1Un atelier Jeux Vidéo pour joueurs excessifs, animé par Paul Moulas (animateur), Mustapha Bessedik (éducateur spécialisé) et Charlotte de Bucy (psychologue), supervisé par le Dr. S. Tisseron (Service du Pr. M.-R. Moro), se déroule depuis 2007 à la Maison de Solenn – Maison des adolescents de Cochin à Paris [1]. Cet atelier accueille en priorité des adolescents pour lesquels l’activité de jeu vidéo est devenue envahissante, et qui sont dans un processus de désocialisation et de rupture plus ou moins grande avec les études. Le dispositif occupe deux heures chaque semaine avec en moyenne trois à quatre adolescents (tous des garçons jusqu’alors), et consiste à jouer tous ensemble sur console pendant une heure, puis à ouvrir un espace de discussion, groupe de parole d’une heure également. L’articulation de ces deux temps a permis un travail d’élaboration sur un matériel psychique rendu disponible grâce au jeu en groupe. Cet atelier constitue ainsi depuis un an et demi un lieu d’observation du fonctionnement de ces adolescents, et des ressources thérapeutiques d’un tel groupe.
Un lieu d’observation
2En premier lieu, s’est trouvée confirmée la grande variabilité des fonctionnements de ces adolescents (Tisseron, Missonnier, Stora, 2006) : sont venus à l’atelier, pour un même « symptôme », la pratique du jeu vidéo en tant qu’activité exclusive et quotidienne :
- des adolescents en crise d’adolescence passagère ;
- des adolescents présentant une problématique névrotique souvent caractérisée par une phobie sociale ;
- des adolescents présentant une problématique et des défenses narcissiques importantes ;
- des adolescents pour lesquels nous nous sommes interrogés sur un fonctionnement psychotique. Nous pensons ici à l’un d’entre eux présentant des angoisses massives devant tout changement, des bizarreries de langage et de comportement, un déni d’autrui engendrant l’incompréhension ou la sidération chez les autres adolescents.
Les éléments psychiques fréquemment retrouvés
3Les adolescents avaient au départ peu conscience de leur dépendance. Se situant souvent dans la toute-puissance, leurs représentations du jeu vidéo étaient verbalisées ainsi : « un passe-temps, une passion, pas un problème, il faut faire ce qui nous plaît ». La conscience de la dépendance, lorsqu’elle existait, pouvait co-exister ou pas avec l’envie de s’en sortir.
4Nous avons retrouvé également le grand bénéfice narcissique procuré par le jeu, c’est-à-dire la reconnaissance de la valeur de soi dans la performance. C’est d’« être le meilleur » qui procure du plaisir, quitte à continuer de jouer à un jeu obsolète ou à une ancienne version. Ces adolescents nous ont montré comment la pratique du jeu avec d’autres pallie une souffrance narcissique majeure. À l’extrême, un adolescent se plaisait beaucoup à menacer de frapper celui avec lequel il se sentait en rivalité, montrant ses muscles dans un mécanisme de réassurance narcissique.
5Le plaisir de la décharge motrice et émotionnelle dans le jeu va de pair avec les difficultés d’élaboration de ces adolescents. Les discussions lors du temps de parole ont été souvent centrées sur les aspects techniques du jeu, la vie quotidienne, ou bien sur les éléments affectifs abordés avec notre aide, mais sans pouvoir facilement parler de ce qui est ressenti pendant le jeu lui-même. Certains adolescents avaient du mal à expliquer le fonctionnement de leur jeu préféré, à déployer ce qui les attirait, se cantonnant à des « c’est bien parce que c’est prenant ». Nous nous souvenons également du plaisir d’un des adolescents lors de l’élection de B. Obama comme président des États-Unis, sans trouver le moindre mot pour nous en parler, submergé par l’émotion pure. D’autres mouvements de régression défensive étaient fréquents : l’un des adolescents évitait les sollicitations quant à ses éprouvés, en trouvant toujours un lien avec les pizzas, thème oral plus rassurant.
