La « radicalisation » est un signifiant devenu très prégnant dans la société comme dans la clinique pédopsychiatrique adolescente. Cette terminologie est d’abord portée par les figures parentales. Les adolescents rejettent avec force ce terme, mais mobilisent son signifiant d’une manière très efficace. M. R. Moro, dans ses échanges avec Ph. Gutton (2017), décrit trois niveaux dans l’engagement adolescent : le niveau collectif qui sous-tend la traversée de nouvelles affiliations ; le niveau intersubjectif qui suppose la rencontre avec l’altérité ; enfin le niveau intrapsychique où l’engagement fait écho à quelque chose de l’ordre de l’intime (conscient et inconscient). Il s’agira de comprendre, via la combinaison de ces trois niveaux, le sens de ces engagements à l’adolescence, à travers trois histoires d’adolescentes âgées de quinze à vingt ans, tentées, selon le discours parental tout du moins, par la proposition radicale. Une analyse transversale permettra de discuter la question du métissage traumatique et la complexité des processus de construction identitaire à l’adolescence, dans une société en butte avec le religieux.Mathilde est une jeune fille de vingt ans. Elle vient accompagnée par son père, qui exprime ses inquiétudes quant à une « radicalisation » en cours, décrivant l’insensibilité de sa fille au lendemain des derniers attentats. Il nous laisse entendre le risque que pourrait représenter son stage actuel dans une entreprise dans laquelle travaillent « de nombreux Musulmans »…