1L’activité de prostitution qui conduit des adolescentes de 12 à 18 ans environ, à accepter un rapport sexuel avec un client, le plus souvent un homme adulte, moyennant une rétribution sous forme pécuniaire ou matérielle, ne peut être réduite à la recherche d’« argent facile » par l’exercice de la sexualité. Engageant à la fois des facteurs d’ordre économique [1], des éléments psychologiques comme la faible estime de soi, répercussion d’éventuels abus survenus lors de l’enfance [2], et des mécanismes de domination basés sur le sexe et l’âge [3], elle ne peut être analysée sous le seul angle de la pauvreté. La relation sexuelle tarifiée implique en outre toutes sortes d’agents, au-delà des jeunes filles : des patrons d’hôtels de passe, les clients des adolescentes, certains membres de leur famille, leurs petits amis et d’autres proxénètes appelés, dans le sociolecte local, cafichos.
2Pour échapper à une perspective dictée par le « prisme de la prostitution » réduisant la question au commerce du sexe ou à l’oppression des femmes [4], cet article se propose de montrer, en s’intéressant à des adolescentes de Lima et en mobilisant notamment l’analyse de la déviance développée par Howard Becker [5], que la prostitution n’est qu’une composante de l’existence de ces jeunes filles, qui en aucun cas ne se réduit à elle. Elle s’inscrit dans une forme d’économie informelle de subsistance personnelle et, selon les cas, de contribution au budget de leur famille pour assurer entre autres les besoins de leurs enfants en bas âge. L’analyse s’appuie sur deux enquêtes de terrain réalisées dans plusieurs quartiers de la capitale péruvienne en 2004 (El Agustino, la place Manco Cápac, les alentours des avenues Colmena et Grau, l’avenue Arequipa), et entre 2006 et 2007 (Ciudad de Dios et les environs de l’hôpital María Auxiliadora à San Juan de Miraflores, l’avenue Velasco à Villa El Salvador). De nombreuses observations ont été réalisées et seize entretiens ont été menés auprès de jeunes filles de 13 à 20 ans ayant une pratique quasi quotidienne, révolue pour certaines, de la prostitution à partir d’une attente des clients dans la rue et d’un échange « économico-sexuel » [6] réalisé dans un hôtel de passe proche du lieu de rencontre. Des entretiens avec plusieurs mères d’adolescentes et des éducateurs ont par ailleurs complété ce matériel.
La prostitution adolescente à Lima
3Avec près de neuf millions d’habitants, la métropole de Lima et Callao est le plus grand ensemble urbain du Pérou. Elle met en scène les formes les plus variées du marché sexuel : des moins apparentes dans les discothèques, les casinos et les bars, jusqu’à celles, plus communes, dans les rues et sur les places, sans oublier les agences spécialisées dans ce type d’activité. Néanmoins, la prostitution des adolescentes se concentre dans les lieux où elle est la plus visible : l’entrée de certains hôtels de passe situés dans les quartiers populaires, certaines rues ou grandes avenues, les alentours de gares routières et d’arrêts de bus ou des parcs et places réputés pour la présence de ce type de commerce sexuel. La prostitution adolescente est donc localisée dans la ville de Lima. À ces caractéristiques s’ajoute la modalité d’exercice : les plus jeunes abordent leurs clients directement dans la rue, alors que les prostituées adultes rencontrent généralement leurs partenaires dans des lieux fermés et admis par les autorités (par exemple El Trocadero à Callao ou d’autres maisons closes dans le centre de Lima). Le tarif moyen de la passe avec une adolescente varie, selon les quartiers, entre 15 et 40 sols (4,5 et 12 euros environ) tandis que celui avec une femme adulte se situe, toute proportion gardée, dans une fourchette plus basse, entre 10 et 30 sols (3 et 9 euros environ). À circonstances égales, les gains sont donc plus importants pour les adolescentes ou les jeunes filles que pour les femmes adultes plus âgées, ce qui explique pourquoi les zones de prostitution à Lima sont clairement différenciées en termes de groupes d’âge : les adolescentes et jeunes filles sont séparées des femmes adultes afin d’éviter des situations de concurrence voire de conflit.
