tout autant social que spatial, et dont « on revient », y compris lorsque l’on réside dans le Village ou dans le Marais :

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« Si tu dépasses une certaine limite d’âge, c’est fini, et j’aurais pu devenir comme ça, j’ai rencontré mon ami au bon moment je pense et on s’est rencontrés dans un bar parce qu’on était décalés je crois, on a senti qu’on attendait la même chose, que c’était le bon moment. »
(Jérôme, 37 ans, directeur commercial, couple cohabitant, Marais.)

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« On rentre peut-être plus tôt, on est plus vieux aussi, donc c’est moins la sortie toute la nuit, mais c’est surtout parce qu’y a plus la drague donc du coup tu sors, mais c’est différent, tu sors en couple, avec des amis et c’est beaucoup moins drague forcément. »
(Stefan, 43 ans, cadre financier, couple cohabitant, Village.)

13La stabilisation conjugale constitue un facteur souvent décisif dans cette prise de distance et arrive à des âges relativement identiques (Schiltz, 1998). Mais c’est le rapport plus général à l’homosexualité et à son mode de vie qui semble se transformer avec l’âge (Adam, 1999). De nouvelles préoccupations apparaissent (le travail, la famille, les « vrais amis ») et le quartier gay est de plus en plus associé à des motifs de rejet : l’argent qu’on y dépense, la superficialité des relations qu’il procure, le temps et l’énergie qu’il exige lorsqu’on s’y investit. À travers la prise de distance avec le quartier, c’est aussi un mode de vie que l’on abandonne en vieillissant. Il correspond, pour les enquêtés, à une période révolue de leur vie ou à d’autres populations, plus jeunes qu’eux (célibataires, étudiants). Ces nouvelles aspirations reflètent aussi la mise en correspondance de leur biographie avec certains attendus normatifs du quartier gay. En affirmant que « si tu dépasses une certaine limite d’âge, c’est fini », Jérôme rappelle le lien qui unit l’investissement du quartier gay au fait d’être jeune. Si des enquêtés plus âgés peuvent continuer à fréquenter le quartier gay, ils soulignent que la vieillesse y constitue, cependant, un stigmate « normal » dans ce contexte :

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« Les jeunes n’aiment pas les vieux, c’est toujours comme ça, ça a toujours été comme ça, moi quand j’étais jeune j’aimais pas les vieux non plus, c’est normal. »
(Michel, 60 ans, employé, couple non cohabitant, Village.)

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« Qu’est-ce que je vais aller à Unity ? C’est que des jeunes, des drogués, des excités, je n’ai rien à faire là-bas, c’est plus pour moi. »
(Raymond, 62 ans, employé retraité, célibataire, Village.)

16Valoriser le fait d’être jeune et, en retour, dénigrer les « vieux » n’est pas spécifique aux quartiers gays. En revanche, la manière dont ces quartiers exacerbent la question des âges et amènent par exemple très tôt à se considérer comme « vieux » lorsqu’on est gay apparaît tout à fait singulière, chez des individus âgés d’à peine plus de 30 ans par exemple. De fait, il est donc difficile de s’en tenir à des repères ou des indicateurs classiques en termes d’âge pour identifier qui est « jeune » et qui ne l’est plus parmi nos enquêtés : la trentaine semble inaugurer très tôt l’entrée dans la catégorie des hommes âgés ou « vieux » et la fin brutale d’une période de jeunesse aussi sélective qu’éphémère. Or, cette acception restreinte de la jeunesse est bien plus liée à des enjeux de séduction et de drague qui s’affirment dans les lieux gays du Marais et du Village qu’à une définition biologique et physiologique de l’âge. De fait, les quartiers gays peuvent, davantage que d’autres espaces urbains et sociaux, constituer des marchés sexuels et conjugaux sur lesquels la valeur des individus est déterminée par leur capacité à séduire et à susciter le désir.