6Le plaisir à rencontrer d’autres personnes sur Internet figure également parmi les éléments saillants retrouvés chez ces joueurs qui évitent ainsi l’exposition au regard blessant sur le plan narcissique, mais aussi trop chargé de pulsionnel, lorsque l’autre est rencontré en face à face. Ainsi les adolescents nous ont parlé de leurs stratégies de séduction sur Internet, mais aussi de leur peur d’être déçus s’ils rencontraient les personnes dans la vie réelle. Nous avons pu également évoquer leurs ressentis lorsqu’ils se sentent sollicités par l’autre, par exemple séduits sur Internet, et la mise en place de leurs stratégies défensives, attaque pour certains, fuite pour d’autres.
7Du point de vue du fonctionnement familial, nous avons été sensibles dans la plupart des situations à la tolérance familiale au symptôme, les problématiques de séparation, les conflits au sein du couple parental, et inversement l’évitement du conflit entre les générations.
Aspects thérapeutiques du dispositif
Le premier temps de l’atelier : l’importance de jouer ensemble
8Une médiation, ici le jeu sur console, permet d’éviter la confrontation directe avec le monde interne angoissant, tout en sollicitant son émergence et son apprivoisement. Plus spécifiquement, le prétexte de jouer ensemble a facilité l’accès au soin de ces adolescents isolés, dans le déni de leur souffrance, et souvent dans une illusion auto-thérapeutique devant leur ordinateur dans leur chambre. L’objet utilisé de façon excessive par ces patients a pu être appréhendé autrement, leur offrant la possibilité de s’en distancier peu à peu. Le jeu vidéo reste un jeu, ce qui nous a permis de profiter de ses avantages dans cet atelier, c’est-à-dire comme un médiateur du travail psychique, médiateur permettant de re-créer le monde comme l’a décrit D. W. Winnicott (1971).
9Venir jouer dans une institution de soins permet aussi la « déstigmatisation », la décentration de l’attention par rapport au symptôme (les soignants jouent avec les adolescents), et donc une prise en compte de leur subjectivité au-delà du symptôme. Du côté des parents, ceux-ci, au début souvent inquiets de voir leur enfant fréquenter cet atelier où il allait « encore » jouer, s’aperçevaient vite du bénéfice en termes de réassurance narcissique et de resocialisation.
10Ce lien avec un lieu de soins rend progressivement possible la prise de conscience de la souffrance. Nous avons tenté l’expérience de demander aux adolescents en début et en fin d’année de se situer sur une échelle imaginaire de dépendance aux jeux vidéo. Si tous se plaçaient d’abord en dessous de 5, ils se situaient entre 5 et 8 au final, l’atelier ayant favorisé une meilleure prise de conscience de leur niveau de dépendance.
11L’atelier où jouer ensemble est possible a été vécu par la plupart de ces adolescents comme un espace de resocialisation : « Ici on joue avec des humains, pas tout seul chez soi », nous ont-ils dit lors du bilan de fin d’année, montrant leur perception du plaisir d’être avec l’autre présent physiquement et non plus seulement virtuellement. Jouer ensemble dans un cadre contenant, avec des adultes formés au soin et d’autres adolescents en difficulté, permet ainsi de retrouver le plaisir d’être ensemble sans se sentir menacé.
12Par ailleurs, jouer à des jeux différents à chaque atelier, jeux souvent inconnus des adolescents eux-mêmes, a permis d’expérimenter des situations de mise à l’épreuve narcissique. Les adolescents ont à notre grande surprise toujours accepté les jeux proposés, même les jeux les plus régressifs ou les plus difficiles. S’ils nous ont clairement exprimé leur contentement à « ne pas être jugé », il semble que cela soit tant dans le temps de parole libre que dans ce temps de jeu. À noter que jouer à des jeux différents à chaque séance permet de ne pas créer une autre dépendance.
Le deuxième temps de l’atelier : l’importance de parler ensemble
13On peut analyser ici quelques-uns des aspects thérapeutiques de tout groupe de parole encadré par des soignants (Kaës, 1999).