4Les clients sont, dans la grande majorité, des hommes adultes. Des travaux ont montré qu’ils cherchent auprès des plus jeunes prostituées une excitation plus importante, ainsi que la nouveauté ou l’expérience de nouvelles sensations. Certains ont recours à la prostitution avec des femmes adultes et des adolescentes selon les occasions, alors que d’autres ont une préférence sexuelle marquée pour les plus jeunes et ne cherchent des rapports sexuels qu’avec elles. Loin de se considérer comme pédophiles, ils inscrivent leur démarche dans la réaffirmation de leur virilité et de leur masculinité, dans la satisfaction de leurs fantasmes (pouvoir de soumettre quelqu’un de moins expérimenté sexuellement) et dans une démonstration de leur domination sur des personnes inférieures dans l’imaginaire collectif (adolescentes, pauvres, avec un faible niveau scolaire) [7]. Sur l’avenue Miguel Iglesias à San Juan de Miraflores, les adolescentes expliquent qu’une partie importante de leurs clients étant des « réguliers », elles savent ce qu’ils attendent et comment leur donner du plaisir de façon rapide. Ces rapports sexuels durent quelques minutes et ce profil de clients se présente en moyenne une à deux fois par semaine.
5Certaines filles se reconnaissent comme adolescentes alors que d’autres s’identifient davantage au statut d’adulte. La manière dont les jeunes filles se figurent la ligne de partage entre ces deux âges de la vie n’est pas facile à déterminer précisément, même si la maternité (la plupart des filles rencontrées avaient au moins un voire deux ou trois enfants en bas âge) et « l’ancienneté » dans le commerce sexuel semblent jouer un rôle, tout comme la prise en charge des besoins de frères et sœurs cadets ou de leur mère.
Les étiquetages publics des adolescentes prostituées
6Les entrepreneurs de morale font en revanche de la majorité légale un véritable seuil. Ils tolèrent, sur le mode d’un « mal nécessaire » (et historique) la prostitution de femmes adultes pour satisfaire un public masculin, alors qu’ils réprouvent beaucoup plus fortement la même activité lorsqu’elle est le fait d’adolescentes. Les clients de ces dernières préfèrent considérer qu’ils ont affaire à des « adultes précoces », cette dernière expression renfermant une reconnaissance de la morale dominante qui proscrit à la fois la pratique de relations sexuelles incluant une rétribution économique et la présence de mineures dans cette activité. L’État péruvien adhère à l’article 34 de la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989 et le Code péruvien des enfants et adolescents de 2000 désigne la prostitution comme « forme extrême d’atteinte à l’intégrité personnelle » de ce groupe d’âge. À partir de ces systèmes normatifs et sous la pression des ONG et des agences onusiennes, de nouvelles lois ont établi en 2004 des sanctions pénales contre le proxénétisme (entendu comme l’activité consistant à obtenir un avantage économique par l’exploitation sexuelle d’une adolescente de 14 à 17 ans), la traite, la pornographie et le tourisme sexuel impliquant des adolescents des deux sexes. Le terme d’« exploitation sexuelle » (en lieu et place du mot « prostitution ») a alors fait son apparition dans la législation péruvienne, ainsi qu’un ensemble de sanctions contre les proxénètes et les clients, s’appliquant non seulement dans le cas des enfants de moins de 14 ans mais aussi pour le groupe d’âge de 14 à 17 ans qui ne bénéficiait auparavant d’aucune protection légale.
