1Si les espaces virtuels séduisent tant de monde, c’est que chacun y trouve ce qu’il cherche : les adeptes de sensations fortes s’immergent dans des aventures trépidantes, les amateurs de stratégie manipulent des figurines où se jouent tous les registres de la projection, les personnalités en souffrance narcissique y soignent l’estime d’elles-mêmes, et enfin ceux qui souhaitent apprivoiser les rencontres le font derrière une fausse identité. C’est particulièrement aux enjeux du narcissisme que nous allons nous intéresser ici.
Intéresser, enfin
Et ce choix, par Frédéric, de devenir un « grand guérisseur », éclairait toute sa dynamique psychique. La séparation du couple parental, que sa mère plaçait à l’origine des difficultés de Frédéric, avait en effet provoqué une dépression grave chez elle. Frédéric, décrit comme un enfant précocement triste, avait probablement tenté de guérir cette mère profondément dépressive, qui avouait elle-même ne s’être jamais remise du départ de son compagnon. Hélas, non seulement Frédéric n’était jamais parvenu à la guérir, mais il est probable que ses tentatives, comme souvent dans ces circonstances, n’avaient jamais été reconnues par personne, ni par sa mère, ni par aucun proche. Mais sa découverte des jeux vidéo avait fait de lui un guérisseur de renommée internationale ! Quelle revanche ! Il était parvenu du même coup, en jouant à des jeux auxquels sa mère ne comprenait rien, à mettre à volonté entre elle et lui une distance infranchissable. Bref, il avait gagné sur deux tableaux à la fois, celui du narcissisme et celui de la maîtrise de la relation.
« Miroir, ô mon miroir, suis-je bien le plus beau ? »
3Le joueur « off line » – c’est-à-dire qui joue contre l’ordinateur en l’absence de toute connexion Internet – ne fait que s’engager dans une version high tech des traditionnels jeux d’enfance : il manipule des objets ou des personnages miniatures à travers lesquels il met en scène certains aspects de lui-même et de ses proches. Grâce à son application, il parvient à surmonter des difficultés et à avancer dans son jeu. À la différence de ce qui se passe dans un jeu traditionnel, l’ordinateur ne manque alors jamais de l’en féliciter, même s’il a passé un temps considérable à franchir un niveau ! Ceux qui bénéficient d’un environnement adulte attentif à leurs performances n’ont sans doute pas besoin de cette prothèse, mais nombre d’enfants abandonnés à eux-mêmes y trouvent de quoi renforcer l’estime d’eux-mêmes, à défaut d’interlocuteurs humains.
4Quant aux joueurs en réseau, ils bénéficient d’occasions encore plus nombreuses et variées de renforcer l’estime d’eux-mêmes. Leur capitalisation de points d’expérience ou de compétence est pratiquement infinie. Cette possibilité introduit une différence majeure avec les jeux habituels des enfants. Dans ceux-ci, une nouvelle partie démarre toujours à zéro. Au contraire, les jeux « on line » ne finissent jamais, exactement comme dans la « vraie vie » où tout continue toujours… La capitalisation narcissique y est donc sans fin, et elle fonctionne non seulement dans une reconnaissance de soi à soi, mais aussi avec l’ensemble des autres joueurs rencontrés. Chacun n’a pas seulement des armes ou des compétences qui le distinguent des autres. Il peut aussi donner une armure ou un sort à un autre joueur, ou à l’inverse recevoir un cadeau pour service rendu, bref, entrer dans un jeu infini de gratifications mutuelles. Tout continue toutefois à passer par l’intermédiaire des avatars… à tel point que ceux-ci s’imposent pour certains enfants comme une sorte de version technologique de l’image donnée par le miroir.
