CAIRN.INFO : Matières à réflexion

1L’article qui suit propose trois regards différents – ses auteurs les espèrent également complémentaires – sur l’œuvre de l’historienne Françoise Tétard (1953-2010), décédée brutalement l’an passé. Historienne de la jeunesse, des « jeunes qui vont mal » et des « jeunes qui vont bien », Françoise Tétard a ouvert de nombreux chantiers, inventé et sauvé des montagnes d’archives. Elle s’est intéressée à la jeunesse sous ses multiples aspects : la justice des mineurs, les politiques de jeunesse mais également l’éducation populaire, dont elle fut autant une actrice qu’une historienne. C’est donc à de nombreux titres qu’elle contribua à la revue Agora et plus largement aux activités de l’INJEP. Mais la chercheuse tournée vers l’action était également une femme hantée par la question des traces et de la mémoire : ses carnets intimes en témoignent. Face à une œuvre et une vie multiples, il était difficile de proposer une vision autre que partielle et éclatée. Mais un lien au moins réunit les trois aspects de la vie de Françoise Tétard évoqués ici : la certitude de la nécessité de l’histoire, comme science et surtout comme pratique.

L’histoire comme discipline [1]

2« Quand la science est placée tout à côté du politique (ou plutôt du ministériel ou de l’interministériel, si ça existe...), elle a des atouts pour jouer son rôle, mais elle a des difficultés pour rester originale. [...] À l’inverse d’ailleurs, pour me contredire moi-même, quand la science (ou plutôt les chercheurs) est trop isolée, elle n’arrive pas à être intégrée dans le débat social (par exemple en ce moment, j’aurais envie de rentrer dans le débat sur les “sauvageons”, que j’ai étudié sur deux siècles historiquement mais je n’ai aucun moyen de me faire entendre [2]). » Voilà ce qu’écrivait Françoise Tétard à Francine Labadie dans une correspondance à propos de la commission de concertation autour des questions de jeunesse dite « commission Charvet » (1998-1999). Cette tension entre « science historique » et « débat social » est en fait au cœur de la démarche de Françoise Tétard. D’une certaine manière, elle la résout en développant une double approche de l’histoire à la fois comme « discipline scientifique », mais aussi « méthode » d’éducation populaire.

3Son intérêt s’est d’abord porté sur les « jeunesses irrégulières ». Elles font l’objet de sa première publication dans les Cahiers de Vaucresson, revue publiée par le Centre de recherche interdisciplinaire de l’Éducation surveillée, actuelle Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) : « Fresnes, 1947 : la révolte des inéducables. » L’article porte sur la rébellion d’un groupe de jeunes filles enfermées à Fresnes qui avaient alors défrayé la chronique et interpellé fortement l’Éducation surveillée [3]. Cette inclination pour ces « inéducables », « enfants de justice », « blousons noirs », « arab boys » et autres « sauvageons » ne se dément jamais. Elle est largement cristallisée par l’entrée de Françoise Tétard au centre de Vaucresson, d’abord comme vacataire, puis en 1982 comme titulaire. Ce premier centre d’intérêt s’articule alors avec son « grand projet » : construire une histoire de la jeunesse dont elle esquisse le programme dans son mémoire de DEA, « Recherche exploratoire pour une histoire de la jeunesse (1930-1965) », présenté également en 1982. Projet tout à fait dans l’air du temps, il procède directement des préoccupations de ses « maîtres » : Philippe Ariès, dont elle suit le séminaire, a publié son Enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime en 1960, ouvrage qui a « inventé » l’histoire de l’enfance ; sa directrice de mémoire Michelle Perrot est alors engagée dans une histoire des femmes après s’être consacrée à l’histoire du mouvement ouvrier et du système pénitentiaire. Enfin, André Burguière, Christiane Klapisch et Françoise Zonabend, dont elle suit également un séminaire, s’attellent à une magistrale histoire de la famille qui paraîtra en 1986 [4]. Françoise Tétard ne manque pas d’ambition, d’autant plus que la période qu’elle choisit – le temps présent – n’est pas encore à la mode chez les historiens, surtout en histoire sociale !

4Même s’il n’aboutit pas, ce grand projet d’une histoire de la jeunesse continue de conditionner toute sa production d’historienne. D’une certaine manière, dans son mémoire de DEA, elle pressentait déjà l’impossibilité d’une telle histoire, du moins dans les termes où elle l’avait posée. Elle glisse alors insensiblement d’une histoire de la jeunesse à une histoire des jeunes à travers leurs institutions, mouvements et politiques, avec la volonté de toujours prendre en compte l’ensemble des jeunesses, celle « qui va bien » et celle « qui va mal », la jeunesse organisée (dans ses mouvements) et la jeunesse dite « inorganisée » (la plus grande partie).