- Fonction de pare-excitation
14L’enveloppe groupale permet d’aborder plus tranquillement les mouvements transférentiels et un monde intérieur vécu comme menaçant. Il aide à l’élaboration des éprouvés. Les adolescents nous ont paru dans l’ensemble avoir de réelles difficultés d’élaboration de leurs ressentis, angoisses et conflits. Cependant, le temps de parole d’une heure, où la discussion partait sur ce qui venait de se passer durant le temps de jeu, permettait d’amener des mises en mots et des partages d’affects. Nous avons pu ainsi assister de plus en plus à la verbalisation des angoisses ressenties à certaines phases-clés des jeux, à la description des stratégies défensives utilisées par chacun, des intérêts trouvés à choisir tel ou tel avatar.
15Ont été abordés peu à peu avec ces adolescents les mécanismes de la dépendance proprement dite. Certaines paroles de ces adolescents témoignent de la prise de conscience de leur tentative auto-thérapeutique par le jeu : « C’est quelque chose d’extérieur qui amène à se replier sur les jeux vidéo », « Le jeu est un refuge, il permet de fuir l’école, et les autres », « Le jeu permet de se calmer », « de ne pas se sentir seul ». Mais aussi la conscience des effets néfastes de la dépendance au jeu : les conséquences sur la déscolarisation, la désocialisation. Notre but n’était pas de convaincre l’adolescent d’abandonner les jeux vidéo, mais de l’inciter à construire ses propres théories sur lui-même et ses symptômes. Toutefois l’expérience tentée lors d’une séance d’un jeu de rôle où les adolescents ont été amenés à s’imaginer journalistes interviewant un adolescent dépendant (joué par un soignant), a été vécue comme intrusive, entraînant une certaine sidération chez deux patients.
16Sur le mode du thème libre choisi par les patients, les sujets de leurs relations avec leur entourage ont été évoqués de plus en plus facilement, jusqu’à entendre les adolescents se positionner par rapport à des aspects législatifs, politiques, sociaux en lien ou non avec les jeux, et même à parler de sexualité.
17La question de la tolérance des silences par les soignants, durant ce temps de groupe, a pu être identifiée comme un élément-clé de réflexion théorico-pratique. Ces adolescents cherchent en effet bien souvent à échapper à la confrontation avec leur monde interne par l’investissement forcené des excitations produites par les jeux vidéo. Cette recherche d’excitation a été clairement perçue dans le temps de parole, où passer d’un sujet à un autre permettait d’éviter l’angoisse du retour sur soi. Aider ces patients à supporter les moments de silence en les tolérant nous-mêmes paraît alors comme un élément thérapeutique particulièrement fort et adapté à ces problématiques.
18Le cadre groupal a plus fondamentalement permis pour certains adolescents une réassurance identitaire. Il a permis à l’un d’entre eux qui bégayait et rougissait facilement, de s’exprimer plus librement, voire de s’imposer franchement et d’exprimer dans les échanges verbaux son agressivité et son désir de puissance. Un autre adolescent a pu également passer d’un discours logorrhéïque et exclusif, qui lui permettait d’exister dans la toute-puissance et la maîtrise de la parole des autres, à une meilleure écoute des autres.
- Fonction d’identification
19Si les adolescents ont autant investi le groupe, c’est probablement d’abord parce qu’ils se sont facilement identifiés aux autres membres qui partageaient la même communauté d’intérêt. On a vu à quel point les liens groupaux se sont constitués, au cours de séances où les professionnels étaient écartés des discussions. Mais c’est aussi par la confrontation à leurs fonctionnements très divers que se sont opérées des prises de conscience réelles sur eux-mêmes, au cours de débats parfois très animés, ou bien juste par observation du fonctionnement des autres. Nous faisons l’hypothèse que les adolescents de l’atelier, qui ne présentaient pas le même degré de dépendance ou de désocialisation, ont pu tirer grand bénéfice à côtoyer des adolescents beaucoup plus ou beaucoup moins dépendants qu’eux, les mettant face à la réalité du risque de dépendance, ou à l’inverse aux possibilités de dégagement.
- Diffraction du transfert
20La présence de trois soignants à chaque séance (éducateur, animateur, psychologue) ainsi que d’une stagiaire psychologue, a pu favoriser la constitution d’une enveloppe groupale riche en projections possibles pour ces adolescents qui ont pu s’identifier à nous selon des mécanismes transférentiels différenciés (Kestemberg, Jeammet, 1987). Il est significatif de décrire leur relation d’étayage et identificatoire à l’animateur, parfait connaisseur des jeux vidéo. D’une part, la connaissance du monde des jeux par au moins l’un des soignants nous semble indispensable pour garantir un échange autour de ce centre d’intérêt participant à leur processus adolescent ; d’autre part ce soignant, qui a fait des études et maintenant travaille tout en continuant à jouer, s’exposait comme témoin de la possibilité de diversification des investissements.