17La promotion de la jeunesse n’est donc pas seulement un mot d’ordre dominant localement ou une stratégie commerciale. Elle constitue un trait saillant des modes de socialisation par le quartier gay qui marquent les trajectoires et construisent un modèle de la jeunesse homosexuelle singulier. Si ce mot d’ordre dominant a bien des effets réels et concrets, il n’efface cependant pas des expériences variables et différenciées de la jeunesse homosexuelle, dans sa confrontation au Marais et au Village.

Des expériences différenciées : effets de génération et distinctions socioculturelles

18Un premier facteur de différenciation concerne l’inscription de ces parcours dans des époques et dans des générations gays différentes. Il amène à distinguer les expériences de jeunesse restituées par des enquêtés plus ou moins âgés au moment de l’entretien et qui n’ont pas découvert le Marais et le Village à la même époque.

19Pour les plus âgés, nés dans les années 1940-1950, le Village et le Marais apparaissent dans leur vie, vers l’âge de 30-35 ans, au moment où ils sont déjà, pour la plupart, entrés en homosexualité. Leur expérience du quartier gay est précédée d’une séquence biographique marquée par les risques, les menaces policières et les différents obstacles à franchir pour vivre leur homosexualité ou rejoindre un « milieu gay » qui n’est alors pas clairement situé et visible dans l’espace urbain, à Paris comme à Montréal (Demczuk, Remiggi, 1998 ; Jackson, 2009). Entre l’adolescence et la trentaine, ces enquêtés ont connu des expériences clandestines de l’homosexualité passant par des lieux de drague extérieurs (parcs, pissotières), des rencontres sexuelles et des expériences amoureuses situées aux interstices de lieux de socialisation plus traditionnels (travail, famille). Cette socialisation au secret marque durablement leurs représentations et leurs manières de vivre ; elle produit un sentiment fort d’appartenance à une communauté gay stigmatisée (Goffman, 1975 ; Pollak, 1982). L’émergence du Marais et du Village comme quartiers gays au début des années 1980 constitue alors une ressource investie sur le mode du « refuge » encore « marginal ». Ce contexte historique spécifique permet de comprendre l’idée d’un « bonheur dans le ghetto » pour cette génération ayant vécu une première jeunesse homosexuelle dans l’ombre (Pollak, 1982 ; Jackson, 2009). Ces trajectoires ont été marquées par un sentiment d’hostilité généralisée produisant une socialisation par les lieux gays, centrée sur la solidarité, la résistance et la gestion d’une identité indicible. Cela explique aussi l’incompréhension des plus âgés face au « mélange des genres » observé dans certains lieux et la manière dont les jeunes d’aujourd’hui vivent leur homosexualité :

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« Maintenant tu as des gars avec des filles dans le Village, tu t’en vas cruiser [draguer] un gars mais tu sais plus si le gars il est avec la fille, tu as des p’tits jeunes bien mignons là, mais tu sais plus si ils sont gays, mais avant, 99 % étaient gays, alors moi j’ai besoin de confiance pour emmener quelqu’un à la maison. »
(Raymond.)

21À partir du milieu des années 1980, une seconde génération d’individus, âgés de 35 à 50 ans, au moment de l’entretien, rencontre le quartier gay à des âges plus jeunes. Cette génération regroupe des « conquérants » au sens où leur investissement du quartier et leurs modes de vie participent à la conquête d’un espace mais aussi à celle de formes de liberté et de visibilité plus affirmées que par le passé (Schiltz, 1997). Les « conquérants » bénéficient d’une nouvelle donne que le quartier incarne durant les années 1980 et 1990 : un contexte plus « ouvert », plus « libéré » et plus « facile » et l’effacement progressif des peurs et des menaces. Les récits de cette jeunesse insistent sur des valeurs plus hédonistes, des injonctions à la visibilité et au déploiement d’un mode de vie gay plus affirmé :

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« On arrivait à la trentaine, le monde était pour nous, ce monde-là en tout cas, c’était lumineux, y avait plus rien de glauque, c’était l’ouverture, donc c’était assez euphorique et on se sentait forts parce qu’on était ici et qu’on était ensemble. […] Je suis arrivé dans cette génération qui voulait plus se cacher en fait, donc je comprenais pas cette idée de sexe glauque en fait, ou caché, ce côté on va se cacher et surtout faut pas qu’on nous voit. »
(Emmanuel, 34 ans, comédien, célibataire, propriétaire, Marais.)