5C’est à la thématique de la jeunesse irrégulière qu’elle a consacré ses travaux les plus aboutis, avec notamment Des éducateurs dans la rue. Histoire de la prévention spécialisée (La Découverte, 2006), publié avec Vincent Peyre, et son grand ouvrage, les Filles de justice, rédigé avec Claire Dumas (Beauchesne, 2009), consacré à l’éducation surveillée à travers le cas emblématique du couvent le Bon-Pasteur de Bourges.

6Très tôt, par ailleurs, elle s’est engagée dans un travail systématique autour de l’histoire des politiques publiques de jeunesse. Elle explore plus particulièrement deux thématiques : celle de la participation des jeunes et celle de la cogestion. Elle dessine surtout une histoire de ces politiques entre le régime de Vichy et l’époque mitterrandienne à travers un certain nombre de moments clés : « les velléités de jeunesse unique de Vichy » ; la Libération ; la partition entre culture et éducation populaire au début de la Ve République ; la mise en place par Maurice Herzog, haut-commissaire à la Jeunesse et aux Sports du général de Gaulle, de la cogestion ; la crise des institutions d’éducation populaire à l’épreuve de Mai 1968 et la création par François Mitterrand d’un ministère du Temps libre.

7Un troisième groupe important de travaux est consacré aux mouvements, associations et institutions d’éducation populaire. Françoise Tétard esquisse un certain nombre de monographies consacrées à des fédérations d’éducation populaire comme Culture et liberté, l’Union française des centres de vacances et de loisirs (UFCV), la fédération des Éclaireuses de France, le Comité pour les relations nationales et internationales des associations de jeunesse et d’éducation populaire (CNAJEP), le Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP). Cette approche monographique privilégiée renvoie au parti pris scientifique de Françoise Tétard reposant sur un double postulat : d’abord que relèvent de l’éducation populaire les personnes et les mouvements qui s’en réclament, ensuite que pour comprendre l’histoire d’un mouvement et la construire, on ne peut prendre comme point de départ que sa matérialisation dans des institutions ou dans une approche biographique. Elle a consacré à cette dimension de la recherche un temps important notamment à travers sa participation au Maitron, le dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et du mouvement social [5], et à l’animation du Groupe de recherche sur les militants associatifs (GRMA) créé avec Geneviève Poujol. Cette histoire de l’éducation populaire trouve son prolongement naturel dans toute une série d’articles consacrés à l’histoire des « cadres » et des professionnels.

8Au fondement même de l’ensemble de cette production, se trouve le refus assez systématique de toute approche synthétique qui explique le caractère protéiforme de son œuvre. Elle présente cette thèse de façon très argumentée dans son « Parcours auto-bibliographique » publié en 2001 que nous nous permettrons ici de citer largement : « Le terme “jeune” est un creuset de représentations sociales, qui varient et se multiplient selon l’endroit d’où l’on parle, la posture que l’on occupe, les circonstances dans lesquelles on se trouve [6]. » La jeunesse est insaisissable, même comme discours : « Rupture et continuité ont tendance souvent à se superposer, le structurel au long terme se combine avec le conjoncturel au court terme (le blouson noir perd son originalité événementielle pour redevenir un délinquant juvénile et rejoindre les invariants criminologiques). Et il devient alors très difficile d’avoir une prise sur cette jeunesse qui oscille dans nos esprits entre imaginaire et quotidien. » Françoise Tétard se retourne alors vers Philippe Ariès, la jeunesse, comme l’enfance, serait plutôt un « sentiment » dont on ferait l’histoire, mais il est tout autant insaisissable que le discours : « Ce sentiment de la jeunesse est à la fois très collectif et très personnel : on n’est pas jeune très longtemps. Quand on vieillit, il reste la mémoire de sa propre jeunesse, qu’on garde au fond de soi : mémoire diffractée, mémoire émotionnelle, mémoire affective. Comment en rendre compte [7] ? » Et de poser la question, paraphrasant Michelle Perrot s’interrogeant sur le silence des femmes : « Je n’allais pas travailler sur les jeunes en tant que tels, parce qu’ils me semblaient difficilement isolables, mais plutôt sur les politiques qui leur étaient adressées et sur les décideurs qui les avaient conçues et mises en œuvre. Par rapport à cette option, les archives étaient abondantes […] [8]. »