21Par ailleurs, il a été intéressant de voir que les soignants manquant de connaissances dans le domaine des jeux vidéo ont un regard d’emblée complémentaire. Ils permettent aussi aux adolescents de transmettre leur savoir sur les jeux, renforçant le bénéfice narcissique trouvé au sein de l’atelier.
Fragments cliniques
Fabrice, dix-huit ans, a développé des éléments d’anxiété sociale dès l’école primaire, qui se sont aggravés en CM2 suite à une agression dont il a été victime dans son école. Il semble alors avoir progressivement réduit ses rapports sociaux et ce phénomène s’est encore aggravé en 4ème suite à une nouvelle agression au collège. Fabrice commence alors à se réfugier dans les jeux vidéo et se déscolarise. Un suivi sur le secteur, la mise en place d’un traitement antidépresseur et un séjour en hospitalisation lui ont manifestement permis de mieux gérer ses angoisses et de s’ouvrir aux autres, mais toute tentative de re-scolarisation est un échec depuis la deuxième agression.
Fabrice est orienté vers l’atelier Jeux Vidéo par son psychiatre qui le suit régulièrement à la Maison des adolescents. Il se présente comme un adolescent de bon contact mais très inhibé, rougissant rapidement, se dévalorisant, bégayant beaucoup. Des manifestations de contrôle rigide de l’agressivité et de l’angoisse sont visibles, avec des décharges brutales au plan psychomoteur et langagier. Fabrice présente des gestes saccadés, peut pleurer de rire sans motif, joue en apnée, et fait une fois une crise de tachycardie pendant un jeu, qui se calme rapidement dès lors qu’il nous en parle. S’il est à l’aise durant le temps de jeu, le temps de parole le laisse longtemps très inhibé.
Fabrice s’identifie très rapidement à l’animateur qui le fascine par sa connaissance précise des jeux, et le rassure par son côté très vivant, lui montrant qu’on peut s’exprimer émotionnellement sans danger de jugement. La présence d’un autre adolescent également très phobique et ayant subi de la violence en milieu scolaire, permet des identifications et le partage de la souffrance et de l’anxiété sociale.
Le temps du jeu en commun à l’atelier est l’occasion d’apprivoiser les relations en terrain connu, avec la médiation de la console, objet très rassurant. Pendant le jeu, des interactions de plus en plus riches sont observées entre cet adolescent et les autres membres du groupe : libération de la parole jusqu’à un rire franc, manifestations d’agressivité, émergence de fantasmes plus sexuels dans les interactions. Lors du temps de parole, Fabrice peut se laisser aller progressivement à donner un avis de plus en plus personnel, parler de sa vie à la maison, de son histoire traumatique, de ses angoisses et idées suicidaires passées.
Au fil des séances Fabrice nous apparaît de plus en plus à l’aise dans les relations, et évoque son désir de réinvestir d’autres activités notamment scolaires, et de tenir un rôle dans la société. Un travail concret avec l’animateur et l’éducateur de l’atelier, en lien avec son psychiatre, vers une reprise de ses études, est enfin possible (rédaction du CV, prise de contact avec organismes de formation et Mission Locale).
Après un temps d’identification à l’animateur très bénéfique pour une projection possible dans l’avenir, Fabrice s’épaule sur un autre adolescent phobique du groupe, pour faire les démarches concrètes. Ils vont ensemble à l’AFPA (Association de Formation Professionnelle pour Adultes). Enfin, dans un troisième temps, il ancre sa réussite en intégrant ce rôle de « grand-frère » auprès de cet autre adolescent, lui proposant de l’aider à venir à l’atelier sans sa mère, et à chercher lui aussi une formation professionnelle.