Blogs et msn : du narcissisme comme pain quotidien du net
5Le gain narcissique que certains cherchent dans les jeux vidéo, d’autres le trouvent sur des sites spécialement conçus à cet effet. Ainsi en est-il de ceux sur lesquels l’internaute dépose une photographie de lui afin d’être « noté » par tous les visiteurs du site qui le désirent ! Plus de dix millions de personnes à travers la planète jouent ainsi à noter, de 1 à 10, les images de leurs congénères, et plus de quatre millions – âgés pour la plupart de dix-huit à vingt-quatre ans – ont envoyé leurs photos sur le site d’évaluation le plus fréquenté [2]. Créé comme une plaisanterie à la fin de l’année 2000, ce site s’est ainsi transformé en l’espace de trois ans en une entreprise commerciale extrêmement rentable puisqu’elle rapporte plusieurs millions de dollars par an ! D’autres sites ont bien entendu été créés à la suite, avec le même succès. Les commentaires y sont souvent acerbes, mais cela ne dissuade pas les postulants, bien au contraire !
6Les travaux du psychanalyste américain H. Kohut permettent de comprendre pourquoi. Cet auteur a étudié comment chacun doit confronter son narcissisme à l’épreuve de la réalité (Kohut, 1971). Chez chacun d’entre nous, le narcissisme est en effet d’abord investi dans des figures grandioses et inaccessibles, à la fois de soi et de l’autre. Un problème important de l’adolescence est de pouvoir nuancer et relativiser ces figures. Les malades du narcissisme ne sont pas des personnes qui ont un ego excessif ou insuffisant, selon une problématique purement quantitative, mais un narcissisme qualitativement perturbé. Ils sont prisonniers d’une idéalisation paralysante de certains aspects d’eux-mêmes, ou au contraire d’une idéalisation tyrannique de certains membres de leur entourage placés par eux sur un piédestal inaccessible. Le grand mérite du travail de H. Kohut a été de montrer que c’est souvent l’absence d’approbations et d’échos à leurs attentes légitimes qui fixe ces personnes dans ces situations qu’il appelle de « soi grandiose idéalisé » ou de « transfert idéalisant ». Or c’est cette dynamique de l’approbation et de l’écho qui est remise en route sur Internet.
7L’internaute qui installe une image de lui sur un site d’évaluation tente d’échapper à la fois à la représentation d’un soi grandiose et à l’image d’un parent trop idéalisé [3]. Il renonce au soi grandiose en acceptant de montrer de lui des aspects problématiques et a priori « non aimables », pour s’apercevoir finalement que ce n’est pas aussi dramatique de ne pas être « parfait ». Par ailleurs, il tente d’échapper au jugement écrasant d’un parent idéalisé en multipliant ses interlocuteurs et en envisageant a priori qu’ils se valent tous. C’est la même chose pour ceux qui créent un blog. Les jeunes en créent d’ailleurs volontiers plusieurs en même temps, car cela leur permet de mettre en avant plusieurs facettes d’eux-mêmes : le caractère unilatéral de leurs propos suscite alors plus facilement des prises de partie caricaturales de la part de leurs interlocuteurs, ce qui permet en retour de nuancer les jugements émis !
8Pour des jeunes en souffrance narcissique, l’important est moins d’être valorisé par le regard d’autrui que d’être gratifié par l’intérêt qu’on leur porte. Tant pis s’ils sont au bout du compte dévalorisés, voire insultés ! De nombreuses réponses moqueuses ou dévalorisantes valent mieux que quelques-unes louangeuses. Le but est d’abord de se prouver qu’on peut intéresser, être aimé viendra plus tard !
9Bref, dans ces pratiques, c’est toujours la remise en route de la dynamique de l’introjection qui est en jeu. Tous les commentaires prodigués – qu’ils soient positifs ou négatifs – prouvent à celui qui s’expose qu’il n’est pas dramatique de se soumettre à l’avis d’autrui. Cela l’incite du coup à s’exposer un peu plus d’une façon qui lui permet de nuancer et d’enrichir progressivement la perception qu’il a de lui-même [4]. D’autant plus que ces sites fonctionnent en même temps comme une sorte de pare-excitations en permettant aux internautes de recevoir l’avis de leurs pairs au rythme où ils le désirent… c’est-à-dire à celui où ils sont capables de l’accepter. Alors que se montrer « pour de vrai » à quelqu’un risque de confronter à une déception sans échappatoire, montrer sur Internet une photographie peu flatteuse de soi permet de relativiser toutes les réponses. Nombreux sont d’ailleurs les internautes « mal notés » qui pensent que leur mauvais score est lié à la photographie qu’ils ont choisie. D’un côté, ces internautes cherchent un avis sincère de la part de leurs pairs, mais ils se réservent en même temps une échappatoire en se donnant la possibilité de rapporter celui-ci au choix malheureux d’une image.