23La jeunesse et l’engagement biographique dans l’homosexualité sont synchrones avec le grand moment d’effervescence des deux quartiers gays associant visibilité spatiale et visibilité sociale des homosexualités. La socialisation qui en résulte correspond bien à une conquête d’autonomie tout autant individuelle que collective et, au moment de l’entretien, le quartier gay reste perçu comme un lieu d’épanouissement ayant permis de vivre une « jeunesse heureuse ». Ces enquêtés ont intensément mobilisé le quartier à un moment donné de leur vie, y ont passé du « bon temps », mais, une fois leur compagnon rencontré, ils s’en sont souvent éloignés tout en appréciant le fait d’y habiter et d’y sortir de temps en temps. Le passage historiquement situé du « bonheur dans le ghetto » au « bonheur domestique », très bien décrit par Philippe Adam, est tout à fait pertinent de ce point de vue (Pollak, 1982 ; Adam, 1999). Pour cette génération, le quartier gay a surtout offert un cadre hédoniste pour vivre sa propre jeunesse homosexuelle en valorisant plutôt le plaisir, la culture et une convivialité plus festive que solidaire. Ces discours enthousiastes sur le passé permettent aussi de distinguer sa propre expérience de celle des générations suivantes :

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« C’était vraiment très particulier, les gens étaient simples, y avait des jeunes, des vieux, mais ça se prenait pas la tête, et puis y avait un certain truc culturel aussi, les gens étaient cultivés je crois, et ça, bon, ça fait toute la différence avec les pédales aujourd’hui. […] À part Mylène Farmer et Madonna, ils connaissent pas grand-chose et, voilà, moi j’ai pas été élevé dans ces références-là, moi j’ai d’autres références, d’autres modèles culturels en fait, mais tu le vois bien avec les jeunes, enfin je veux dire moi, tu dis à un mec “ben c’est comme telle chanson” et là il fait “hein, quoi ?”, et moi avec des gens plus âgés je vais avoir les mêmes références, tu vois, là bon Jean Gabin c’est qui ? »
(Jérôme, 37 ans, directeur commercial, couple cohabitant, locataire, Marais.)

25Ce dénigrement des « jeunes » fait écho à un troisième type d’expérience, celle des plus jeunes et des générations nées dans les années 1980. Pour ces derniers, le contexte est de fait fort différent. Le Marais et le Village constituent des institutions déjà visibles et reconnues comme telles lorsqu’ils s’engagent dans leur carrière gay. Les deux quartiers apparaissent plus tôt dans leur biographie, et pour ces jeunes gays, ils sont devenus des lieux incontournables. On observe alors un résultat paradoxal. Les plus jeunes enquêtés investissent le quartier gay beaucoup plus tôt dans leur parcours mais ne l’envisagent plus de la même manière : c’est un lieu « commercial » et banalisé dont les dimensions contestataires et politiques ne semblent plus centrales et dont l’existence paraît moins nécessaire. Leur jeunesse homosexuelle passe donc bien par le quartier gay mais se construit aussi ailleurs, en dehors d’un entre-soi homosexuel et au-delà d’un sentiment d’appartenance communautaire. Concrètement, nos enquêtés de moins de 30 ans mélangent davantage, au même âge, les sociabilités gays et non gays, les sorties dans le Marais ou le Village et en dehors, et surtout leur homosexualité semble moins structurante dans les modes de vie, les rapports au quartier et les pratiques quotidiennes. On y a surtout vu un effet des changements socioculturels au sujet des homosexualités et une forme d’institutionnalisation de la présence homosexuelle dans l’espace urbain et dans l’espace social. C’est ce qui explique l’incompréhension de certaines populations homosexuelles plus âgées vis-à-vis des jeunes et de leurs manières de vivre l’homosexualité, comme le fait de fréquenter le Marais et le Village :

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« Maintenant c’est un peu démerde-toi, y a plus de codes, y a plus de culture. Nous c’était une culture, une culture littéraire aussi, là y a pas de culture, c’est individualiste, c’est chacun pour sa gueule. »
(Sébastien, 41 ans, chef de projet marketing, couple cohabitant, Marais.)