9Françoise Tétard a consacré une part importante de son temps à structurer un champ de recherche grâce à l’organisation de colloques, à la publication de leurs actes et à l’animation de séminaires, notamment dans le cadre des activités du Comité d’histoire des ministères chargés de la Jeunesse et des Sports, mais aussi pour le Conservatoire national des archives et de l’histoire de l’éducation spécialisée (CNAHES), le GRMA, le Pôle de conservation des archives des associations de jeunesse et d’éducation populaire (PAJEP). Elle a largement contribué à organiser les colloques « Histoires des cadres de jeunesse » (2003) avec Samuel Boussion, « Syndicats et associations » (2004) avec Danielle Tartakowsky, « Les châteaux du social » (2005) et le colloque « Maurice Herzog » (2008). Citons pour mémoire également les journées d’études organisées dans le cadre du Comité d’histoire des ministères en charge de la Jeunesse et des Sports : « Éducation physique et plein air au service de la santé des enfants 1918-1939 » (2007), « Bases de plein air et de loisirs » (2008), « L’État et le mouvement sportif. Entre ingérence et suppléance, 1945-1975 » (novembre 2009), « Opération mille clubs » (mars 2010). Elle participe également à « Jeunes & société en Europe et autour de la Méditerranée [9] », ce qui était à la fois pour elle le prolongement du travail engagé par une première association de sociologues sur ce thème, le Groupe des sciences sociales de la jeunesse, créée dans les années 1960, et une occasion de mise en perspective historique des questions abordées. Enfin, Françoise Tétard a soutenu de nombreux jeunes chercheurs, mais aussi des professionnels de la jeunesse engagés dans une démarche de recherche : dans un univers scientifique marqué par la concurrence, elle s’est toujours efforcée de maintenir des formes de solidarité, ce qu’elle appelait « l’amitié », qui participait de l’éducation populaire qu’elle entendait promouvoir.

L’histoire comme éducation populaire [10]

10« Si des militants d’éducation populaire te demandent de faire l’histoire de leur association, ne dis jamais non mais pose tes conditions. Et ne réponds jamais aux questions auxquelles on te demande de répondre (“quelles sont nos valeurs ?” ou “d’où venons-nous ?”). Propose tes questions et après négocie. » Voici en substance le conseil que donnait Françoise Tétard à un apprenti-historien : mettre ses outils au service d’une ambition collective, et recréer par la recherche une « association morale et intellectuelle d’égaux volontaires », belle formule de l’époque des universités populaires que Françoise Tétard aimait citer [11]. Refusant l’isolement du chercheur, mais combattant également l’instrumentalisation par les acteurs, elle cherchait à construire avec ces derniers une histoire, grâce à des méthodes que l’on peut qualifier d’« actives », mais qui reposaient d’abord sur les techniques et les outils de l’historien.

11À partir des années 1980, Françoise Tétard arpente donc l’histoire de l’éducation populaire. Ses travaux ont été précédés par ceux de quelques historiens, surtout pour le xixe siècle (Antoine Léon, Lucien Mercier, Jean-Paul Martin), et par ceux de la sociologue Geneviève Poujol [12]. Elle s’intéresse essentiellement à la période des Trente Glorieuses marquée par l’institutionnalisation. Face à une histoire-mémoire militante très prégnante pour cette période, elle fait d’emblée le choix d’un positivisme scrupuleux : priorité à l’archive sur le témoignage, y compris pour les périodes les plus récentes. L’obsession de la trace écrite, qui dans la vie courante lui faisait prendre en notes la moindre conversation, la conduit à dépouiller les procès-verbaux de tous les organismes officiels et officieux (Groupe d’études et de rencontres des organisations de jeunesse et d’éducation populaire [GEROJEP], CNAJEP…), mais également ceux des instances des associations ou encore les papiers confiés par de nombreux professionnels du secteur. Elle se trouve renforcée dans son goût de l’archive et dans sa méfiance des discours trop lisses. Cette méthode a prouvé son efficacité. Ainsi d’une découverte en apparence anodine – une liste d’associations émanant du ministère des Affaires culturelles –, elle a su tirer le fil qui lui permet de remettre en cause l’évidence de la division qui s’est imposée entre culture et éducation populaire à partir de la création du ministère d’André Malraux en 1959 [13]. Françoise Tétard a toujours fait preuve d’une méfiance instinctive vis-à-vis de la théorie et des modèles, ce qui explique son peu d’appétit pour le dialogue avec les sociologues ou les politistes qui travaillent sur le passé proche de l’éducation populaire. Cela constitue une des limites de son œuvre. Multipliant les chantiers, elle n’est pas non plus portée sur les synthèses : si elle est l’auteure d’innombrables publications, elle n’a publié que peu de livres et peu d’articles à caractère de bilan. Sans doute une part de coquetterie explique-t-elle ce refus de la synthèse, mais le facteur déterminant tient à ce que pour elle ce n’est pas le résultat mais le processus de recherche qui compte : sur ce point, elle rejoint les démarches d’éducation populaire. Refusant de capitaliser, elle a préféré explorer sans cesse de nouvelles pistes et surtout de nouvelles archives, « ses » archives, dont elle avait la passion.

