Il est classique de faire des adolescents des êtres de frontières, en prolongeant la formule de Freud concernant le Moi. Ils se tiennent aux confins de l’enfance et de l’âge adulte, de l’individuel et du groupal, du familial et du social, de l’agir et du penser. L’adolescent vient mettre en question et parfois en péril les limites, les cherchant pour mieux les transgresser. Pour un certain nombre d’entre eux, la quête des limites prend une forme plus ambiguë mêlant quête de soi et menace sur l’avenir. Le recours aux scarifications s’inscrit dans ce registre potentiellement trophique ou toxique, où le malaise à entrer dans l’âge adulte vient figer le processus adolescent au risque de l’entraver de manière durable.
L’adolescence ne peut se réduire à sa définition première développementale, de période de la vie située entre l’enfance et l’âge adulte. Elle est un organisateur de la vie psychique pour É. Kestemberg (1999). Elle revêt une dimension processuelle qui se déploie dans ce que nous proposons d’appeler enjeux et travail de frontière (De Luca et al., 2019).
À l’adolescence, les scarifications mobilisent des enjeux aux confins du corps et de la psyché, de l’agir et de la figuration, du normal et du pathologique, d’une logique processuelle et anti processuelle. En raison de la grande diversité des configurations et des enjeux psychiques sous-tendus par ces conduites – destructivité, masochisme, pulsions partielles… – nous avons souhaité nous intéresser aux cicatrices laissées par ces incisions superficielles volontaires que sont les scarifications…