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« Les plus vieux, notre homosexualité on la garde pour nous. Mes voisins n’ont pas à savoir ce que je fais. Les jeunes veulent que tout le monde le sache et y en a qui aiment ça, alors que moi, j’ai suivi mon chemin, mais j’ai jamais eu de problèmes parce que je faisais ma vie en cachette. »
(Michel, 60 ans, employé, couple non cohabitant, Village.)

28Les oppositions intergénérationnelles révèlent des socialisations homosexuelles plus ou moins cultivées et légitimes, individualistes ou solidaires, affichées ou secrètes. Les jeunesses homosexuelles d’hier et d’aujourd’hui se sont certes construites par le quartier gay, mais elles l’ont mobilisé différemment et celui-ci s’est transformé au cours du temps.

29Un autre facteur de variation de ces expériences de jeunesse renvoie à l’influence de ressources socioculturelles différentes. Globalement, l’investissement dans le quartier gay et l’adhésion aux modèles de la jeunesse qu’il produit sont d’autant plus massifs et durables que d’autres ressources font défaut et que d’autres modèles culturels sont plus effacés (Adam, 1999). Un tel résultat se traduit empiriquement par l’opposition entre, d’une part, des jeunes gays fortement investis dans le quartier gay et faiblement dotés en ressources alternatives (culturelles, familiales, professionnelles) et, d’autre part, des jeunes gays plus distants à l’égard du « milieu gay », aux positions et aux origines socioculturelles plus favorisées.

30Les jeunes gays qui fréquentent le plus les lieux gays du quartier sont aussi ceux qui sont issus des milieux les plus populaires et qui n’ont pas connu les ascensions sociales les plus fulgurantes. Ces enquêtés sont peu nombreux dans le corpus puisque celui-ci réunit des gays qui peuvent ou ont pu accéder à un logement dans ces deux quartiers aux loyers élevés au regard des prix moyens de l’immobilier parisien ou montréalais.

31Néanmoins, ces rares cas illustrent les attaches affectives et les adhésions aux normes du « milieu gay » local les plus fortes. Les lieux de prédilection sont ici les bars, les restaurants et les clubs à l’affichage homosexuel exclusif et très explicite, à la clientèle uniquement masculine et homosexuelle, et qui mettent en avant une culture homosexuelle plus commerciale et populaire qu’alternative (musique, décor, tenue vestimentaire). On a déjà décrit ces lieux comme des commerces gays à forte composante identitaire au sens où la clientèle s’y rend parce qu’elle est homosexuelle et que ces lieux, d’une certaine manière, le sont aussi (Giraud, 2009). Selon nous, on ne peut comprendre cet investissement et cet attachement que dans son contexte (Schiltz, 1997) : une homosexualité vécue comme un « problème » dans un environnement familial et social relativement hostile, une sociabilité aujourd’hui centrée sur le quartier et l’entre-soi homosexuels, des modes de vie marqués par une culture homosexuelle populaire (musique de variété, goûts culturels peu légitimes, notamment).

32Par opposition à ces formes d’investissement et d’adhésion à ce qu’il y a de plus gay dans le Marais et le Village, des enquêtés du même âge et de la même génération se montrent nettement plus critiques et distants à l’égard de ce « milieu ». Leur rapport au quartier et à l’homosexualité est caractérisé, au même âge, par des discours culturellement très distinctifs qui sanctionnent le « mauvais goût » (Bourdieu, 1979) de certains lieux et de certains publics :

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« C’est un truc de coiffeuses, pour la banlieue, et les coiffeuses de banlieue ou de province là, les trucs super beaufs là ! Non, je déteste ça ! »
(Boris, 26 ans, styliste en free lance, célibataire, Marais.)