12Très tôt, elle a saisi l’enjeu que constituait la préservation du patrimoine de papier des associations. Celui-ci s’entassait dans les caves, quand il n’était pas menacé de disparition rapide. De cette difficulté initiale, Françoise Tétard réussit à susciter deux réalisations exemplaires. Elle était convaincue que ces documents représentaient une richesse exceptionnelle, mais qu’ils ne pouvaient être sauvegardés que grâce à la mobilisation des militants. Un long travail donne naissance au Pôle de conservation des archives des associations de jeunesse et d’éducation populaire (PAJEP) en 2000 que Françoise Tétard initie, grâce à la mobilisation des militants, sur le modèle du Conservatoire national des archives et de l’histoire de l’éducation spécialisée (CNAHES)créé également à son initiative en 1994 :aujourd’hui des centaines de mètres linéaires de rayonnages abritent les archives des principaux acteurs et associations. Leur gestion est assurée par un organisme original, regroupant les représentants de différents ministères et du monde associatif : une formule de cogestion, chère aux organismes d’éducation populaire, qui permet de ne pas mettre les acteurs à distance. Les Archives de France ont même choisi l’éducation populaire comme secteur pilote en matière de collecte d’archives associatives. Qui aurait pu imaginer cela il y a seulement dix ans ? Mais le souci de Françoise Tétard n’était ni patrimonial ni purement scientifique. Elle pensait que les archives étaient une formidable matière première pour faire de l’histoire avec les responsables passés et actuels de l’éducation populaire. Loin d’être la part cachée du travail mystérieux de l’historien, elles devaient au contraire être dévoilées, exhibées : elles constituaient des sortes de trésors démocratiques, que les militants devaient respecter mais sans en être intimidés. Françoise Tétard adorait faire circuler des archives, sous forme de photocopies ou parfois même d’originaux, afin de faire sentir la matérialité de l’histoire et la possibilité pour tous d’y accéder. Mais pour accéder aux archives, expliquait-elle, il faut respecter certaines règles, qu’elle s’efforçait de dévoiler à ses interlocuteurs.

13Elle adorait partager ses découvertes, son amour de l’histoire, par goût des autres sans doute, mais également par souci professionnel : elle se faisait un devoir de transmettre. Elle a eu peu de succès du côté de ses collègues historiens de métier : elle a payé le prix de sa marginalité institutionnelle (« simple » ingénieure d’études au CNRS), et du désintérêt des historiens pour les questions éducatives. Les sociologues et les spécialistes des sciences de l’éducation l’ont davantage lue, ne lui tenant pas rigueur de son indifférence à leur égard. Mais si l’on mesure l’audience d’un chercheur au nombre de ses lecteurs ou de ses auditeurs, Françoise Tétard eut, grâce aux militants, grâce au public des écoles de travail social, une audience considérable, inversement proportionnelle à sa notoriété dans le monde universitaire. Ceux qui n’ont pas eu la chance de l’entendre, ni surtout de la voir en public ont manqué de beaux moments d’histoire, de beaux moments d’éducation populaire également[14].

Histoire de vie… vie d’historienne [15]

14Françoise Tétard était une femme d’archives… Tous ceux qui sont allés chez elle au 29 rue Gabrielle à Montmartre et qui ont monté les deux étages de son escalier en gardent un souvenir vertigineux ; une atmosphère qu’elle décrit avec humour par le biais d’une citation d’un livre de Philippe Beaussant, intitulé Le Biographe :

15

« L’histoire est ma vie. Je n’ai pas d’autre vie, je vis d’elle chaque jour, depuis toujours. J’ai amoncelé jour après jour ce rempart autour de moi de fiches, de notes, les voici à ma droite. Devant moi, derrière moi, jusqu’au plafond, livres, documents, photocopies, archives. »
(Gallimard, Paris, 1978, p. 130.)

16

« Mon œuvre. Ce mur d’écriture. Ce rempart, cette citadelle de papier. Un aquarium rempli d’ombres où les choses glissent sans se heurter. De loin en loin, à la lumière de mes lampes, naît un objet dans le silence. Rien ne peut couvrir la voix de l’ombre et celle de la grande horloge paysanne là-bas, qui bat son temps… »
(Ibid, p. 131.)