7Si ces dispositifs juridiques visent les « facilitateurs » du commerce sexuel, les adolescentes prostituées restent les premières stigmatisées pour leur conduite. Les autorités publiques répriment ainsi la présence des jeunes filles dans l’espace public de Lima. Des patrouilles policières et municipales (le Serenazgo) utilisant des chiens d’attaque interviennent par exemple quotidiennement pour faire fuir les adolescentes ou les emmener de force vers des endroits très éloignés du district d’origine. Lors de ces opérations, il n’est pas rare que des agents leur coupent les cheveux, leur fassent subir diverses violences, y compris sexuelles, et leur volent l’argent gagné au cours de la soirée. Les médias s’emparent d’ailleurs fréquemment du phénomène. Des documentaires diffusés à des heures de grande écoute, et des articles dans des journaux et magazines populaires, dénoncent un trouble à l’ordre public, le souci de « faire sensation » se mêlant à un sentiment de compassion. Les adolescentes sont présentées comme des « étrangères au groupe » [8] qui méprisent les caractéristiques traditionnelles assignées aux jeunes femmes dans la société péruvienne et les rôles sociaux qui leur sont réservés (soin des enfants, du ménage, des études). Enfin, les travailleurs sociaux d’ONG de défense des droits de l’enfant (Save the Children, ECPAT), appuyées par des organisations internationales comme l’UNICEF et l’OIT, présentent ce fait social comme une violation des droits humains. Leurs nombreux rapports soulignent l’étendue de ce « fléau » sur la santé publique et proposent des actions caritatives pour assurer la protection des adolescentes comme sujets de droit. Les églises catholique et évangéliste relaient ce point de vue en proposant une réintégration des jeunes filles par la foi et les valeurs religieuses. Ces institutions abolitionnistes s’appuient sur leur crainte de désorganisation sociale et d’atteinte aux mœurs pour dénoncer le comportement sexuel illégal et immoral de ces jeunes filles ainsi que la participation des personnes qui organisent ce commerce « clandestin ».
8La stigmatisation de la prostitution adolescente, son assimilation à un usage du corps interdit, résulte donc d’une construction sociale et médiatique basée en particulier sur des prescriptions légales et opérée par des entrepreneurs guidés par des « codes moraux dominants » [9]. Elle engage un ordre moral excluant l’utilisation de la sexualité comme moyen de gagner de l’argent. Les adolescentes qui se prostituent à Lima sont ainsi stigmatisées car elles s’écartent de l’image admise et des fonctions attendues des jeunes filles dans l’imaginaire péruvien et latino-américain en général. « La chica de su casa » [10] est censée être auprès de ses parents et étudier au collège tout en prenant soin de ses frères et sœurs. La prostitution qui, lorsqu’elle est pratiquée par des femmes adultes, n’est pas considérée comme un délit par la loi péruvienne, entraîne, lorsqu’elle est le fait d’adolescentes, l’intervention d’institutions (police, médias, ONG, églises, etc.) qui, pour les unes, présentent la prostituée comme une « mauvaise fille » et, pour les autres, prétendent la « protéger de l’exploitation sexuelle ».
Entre précarité du ménage et éloignement de la famille
9Les adolescentes en situation de prostitution proviennent de ménages aussi bien biparentaux que monoparentaux et fréquemment de fratries nombreuses (entre quatre et sept enfants). Les entretiens réalisés font souvent apparaître l’appartenance des parents au sous-emploi urbain, voire l’absence d’activités pour plusieurs mères de familles monoparentales, à la suite de problèmes d’invalidité ou de santé non résolus par manque de moyens et d’aide du système de santé publique. Le travail des parents est souvent lié à la vente ambulante au carrefour de rues, sur les trottoirs ou dans les bus de Lima, ou, pour quelques mères, à des emplois domestiques dans les familles de classe moyenne.
10Dès leur enfance, les adolescentes ont donc été confrontées à des conditions de vie durablement précaires. Les parents occupent des emplois qui sont faiblement rémunérés pour un très grand nombre d’heures travaillées et qui les tient à distance de leur domicile du matin jusqu’au soir. Les enfants les accompagnent sur leurs trajets quotidiens ou sur leur poste de vente dans la rue, lorsqu’ils sont encore jeunes (moins de 6 ans). Mais dès qu’ils acquièrent un degré d’autonomie suffisante, ils s’organisent entre frères et sœurs pour atténuer la situation de pauvreté dans la famille. Ils décident en concertation avec leurs parents, principalement leur mère, et selon leur âge, d’occuper à leur tour une activité ambulante dans l’économie informelle à laquelle les filles et leurs familles sont intégrées. Leur scolarité pâtit peu à peu de la priorité accordée aux nécessités de la survie domestique. Les enfants perdent leur motivation et les études apparaissent comme inutiles.
Gaby, 16 ans (famille monoparentale, troisième de cinq frères et sœurs, en situation de prostitution entre 13 et 16 ans, un enfant) :
« – Quand tu étais plus jeune, tu travaillais ?