34S’ajoute à cette critique de la vulgarité des lieux les plus gays une pratique sélective du Marais et du Village, dans des lieux mixtes aux ambiances plus intellectuelles et « alternatives » :

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« Le Duplex, c’est un bar très sympa puisque c’est un bar où on peut vraiment discuter avec les gens, la musique est atroce, mais on s’entend, donc on peut parler, les gens sont très ouverts, c’est très mélangé, c’est assez cosmopolite, ce qui est pas du tout représentatif de Paris je trouve, et c’est très agréable, tu rencontres plein de gens qui font plein de choses intéressantes dans la vie, qui sont intelligents aussi. »
(Boris.)

36Dans le Village, Denis a toujours fréquenté des lieux fétichistes. S’il s’agit de lieux exclusivement gays, ils occupent une place plutôt marginale dans le secteur du commerce gay et ne sont ni les lieux les plus ouverts, ni les plus visibles dans l’espace public. Derrière l’étiquette vestimentaire et corporelle du « cuir », Denis affirme surtout y avoir trouvé des publics « intello » qu’il oppose à ceux des lieux « branchés » :

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« Dans ma vie, j’ai eu plus de conversations de grande littérature et de philosophie dans les bars cuir et je ne l’ai jamais eu dans une boîte branchée, y a des bonnes chances que si tu rentres dans n’importe quel bar cuir au monde, j’peux te garantir qu’y a quelqu’un qui est intello là et c’est très facile de faire une conversation intellectuelle de haut niveau, j’ai toujours eu cette expérience-là, donc si tu veux rencontrer quelqu’un qui a lu Zola, t’as plus de chance de le rencontrer dans un bar cuir. »
(Denis.)

38Les conceptions et les manières de vivre son homosexualité sont ainsi rattachées à ses aspects plus alternatifs et plus éloignés des modèles dominants mis en scène dans les rues du Marais et du Village. Ces éléments rappellent l’effet de distances culturelles qui se maintiennent et qui opposent, de manière schématique, « Zola » ou « la philosophie » aux « coiffeuses de banlieue » et aux « trucs super beaufs ». Les individus concernés ont généralement fait des études plus longues, travaillent dans des secteurs différents (culture, journalisme, arts et spectacles) ou disposent de capitaux culturels très élevés [1]. Les rapports au quartier gay ne sont donc pas structurés seulement par l’âge ou l’appartenance générationnelle. D’une part, les jeunes gays interrogés n’ont pas tous les mêmes origines ni les mêmes ressources. Cela contribue à diversifier leurs manières de vivre le quartier gay et à se positionner, pour certains, à distance des normes locales dominantes, comme le montre le cas de Boris. D’autre part, l’avancée en âge et ses effets stigmatisants ne sont pas non plus équivalents chez tous. Pour certains, la possession de capitaux culturels et sociaux élevés et plus diversifiés permet de compenser en partie l’effritement d’un « capital jeunesse » ou d’en contester la valeur. Ce type d’enquêtés mobilise alors, à l’image de Denis, d’autres valeurs et d’autres référents homosexuels : la « marginalité », la « culture » et l’« alternative », par opposition au jeunisme et aux aspects « commerciaux » et purement récréatifs des lieux gays les plus « à la mode ».