17C’est en ayant été chargé, selon ses dernières volontés, de sauvegarder sa propre citadelle de papier que je suis tombé sur une dizaine de cahiers, d’où sont tirées ces citations, qui pourraient ressembler au premier abord à un journal intime : des notes éparses parfois très personnelles qui s’étalent sur plus de dix ans de 1998 à 2010, renvoyant justement au malaise de l’historien parfois à la frontière du voyeurisme qu’évoque avec brio l’ouvrage de Philippe Beaussant. Ce serait sans compter sur le rapport très particulier qu’entretenait Françoise Tétard avec les traces et la postérité. Très souvent elle évoquait avec l’un d’entre nous ce qu’elle aimerait écrire plus tard quand elle aurait le temps, quand elle serait vieille, sur ses méthodes, sur sa façon de faire l’histoire, sur la manière d’appréhender les témoins, de traquer l’évènement dans l’actualité, et, malgré l’apparence hâtive et brouillonne de ces notes jetées sur le papier, ces écrits apparaissent très vite, quand on les lit attentivement, comme un premier canevas construit et destiné à des lecteurs qu’elle imagine explicitement, même si le ton reste léger et sans prétention. Malgré la difficulté qu’elle avait à se confier dans la vie de tous les jours comme elle le note dans ses cahiers après avoir reçu les confidences d’une amie – « Lui parler de moi ? Non, une autre fois. C’est elle qui parle. Je reste dans la discrétion de moi-même. » –, Françoise Tétard dans ses écrits a posteriori nous fait ainsi pénétrer dans son intimité tout en ménageant la nôtre, dans un équilibre parfois précaire.

18Chacune des petites notes de Françoise est ainsi soigneusement datée et les sources qui sont à chaque fois les déclencheurs de ses réflexions sont très précisément citées. Le fil conducteur de ses brèves observations est en effet presque toujours le même et illustre une de ses marottes dont elle avait fini par faire un de ses principes d’historienne. Elle part d’une phrase, entendue à la radio ou à la télévision ou encore lue dans un livre, pour s’interroger sur la fabrique de l’évènement, puis par ricochet pour rebondir sur ses choix et le métier d’historien et alimenter par confrontation avec l’actualité les sujets qui plus particulièrement l’intéressent.

19J’ai rangé ma sélection de morceaux choisis de ses notes dans plusieurs thèmes qui me semblent illustrer ses préoccupations, celles en tout cas qu’elle faisait partager.

20La fabrique de l’évènement. L’exemple choisi est un clin d’œil à l’actualité brûlante dont elle était si friande :

21

« Lundi 17 septembre 2001. [À propos des attentats à New York.] Georges W. Bush, nouvelle déclaration : “croisade”, “première guerre du xxie siècle”, “afin que nos enfants et nos petits-enfants puissent vivre en paix”, “mort ou vif”, “il est recherché”. C’est le western en plein.
L’historien a-t-il une acuité particulière face aux infos qui défilent ? Peutêtre, en tout cas, il analyse rapidement la construction du discours, la mise en scène improvisée. C’est son métier. L’historien, c’est comme s’il avait déjà vu les guerres qu’il a étudiées, même s’il ne les a pas vécues. Il a une intimité, une proximité au “sentiment” de guerre. Parce qu’il a rencontré des gens qui lui ont raconté, parce qu’il a lu des archives… La délinquance depuis cinq jours a baissé de 30 % à New York. L’insécurité mondiale apporte donc de la sécurité urbaine ? »

22Les invariants de l’histoire. Une notion qui lui donnait le tournis dans ses recherches sur la délinquance juvénile tout en exerçant sur elle une fascination :

23

« 12 janvier 2002. Vu à la télé à 13 h 30 : L’Hebdo du médiateur. Dans le reportage sur les voitures brûlées, reportage annuel où se décompte le nombre de voitures brûlées à Strasbourg à Noël, chacun se défend (y compris le journaliste) de “jouer le jeu”. Terme de “quartier sensible”.
Je passe sur la 1, reportage sur les flics (policiers) en dépression. La formation de jeunes policiers est filmée : contact avec un psychologue, jeu de rôle, yoga pour se déstresser. Le prof : “Chacun est sensible. Moi-même je suis un être sensible. Il faut rester sensible, c’est important.”
Des flics “sensibles” dans des quartiers “sensibles”. Alors tout va bien ! ? »
« 30 janvier 2002. À la veille des élections, on compte, on compte… Un indice démocratique ? On compte… le nombre de délinquants. Mais là, nul n’est besoin de compter puisque, de toute façon, il est en hausse dans tous les esprits. On mélange, comme d’habitude, le nombre d’affaires jugées, et le nombre de délinquants, qui deviennent forcément “juvéniles”. On compte même la violence scolaire ! Avec un nouveau logiciel, SIGMA. C’est exactement le schéma que j’avais proposé dans Le Mascaret[16] »

24Les mécanismes du récit et de la mémoire : tout en n’étant pas une adepte de l’histoire orale, elle s’interrogeait constamment sur leur fonctionnement, leur « mise en bouche ».