10Tout comme celui des jeux vidéo, l’espace virtuel d’Internet n’est ni « bon » ni « mauvais » en soi pour le narcissisme. Il peut être investi pour alimenter la fuite vers une représentation inaccessible de soi, mais il l’est bien plus souvent pour permettre une confrontation salutaire avec la réalité.
Se rencontrer
11L’environnement audiovisuel et publicitaire, en banalisant jusqu’à la nausée la sexualité, a paradoxalement rendu celle-ci plus difficile. Chacun projette sur l’autre la honte de son inexpérience et s’angoisse de décevoir un partenaire qu’il imagine aussi expérimenté et exigeant que ceux qu’il voit au cinéma. Le garçon craint de décevoir en n’allant pas assez vite et la fille en n’acceptant pas ce qui lui est proposé. Ainsi se noue une relation fausse où le garçon propose trop précipitamment ce qu’il craint de ne pas savoir faire, et où la fille accepte tout de peur que son compagnon « aille en voir une autre ». Ce dont souffrent les jeunes, aujourd’hui, est le contraire de ce dont souffraient leurs parents ! Ceux-ci n’avaient aucun lieu qui puisse accueillir leurs éventuels ébats – c’est ce qu’on appelait alors la « misère sexuelle ». Les jeunes n’ont aujourd’hui aucun espace psychique pour penser la séduction et se familiariser avec les étapes de la rencontre. Confrontés à ces angoisses, ils ont rapidement compris le parti qu’ils pouvaient tirer d’Internet, des chats, des forums et du langage MSN. Ils apprennent à se parler et à jouer avec les sentiments à l’écart d’un rapprochement corporel trop impérieux. Les adeptes des mondes virtuels sont moins des « immatures » qui cherchent à échapper aux contraintes de la réalité que des inquiets qui craignent d’être lâchés sans raison. C’est pourquoi ils se mettent en situation de prendre les devants en se donnant la possibilité d’interrompre à tout moment les échanges sans avoir aucun compte à rendre à qui que ce soit. Ils désirent en fait se familiariser à leur rythme avec une réalité qui les terrifie autant qu’elle les fascine, celle de la rencontre amoureuse.
Une nouvelle culture du virtuel en cinq facettes
121 - Rien n’est vrai, rien n’est faux, tout est fabriqué. Les jeunes grandissent aujourd’hui dans une culture où les images ne sont plus seulement ce qu’on regarde, mais ce qu’on fabrique. Ces nouveaux enjeux s’apparentent plus à ceux du dessin – et notamment du croquis, rapidement tracé et aussitôt corrigé – qu’à ceux de la chambre noire. Ce n’est pas un hasard si, dans les blogs, les images sont de plus en plus métissées, mêlant de façon inséparable dessin et photographie.
13C’est pourquoi les jeunes ne se posent plus guère la question qui préoccupait si fort leurs aînés : les images sont elles « vraies » ou « fausses » ? Ils l’ont remplacée par une nouvelle interrogation qui a l’avantage de correspondre aussi bien aux documentaires qu’aux fictions : ils se demandent dans tous les cas comment elles ont été fabriquées. D’où leur intérêt pour les making of, ces programmes qui accompagnent aujourd’hui la plupart des films sortis en DVD et qui expliquent les trucages et les effets spéciaux. Ce questionnement est en outre encouragé chez eux par le fait qu’ils deviennent eux-mêmes des producteurs d’images, notamment celles qu’ils mettent sur leurs blogs. Ce n’est pas un hasard si une récente publicité à destination des adolescents vendait un appareil téléphonique muni d’une caméra, avec le slogan : « Faites-vous vos films ». Les visuels qui accompagnaient cette campagne montraient d’ailleurs des cadrages donnant aux photographies prises des significations sans commune mesure avec la réalité située devant l’objectif. Aucune image n’est absolument vraie, aucune n’est absolument fausse, toutes sont « cadrées », autrement dit mises en scène.
