La quête de reconnaissance et la porosité des limites du Moi de l’adolescent semblent porter en germe cette question ontologique de la dialectique fondamentale entre l’ipséité et l’altérité. La frontière fragile entre soi et l’autre, entre narcissisme et objectal, sur laquelle s’articule le processus de subjectivation, trouve une dramatisation puissante dans certaines formes de psychopathologie. L’adolescent nous plonge dans un vertigineux jeu de reflets, en révélant que l’altérité est constitutive de l’identité, et que l’établissement des limites du Moi se joue toujours dans la dialectique entre reconnaissance et désaliénation au cœur de la problématique que nous allons développer.
Freud avait bien saisi la nature protéiforme et labile des limites du Moi : « Ne vous figurez pas que les diverses fractions de la personnalité soient aussi rigoureusement délimitées que le sont, artificiellement, en géographie politique, les divers pays. Les contours linéaires, tels qu’on les voit dans les dessins ou la peinture primitive, ne peuvent nous faire saisir les particularités du psychisme ; les couleurs fondues des peintres modernes s’y prêteraient mieux. Après avoir disjoint les parties, nous sommes maintenant forcés de les réunir. J’ai tenté de faire comprendre ce qu’était ce psychisme si difficile à saisir ; ne portez pas sur ce premier essai un jugement trop sévère. Il est fort vraisemblable que les divisions sont très variables chez les différents individus, qu’elles se modifient même durant le fonctionnement et qu’elles peuvent momentanément s’effacer »…