25

« 4 juin 2000. Sur France Inter, 12 h-13 h, invitée Ariane Mnouchkine qui dit à propos d’un séjour en Angleterre où elle a rencontré Ken Loach : “Je m’en souviens… comme si c’était la semaine dernière !” Ma réflexion sur la mémoire, comment elle fonctionne : des zones de flashes très limpides où tout se joue, où tout se croise. Alors on se souvient de tout, et toujours on y revient. On pourrait appeler cela “des nœuds” de mémoires. Comme une boule de fil où les fils s’emmêlent et, quand on les tire, tout se dénoue. »
« 10 juillet 2001. “Le présent du récit.” Ce changement de temps me frappe. Quelqu’un commence une histoire narrant le passé, à l’imparfait. Et puis la densité du récit, l’affectif personnel, l’émotion de la narration et… on passe au présent. Et puis le récit se réinstalle avec ses digressions, ses commentaires, ses interprétations, et on revient à l’imparfait. Est-ce que cela a été étudié en linguistique ? »

26Histoire de soi

27

« 1er octobre 2001. [Réflexion personnelle.] Quand j’étais petite, je n’aimais pas la Vache qui rit, parce qu’une “vache qui rit” ça n’existe pas. J’aimais la “vache sérieuse”, parce qu’une vache, c’est toujours sérieux. J’aimais l’idée de la réalité… De la même façon, je pleurais à l’Opéra quand, après la tombée du rideau, les acteurs, morts dans le livret, se relevaient. Ça me mettait hors de moi. Est-ce pour cela que j’ai fait de l’histoire ? Mais l’histoire n’est pas la réalité, c’est des interprétations du passé, ce qui n’est pas du tout la même chose. »
« Début 2009. Un essai que je pourrais un jour écrire. Le temps de l’historienne : “Je suis historienne et j’aime ça. Je suis en lutte avec le temps. Le temps de quand je suis en retard. Le temps de vivre et de ne pas vivre. Le temps chronologique que j’étudie. Le temps non chronologique de ma propre vie.” »

Notes

  • [1]
    Cette première partie a été rédigée par Jean-Claude Richez.
  • [2]
    Lettre de Françoise Tétard à Francine Labadie, commissariat au Plan, 4 février 1999 (archives de Francine Labadie).
  • [3]
    Afin de ne pas surcharger le texte, les références bibliographiques figurent dans la liste des travaux de Françoise Tétard, élaborée à la fin du texte.
  • [4]
    Burguière A. et al. (dir.), Histoire de la famille, Armand Colin, Paris, 1986.
  • [5]
  • [6]
    Tetard F., « “L’avantage avec la jeunesse, c’est qu’elle ne vieillit pas…” Parcours auto-bibliographique », Les jeunes de 1950 à 2000. Un bilan des évolutions, INJEP, Marly-le-Roi, 2001, p. 289.
  • [7]
    Ibid, p. 290.
  • [8]
    Perrot M., Une histoire des femmes est-elle possible ?, Rivages, Marseille, 1984.
  • [9]
    Initiative portée par le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (CEREQ), le Laboratoire d’économie et de sociologie du travail (LEST/CNRS) et l’INJEP.
  • [10]
    Cette deuxième partie a été rédigée par Laurent Besse.
  • [11]
    Séailles G., Le siècle, 1er mars 1900, in Poujol G., L’éducation populaire : histoires et pouvoirs, Éditions ouvrières, Paris, 1981.
  • [12]
    Jean-Paul Martin et Lucien Mercier pour le tournant du xixe siècle et les specialists d’histoire religieuse pour les initiatives d’éducation populaire d’inspiration religieuse.
  • [13]
    Tétard F., « L’éducation populaire : l’histoire d’un rattachement manqué », in Poujol G., L’éducation populaire au tournant des années 60, INJEP, no 10, Marly-le-Roi, 1993.
  • [14]
    Il reste à espérer que les enregistrements de ces moments ont été conservés et qu’ils seront valorisés par les fédérations d’éducation populaire.
  • [15]
    Cette troisième partie a été rédigée par Mathias Gardet.
  • [16]
    Tétard F., « Punis parce qu’inéducables. Les “inéducables” comme enjeu des politiques correctives depuis le XIXe siècle », Le Nouveau Mascaret, Revue régionale du CREAHI d’Aquitaine, nos 51-52, 1998, pp. 35-46.
  • [17]
    Sélection de Jean-Claude Richez. Une bibliographie établie en 2007 par Françoise Tétard recensait 92 publications.
Français

Résumé

Cet article propose trois regards différents sur l’œuvre de Françoise Tétard décédée en 2010. Historienne des « jeunes qui vont mal » et des « jeunes qui vont bien », elle a ouvert de nombreux chantiers et inventé des montagnes d’archives. Elle s’est intéressée à la justice des mineurs, aux politiques de jeunesse mais aussi à l’éducation populaire, dont elle fut aussi une actrice. Face à une œuvre et une vie multiples, il était difficile de proposer une vision autre que partielle et éclatée. Mais un lien au moins réunit les trois aspects de sa vie évoqués ici : la nécessité de l’histoire, comme science et comme pratique.