142 - S’inventer des rituels. Le passage à l’adolescence n’est plus symbolisé aujourd’hui par aucune cérémonie ni aucun rituel. Si les filles continuent de bénéficier de celui que constitue l’apparition des règles, les garçons ressentent cruellement l’absence de rite de passage de l’enfance à l’âge adulte. Les rituels religieux (comme la première communion et la communion solennelle) ont disparu, tout comme le conseil de révision – avec la visite collective au bordel qui lui succédait –, les épreuves diverses organisées dans les campagnes à l’occasion des fêtes de la St. Jean ou du solstice – comme la montée au mât –, les bizutages collégiens et universitaires, et bien entendu le service militaire. Or le passage de l’enfance à l’adolescence, puis à l’âge adulte, est un moment difficile et important pour les jeunes. Ce moment, ils éprouvent le besoin de le symboliser. C’est pourquoi, à défaut d’autres rites, ils le font à travers des rituels d’images.
15Les jeux vidéo, qu’ils soient pratiqués solitairement ou en réseau, en constituent un. Le joueur est toujours engagé dans une procédure de reconnaissance, d’autant plus qu’il est parfois difficile d’être accepté par ses pairs si on n’a pas atteint un niveau suffisant dans certains jeux cultes. Non pas que tous les groupes de jeunes imposent à leurs membres de telles performances. Mais il suffit que quelques membres admirés du groupe réussissent certains jeux pour que les autres veuillent les réussir aussi pour rivaliser avec eux.
16Ces pratiques impliquent en outre de plus en plus les filles… qui les intègrent parfois dans de nouveaux rituels amoureux. En devenant habiles dans certains jeux vidéo, elles peuvent capter plus facilement l’attention des garçons, et surtout leur respect. Jouer à certains jeux devient alors pour elles non seulement une activité personnelle, mais aussi une manière de séduire. Est-ce dangereux ? Non, ce serait même plutôt rassurant ! Il vaut mieux qu’un groupe définisse ses rituels initiatiques en termes de performance sur un jeu, qu’en termes d’accomplissement d’épreuves dans la réalité ! Reconnaître la valeur initiatique des jeux vidéo, et au besoin l’encourager, c’est faire porter sur une épreuve ludique les enjeux d’un rituel dont les jeunes ont de toute manière besoin.
173 - Un nouveau marivaudage. Les jeunes grandissent aujourd’hui dans un environnement médiatique où le rapprochement sexuel paraît aller de soi. Cette banalisation ne rend pas pour autant son accomplissement plus facile, bien au contraire. Les uns et les autres ont recours à des stratégies qui mettent provisoirement à distance les corps et favorisent l’échange verbal. Les communications par MSN jouent à merveille ce rôle. Parler sans se toucher, ou plutôt jouer à se toucher avec des mots plutôt qu’avec des gestes, tel est ce que les adolescents apprennent sur Internet. Leurs parents ont fabriqué le poison d’une pornographie insidieuse qui envahit jusqu’aux panneaux publicitaires de nos villes, il ne reste plus aux jeunes qu’à inventer le contre-poison : c’est ce qu’ils font en développant un usage d’Internet que rien ne laissait prévoir ! Ils réinventent les plaisirs des masques et du marivaudage.
184 - Zapper les identifications. Avec le développement des caméscopes, les jeunes ont aujourd’hui pris l’habitude de se voir sur l’écran du téléviseur ou de l’ordinateur familial, à tel point que les technologies du numérique risquent bientôt de substituer au traditionnel « stade du miroir » – où l’enfant découvre son image dans un miroir d’argent qui lui fait face – un « stade de l’écran ». Or cette situation modifie radicalement le rapport des jeunes d’aujourd’hui à leur propre image. En effet, quand les représentations de soi se multiplient, l’identité ne s’attache plus à aucune. Rares, les images emprisonnaient l’apparence, nombreuses, elles libèrent au contraire l’image de chacun de la référence au reflet visuel. Sous l’effet de la généralisation de la photographie familiale et des nouvelles technologies, les jeunes rattachent donc beaucoup moins leur intimité et leur identité à la représentation visuelle d’eux-mêmes. Ils n’ont plus une image d’eux-mêmes, mais plusieurs, et ils apprennent à en jouer.
