Depuis sa sortie d’une courte hospitalisation pour un syndrome anxieux, Élise, seize ans, se barricade chez elle, craignant le regard et les mimiques des passants dans la rue et des usagers des transports en commun qu’elle identifie comme lui étant adressés. Elle croit deviner leurs pensées et entendre leurs paroles railleuses : « Celle-là, elle était à l’hôpital psychiatrique ».Jean, quinze ans, s’enferme dans sa salle de bain durant des matinées entières et inquiète ses parents qui ne comprennent pas son attitude. Face au miroir, il se contemple longuement, cherchant dans son reflet le signe d’une reconnaissance ou d’un leurre. Sous la douche, il peut se trouver totalement immobilisé pendant plus d’une heure, comme piégé par l’eau qui coule et enveloppe son corps.
Malgré l’incrédulité de son entourage et des thérapeutes, Célia, quinze ans, prétend halluciner visuellement une ombre qui l’accompagne et la protège d’elle-même et des fantasmes de meurtre qui l’envahissent au sujet des membres de sa famille.Nathan, quatorze ans, en décrochage scolaire, se mure dans un mutisme assourdissant. Il ne sort de sa chambre que par nécessité et ne se déplace qu’en longeant et rasant les murs.
Bien que les dernières classifications psychiatriques, fondées sur le modèle de la vulnérabilité, incitent à étiqueter, chez ces adolescents, des entités sémiologiques de « psychoses atténuées » ou de risque voire de ultra-haut risque au « spectre schizophrénique » (American Psychiatric Association, 2013), nul ne pourrait réellement prétendre connaître l’évolution de leur sort psychopathologique…