39Étudier la manière dont les individus investissent, pratiquent et se représentent les quartiers gays permet de dépasser certaines images dominantes à leur sujet. Ces espaces ne constituent pas seulement des territoires d’émancipation ou de libération collective : ce sont surtout des espaces de socialisation où se construisent et s’élaborent des normes et des valeurs spécifiques. La jeunesse et ses attributs sociocorporels apparaissent notamment comme des valeurs fortement mises en scène et mises en avant dans ce contexte. Parallèlement, les parcours individuels montrent que la jeunesse constitue souvent le moment le plus intense d’investissements pratique et affectif du quartier gay, à Paris comme à Montréal. Mais les jeunesses homosexuelles ne se construisent pas toutes un même rapport au quartier. Toutes n’y vivent pas et n’y ont pas vécu leur jeunesse de la même manière, et toutes ne vivent pas non plus leur homosexualité de façon identique. « Être jeune et gay » prend ici des significations différentes selon les époques et les parcours sociaux individuels, selon la génération à laquelle on appartient et le type de ressources sociales et culturelles dont on dispose. À travers l’analyse de ces rapports au quartier gay, on comprend alors la spécificité des expériences de jeunesse homosexuelles, mais aussi leur diversité. De tels résultats montrent d’ailleurs que la coprésence d’individus partageant une même orientation sexuelle ne produit pas mécaniquement une communauté gay homogène, mais tend plutôt à exacerber certaines différences sociales, voire à redoubler l’effet de certaines propriétés sociales. La confrontation des âges et des générations gays dans un même espace accentue par exemple l’effet stigmatisant de la vieillesse et la perte précoce d’un capital de séduction pouvant structurer, ici plus qu’ailleurs, certaines interactions sociales.

Notes

  • [1]
    Si Denis est serveur dans un bar du Village, il a fait des études de géographie et s’est construit une culture aussi foisonnante que légitime l’amenant à des pratiques très distinctives (théâtre, lecture d’ouvrages de sciences humaines, musique classique).
Français

Résumé

À partir d’une enquête sur les quartiers gays de Paris et de Montréal, cet article interroge la place de l’âge dans les rapports des populations gays à ces espaces urbains singuliers. Si le Marais et le Village contribuent à construire un modèle valorisant de la jeunesse homosexuelle, la manière dont les jeunes gays pratiquent et investissent ces quartiers a beaucoup évolué depuis quelques décennies et révèle aussi des inégalités socioculturelles dans les manières de se vivre gay et jeune dans ces deux quartiers.

Español

Barrios gays y juventudes homosexuales en París y Montreal

Resumen

A partir de una encuesta sobre los barrios gays de París y Montreal, este artículo interroga el sitio de la edad en las relaciones de las poblaciones gays con estos espacios urbanos singulares. Si el Marais y el Village contribuyen en construir un modelo valorizante de la juventud homosexual, la manera cómo los jóvenes gays practican e invierten en estos barrios ha evolucionado mucho estas últimas décadas y deja también patentes unas desigualdades socioculturales en las formas de vivirse como gay y joven en estos dos barrios.

Deutsch

Homosexuelle Stadtteile und Jugend in Paris und Montréal

Zusammenfassung

Auf der Grundlage einer Untersuchung über die homosexuellen Stadtteile in Paris und Montréal hinterfragt dieser Artikel die Rolle des Alters in den Beziehungen der homosexuellen Bevölkerungen zu diesen besonderen städtischen Räumen. Die Stadtteile Marais und Village tragen zum Aufbau eines aufgewerteten Beispiels der homosexuellen Jugend bei, aber die Art und Weise wie die jungen Homosexuellen diese Stadtteile praktizieren und investieren hat sich seit einigen Jahrzenten stark verändert und zeigt auch soziokulturelle Ungleichheiten in der homosexuellen und jugendlichen Lebensart in diesen beiden Stadtteilen.

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Colin Giraud
Docteur en sociologie de l’université Lyon-II, professeur assistant à l’Institute of French Studies de New York University (New York) et chercheur associé au Centre Max-Weber (Lyon).
Thèmes de recherche : les dimensions spatiales de la socialisation, notamment au sujet des populations homosexuelles ; la gentrification des villes occidentales.
A notamment publié
Giraud C., « Les commerces gays et le processus de gentrification. L’exemple du quartier du Marais à Paris depuis le début des années 1980 », Métropoles, no 5, 2009 (en ligne sur http://metropoles.revues.org/3858).
Giraud C., « Enquête sur les lieux de résidence des homosexuels masculins à Paris », Sociétés contemporaines, no 81, 2011, pp. 151-176.
Dernière publication diffusée sur Cairn.info ou sur un portail partenaire
Mis en ligne sur Cairn.info le 16/02/2012
https://doi.org/10.3917/agora.060.0079
Pour citer cet article
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