19Or ce jeu avec les images de soi, apparu bien avant Internet, trouve sur la toile aujourd’hui deux applications de choix. La première concerne les avatars multiples que le jeune se construit et avec lesquels il intervient dans les jeux en réseau. La seconde consiste à se créer plusieurs blogs en parallèle : l’adolescent qui se sent plusieurs facettes reste obligé de tenter de les concilier dans la réalité, mais pas dans les mondes virtuels ! C’est pourquoi, lorsqu’un adulte voit un enfant jouer à un jeu vidéo avec un certain avatar (par exemple un chevalier ou un sorcier, mais tout aussi bien un soldat allemand ou américain), il peut lui demander s’il a d’autres personnages pour entrer dans le même jeu et comment il choisit de jouer avec l’un plutôt qu’avec l’autre. C’est la même chose avec les blogs. Cette attitude correspond non seulement aux flottements des identifications à l’adolescence, mais aussi à la logique des nouvelles technologies numériques.
205 - Un « désir d’extimité » élargi aux limites de la planète. Internet permet enfin à chacun de divulguer une partie de son intimité, aussi bien psychique que physique, à des millions d’inconnus. Ce désir ne relève pas de l’exhibitionnisme comme on le croit parfois. Celui-ci consiste dans le fait de montrer de soi ce qu’on sait pouvoir séduire ou fasciner. C’est pourquoi l’exhibitionniste est rarement jeune. Seul l’âge donne l’expérience de ce que nous pouvons exhiber avec profit. Une publicité disait : « À vingt ans, on essaie un peu tout, mais à quarante on sait ce qu’on aime ». L’exhibitionniste pourrait ajouter : « À vingt ans, on cherche ce qui peut plaire à ses interlocuteurs, mais à quarante, on commence à avoir trouvé comment les subjuguer ».
21Au contraire, le désir en jeu sur Internet revient à communiquer certains éléments de son monde intérieur, dont la valeur est encore incertaine, afin de les faire valider par d’autres internautes, comme jadis par la famille ou les proches. Cette expression d’une partie de soi intime – que nous avons désignée sous le nom « d’extimité » (Tisseron, 2001) – entre ainsi au service de la création d’une intimité plus riche. Alors que l’exhibitionniste est dans une relation d’emprise – il cherche à subjuguer son interlocuteur et à le mettre totalement en son pouvoir –, le désir d’extimité relèverait plutôt d’une identification croisée. Il nous faut d’abord penser que notre interlocuteur nous ressemble suffisamment pour accepter ce que nous lui montrons de notre intimité. Nous identifions alors l’autre à nous-même. Mais aussitôt que notre interlocuteur nous renvoie quelque chose de nous, il cesse d’être un double. Pour accepter son point de vue et commencer à nous en enrichir, il nous faut maintenant nous identifier à lui. C’est pourquoi la création d’un blog relève moins de l’exhibitionnisme que du désir d’extimité. Preuve en est que les blogeurs sont condamnés à se renouveler sans cesse pour continuer à alimenter de nouveaux échanges. Alors que l’exhibitionniste cherche à provoquer une fascination muette, le créateur d’un blog est en attente de dialogue et d’échanges. Cette attitude, qui est parfois porteuse de risques, s’avère d’autres fois constituer un remède !
Notes
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[1]
On désigne par ces lettres les « Massivement Multiplayeurs Online Roal Playing Game » – autrement dit, les jeux massivement multijoueurs en ligne – où des milliers de joueurs peuvent s’affronter ou s’entraider mutuellement en temps réel par l’intermédiaire de leurs avatars.
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[2]
Courrier International N° 713 du 1er au 7 juillet 2004, p. 51.
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[3]
Cette image est une imago au sens que M. Torok et N. Abraham (1978) donnent à ce mot en insistant sur son aspect interdicteur et inhibiteur : elle bloque la dynamique de l’introjection.
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[4]
Risquons un jeu de mots. Dans cette dynamique, l’internaute sollicité à donner son avis joue le rôle d’un « interne autre », c’est-à-dire d’une instance intériorisée gratifiante distincte de soi.