Español

Françoise Tétard o la historia como práctica

Resumen

Este artículo ofrece tres miradas distintas sobre la obra de Françoise Tétard fallecida en el 2010. Historiadora de los “jóvenes que van mal” y de los “jóvenes que van bien”, abrió numerosos talleres y creó un sinfín de archivos. Se interesó por la justicia de los menores, las políticas de juventud pero también la educación popular, en la cual también actuó. Frente a una obra y una vida múltiples, era difícil proponer una visión que no fuese parcial y desmembrada. Pero un vínculo por lo menos auna los tres aspectos de su vida evocados aquí: la necesidad de la historia, como ciencia y como práctica.

Deutsch

Françoise Tétard oder die Geschichte als Praxis

Zusammenfassung

Dieser Artikel schildert drei verschiedene Betrachtungen des Werkes von Françoise Tétard, die 2010 gestorben ist. Historikerin der « Jugendlichen denen es schlecht geht » und der « Jugendlichen denen es gut geht », hat sie zahlreiche Studienfelder eröffnet und Archivberge erfunden. Sie hat sich für die Justiz der Minderjährigen interessiert, für die Jugendpolitik aber auch für die Volkshochschulen und die Volkserziehung, wo sie auch aktiv mitgewirkt hat. Angesichts der Vielfalt ihres Werkes und ihres Lebens war es schwierig, etwas anderes als eine partielle und zersplitterte Betrachtung vorzuschlagen. Aber ein Bindeglied wenigstens vereint die hier erwähnten drei Aspekte ihres Lebens: die Notwendigkeit der Geschichte als Wissenschaft und als Praxis.

Español

Françoise Tétard o la historia como práctica

Resumen

Este artículo ofrece tres miradas distintas sobre la obra de Françoise Tétard fallecida en el 2010. Historiadora de los “jóvenes que van mal” y de los “jóvenes que van bien”, abrió numerosos talleres y creó un sinfín de archivos. Se interesó por la justicia de los menores, las políticas de juventud pero también la educación popular, en la cual también actuó. Frente a una obra y una vida múltiples, era difícil proponer una visión que no fuese parcial y desmembrada. Pero un vínculo por lo menos auna los tres aspectos de su vida evocados aquí: la necesidad de la historia, como ciencia y como práctica.

Quelques travaux remarquables de Françoise Tétard [17]

  • Livres

    • Culture et liberté. Une naissance turbulente…, en collaboration avec Christian Lefeuvre, Culture et liberté, Paris, 1998.
    • Les droits de la mer ou le centenaire d’un orphelinat maritime professionnel, en collaboration avec Mathias Gardet, Maison des enfants de la marine, Boulogne-sur-Mer, 2002.
    • Des éducateurs dans la rue. Histoire de la prévention spécialisée, en collaboration avec Vincent Peyre, La Découverte, coll. « Alternatives sociales », Paris, 2006.
    • Filles de justice. Du Bon-Pasteur à l’Éducation surveillée (xixe-xxe siècle), en collaboration avec Claire Dumas, Beauchesne-ENPJJ, coll. « Enfants hors la loi », Paris, 2009.
  • Ouvrages collectifs

    • Les centres sociaux 1880-1980. Une résolution locale de la question sociale ?, en collaboration avec Dominique Dessertine, et al. (dir.), Presses universitaires du septentrion, Paris, 2004.
    • Syndicat et associations. Concurrence ou complémentarité, en collaboration avec Danielle Tartakowsky (dir.), Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2006.
    • Un engagement à l’épreuve de la théorie. Itinéraires et travaux de Geneviève Poujol, en collaboration avec Francis Lebon, Pierre Moulinier et Jean-Claude Richez (dir.), L’Harmattan/INJEP, coll. « Débats Jeunesses », Marly-le-Roi, 2008.
    • Les Châteaux du social, en collaboration avec Samuel Boussion, Mathias Gardet (dir.), Beauchesne, Paris, 2010.
    • Cadres de jeunesse et d’éducation populaire : 1918-1971, en collaboration avec Denise Barriolade, Valérie Brousselle, Jean-Paul Egret (dir.), La Documentation française, Paris, 2010.
  • Articles