L’évolution de Fabrice confirme la réassurance narcissique de ce garçon et donc son ouverture à une communication plus sereine. Fabrice est actuellement en formation en alternance dans le secteur informatique, il a trouvé une entreprise pour son stage, au sein d’une équipe avec laquelle il établit des relations satisfaisantes et se sent reconnu pour ses compétences.
Louka, vingt et un ans, est un autre adolescent suivi par un psychiatre de la Maison des adolescents. Il présente une symptomatologie anxieuse envahissante : peur de sortir de chez lui seul, impossibilité à téléphoner à des inconnus, crises d’angoisse majeures dès que les repères externes changent, repli social et déscolarisation depuis la classe de 4ème, avec refuge dans les jeux vidéo et la musculation. Cet adolescent, bouc émissaire de son collège pendant plusieurs années, a pu nous parler rapidement de son refuge dans le sport à outrance pour se sentir à la hauteur et ne plus être victime de ses persécuteurs. Des propositions d’internat thérapeutique échouent. Louka reste dans une relation fusionnelle avec sa mère qui parle à sa place en consultation.
Parallèlement Louka se montre très performant et investi dans le secteur informatique : créations de sites où il propose des fonds d’écran, invention d’un jeu vidéo, mais toujours depuis chez lui et sans possibilité d’investissement de la sphère socio-professionnelle.
Des conduites de réassurance narcissique sont observées lorsque Louka ne veut jouer qu’à des jeux où il est performant, ou lorsque nous lui demandons de nous expliquer ses stratégies de réussite dans le jeu. Il se met alors à marmonner ou ignore notre demande, restant ainsi dans la maîtrise de la technique. Louka a également un discours souvent cru, projectif, et des manifestations comportementales significatives, mimant de tomber, de frapper l’autre, ou bombant le torse, dès qu’il est en proie à une émotion ou n’arrive pas à trouver les mots pour énoncer sa pensée. Ces mises en acte corporelles parfois très brusques, du registre autoérotique, confirment le défaut de symbolisation et le narcissisme primaire fragile de ce garçon. Les images et décharges motrices si investies par Louka dans les jeux vidéo viendraient-elles alors pallier la défaillance dans le système discontinu de représentations ? Ce recours à l’image proposé par les jeux vidéo constituerait ainsi une « prothèse de la subjectivité » comme le propose Ph. Givre (2006) à propos des différents supports technologiques. C’est ainsi que le travail de symbolisation tente de se faire par l’étayage sur les images, probable tentative auto-thérapeutique de beaucoup de ces jeunes en fuite dans l’univers des jeux.
Louka est au final très accroché à l’atelier. Les revalorisations narcissiques qu’il y trouve ont probablement beaucoup joué, Louka étant reconnu ici comme le plus compétent dans la maîtrise des jeux. Lors du bilan de fin d’année, il nous parlera des satisfactions trouvées au plan identificatoire : « C’est le groupe qui est bien, on peut parler de nos problèmes, voir les pathologies des autres. Et puis vous êtes jeunes, c’est plus facile de vous parler que de parler au Dr X. ». Louka nous a en effet parlé de ses angoisses et désirs. La possibilité de changer de sujet en redirigeant l’attention vers un autre membre du groupe lui assurait d’être protégé d’une confrontation à son monde interne.
Si des symptômes persistent chez ce garçon qui présente des angoisses et des comportements psychotiques, l’atelier lui permet manifestement un étayage narcissique et un espace de resocialisation indispensables et complémentaires des consultations individuelles.
23Alors que la déscolarisation est souvent pointée comme une cause du jeu excessif, la situation de ces deux jeunes nous a montré que c’est le contraire qui peut être en jeu. Ces deux adolescents éprouvés dans leur narcissisme par la violence physique et les humiliations subies de façon désastreuse en milieu scolaire, ont montré leur capacité à se saisir de l’atelier pour reconstituer avec des pairs des liens non menaçants et gratifiants. C’est la relation établie dans le groupe qui a été thérapeutique, comme en témoigne la facilité avec laquelle les jeunes arrêtaient de jouer pour passer au groupe de parole. L’atelier Jeux Vidéo tel que nous le proposons apparaît comme une prise en charge adaptée pour ces jeunes, complémentaire d’un suivi individuel.
Notes
-
[1]
Sur une idée de Paul Moulas et Bertrand Vachey, psychiatre.