    • « Jeunesse unique : autour de quelques discours », Les cahiers de l’animation, nos 49-50, 1er trimestre 1985, pp. 107-114.
    • « L’histoire d’un malentendu : les politiques de la jeunesse à la Libération » », Les cahiers de l’animation, nos 57-58, 4e trimestre 1986, pp. 81-89.
    • « Sauver notre jeunesse ou la prévention dans ses rapports avec les politiques de jeunesse en France, de 1945 à 1968 », Annales de Vaucresson, no 24, 1986, pp. 163-178.
    • « Le phénomène “blouson noir” » en France fin des années 1950-début des années 1960 », Collectif Révolte et société, Publications de la Sorbonne, Paris, 1989, t. II, pp. 205-214.
    • « L’éducation populaire : l’histoire d’un rattachement manqué », Les affaires culturelles au temps d’André Malraux 1959-1969, Comité d’histoire du ministère de la Culture, La Documentation française, Paris, 1996, pp. 153-172.
    • « Démocratie locale et participation des jeunes : une affaire d’État ? », en collaboration avec Alain Vulbeau, Recherche sociale, « Cohésion sociale : territoires et itinéraires », no 141, janvier-mars 1997, pp. 57-66.
    • « Introduction. Femmes dans la rééducation : silence, oubli ou discrétion ? », in Conservatoire national des archives et de l’histoire de l’éducation spécialisée, Elles ont épousé l’Éducation spécialisée. Éducatrices et femmes d’éducateurs il y a cinquante ans, L’Harmattan, coll. « Le travail du social », Paris, 1999.
    • En ligne« Les “arab boys”, ces petits vagabonds qui encombrent nos rues… », VEI Enjeux, « “Soigner” la banlieue ? », no 126, septembre 2001, pp. 10-26.
    • « “L’avantage avec la jeunesse, c’est qu’elle ne vieillit pas…” Parcours auto-bibliographique », Les jeunes de 1950 à 2000. Un bilan des évolutions, INJEP, Marly-le-Roi, 2001, pp. 281-298.
    • « De l’affaire Dreyfus à la guerre d’Algérie, un siècle d’éducation populaire », Esprit, nos 3-4, « Quelle culture défendre ? », mars-avril 2002, pp. 39-59.
    • « La psychiatrie “associative” en mouvement. De la Société d’hygiène mentale du Centre à la Fédération des sociétés de Croix-Marine (1947-1958) », in Arveiller J.-P. (dir.), Pour une psychiatrie sociale. 50 ans d’action de la Croix-Marine, Erès, Ramonville-Saint-Agne, 2002, pp. 13-35.
    • « L’ADELS dans les années soixante : une animation nationale de l’autogestion locale », in Georgi F. (dir.), Autogestion. La dernière utopie ?, Publications de la Sorbonne, Paris, 2003, pp. 287-308.
    • « Vous avez dit éducation populaire ? Itinéraire chronologique », Agora débats/jeunesses, no 44, 2e trimestre 2007, pp. 74-89.
Laurent Besse
Maître de conférences en histoire, IUT de Tours (université de Tours).
Thèmes de recherche : histoire de l’éducation populaire, histoire de la jeunesse.
A notamment publié
Besse L., Les MJC 1959-1981, de l’été des blousons noirs à l’été des Minguettes, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2008.
Besse L., « Un ministre et les jeunes : François Missoffe 1966-1968 », Histoire@politique, no 4, 2008.
Mathias Gardet
Maître de conférences, université Paris-VIII.
Thèmes de recherche : délinquance juvénile ; protection de l’enfance ; éducation populaire.
A notamment publié
Gardet M., Les orphelins-apprentis d’Auteuil, histoire d’une œuvre, en collaboration avec Alain Vilbrod, Belin, coll. « Histoire et société », Paris, 2000.
Gardet M., Jean Viollet et l’apostolat laïc. Les œuvres du Moulin-Vert (1902-1956), Beauchesne, Paris, 2004.
Gardet M., Histoire du mouvement des Pupilles de l’école publique. Solidarité : une charité laïque ?, 1915-1939, tome I, Beauchesne, Paris, 2008.
Jean-Claude Richez
Historien, coordonnateur de la mission observation et évaluation de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP).
Thèmes de recherche : histoire de l’éducation populaire ; engagement des jeunes.
A notamment publié
Deyon P., Richez J.-C., Strauss L., Marc Bloch, l’historien et la cité, Presses de l’université de Strasbourg, Strasbourg, 1997.
Igersheim F., Strauss L., Richez J.-C. (dir.), Jacques Perrotte et le socialisme en Alsace (1869-1935), BF Éditions, Strasbourg, 1989.
Le Bon F., Moulinier P., Richez J.-C., Tétard F. (dir.), Un engagement à l’épreuve de la théorie. Itinéraires et travaux de Geneviève Pugol, INJEP/L’Harmattan, coll. « Débats jeunesses », Paris, 2008.
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Mis en ligne sur Cairn.info le 16/02/2012
https://doi.org/10.3917/agora.060.0021
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