Oui, à 8 ans j’ai commencé à vendre des bonbons dans la rue dans le quartier de Miraflores.
C’est toi qui a décidé de commencer à travailler ?
Oui, c’est moi mais c’est surtout parce que Sandra, ma grande sœur, faisait déjà ce boulot. C’est elle qui m’a montré comment vendre des bonbons dans la rue. Je gagnais entre 10 et 20 sols (3 et 6 euros) par jour pour acheter à manger et les médicaments de mon autre sœur. À cette époque, ma mère avait la tête ailleurs parce que mon autre sœur était très malade. Tout ce qu’on gagnait à travailler dans la rue servait à payer son traitement.
Tu allais encore à l’école ?
À 9 ans, j’étais inscrite à l’école dans le service de l’après-midi. Comme je sortais dans la rue pour vendre de très tôt le matin jusqu’à quatre heures de l’après-midi, j’étais fatiguée et j’allais dormir au lieu d’aller à l’école. J’ai abandonné. Puis quelques mois après, ma sœur est décédée de sa maladie.
Comment était alors la situation dans ta famille ?
Très difficile. C’est surtout le traitement de ma sœur qui nous coûtait très cher. Après cela, je ne suis plus retournée à l’école et j’ai commencé à traîner dans la rue avec ma sœur Sandra. »
12Des problèmes de santé, combinés à l’absence de père, contraignent les enfants des deux sexes et a fortiori les aînés de fratries nombreuses, à maintenir à flot l’économie domestique. Dans l’expérience quotidienne de la rue qu’implique le commerce ambulant, ils apprennent à gérer le rapport avec différents clients, à identifier les meilleurs lieux de vente et à se trouver éloignés de leur domicile. Les adolescentes interrogées ont dû travailler dès l’enfance et ont précocement abandonné l’école (avant le collège). Elles ont grandi dans des conditions de grande précarité, des habitats de fortune (murs en carton, toit en tôle) avec une à deux chambres pour l’ensemble de la maisonnée.
13Par ailleurs, nombreux sont les cas d’alcoolisme du père, à l’origine d’un climat de tension et de violence, aussi bien entre les parents qu’entre le père et ses enfants. Les jeunes adolescentes n’en sont que plus incitées à rechercher en dehors de la famille, et en particulier dans la rue, des possibilités d’améliorer leur quotidien. L’éloignement progressif du cercle familial (très important dans une société comme le Pérou) résulte d’une série d’événements non désirés. Une opposition de plus en plus franche s’instaure entre l’univers familial et la rue qui cesse d’être un lieu anonyme pour devenir le cadre de vie principal, où les adolescentes rencontrent d’autres filles partageant les mêmes préoccupations quotidiennes, matérielles et affectives [11].
Des groupes de pairs à l’espace social de la prostitution
14Les jeunes filles se mettent à fuir un domicile familial identifié à n lieu de violence et de conflit ainsi qu’à un système patriarcal qui infériorise les femmes et les enfants. Certaines vont vivre dans la rue, dans des zones éloignées de leur famille, avec des adolescentes du même âge partageant une perception semblable de leur histoire de vie. Elles doivent alors s’initier au vol et/ou au trafic de drogue, basculant ainsi dans un mode de comportement hors des normes définies par la loi. Si l’occasion se présente, elles se prêtent ensuite à la pratique du sexe commercial dans les mêmes hôtels que ceux où elles passent la nuit entre amies.
Rosmary, 20 ans (famille biparentale, aînée d’une fratrie de quatre membres, en situation de prostitution depuis l’âge de 14 ans, un enfant de trois mois) :
« – Quel âge tu avais quand tu as commencé à travailler ?
J’avais 10 ans et j’aidais ma mère à vendre dans la rue comme ambulante. Je l’ai aidée jusqu’à 12 ans et après j’ai eu mon premier petit copain. Comme mes parents ne me laissaient pas sortir de la maison, j’ai fugué pour vivre dans la rue avec mes copines. J’avais des copines qui fumaient et j’ai commencé à fumer avec elles. Mon père arrivait bourré à la maison tous les jours et j’en avais vraiment marre de voir tant de disputes chez moi.
Quel âge tu avais donc quand tu as commencé à vivre dans la rue ?
J’avais 14 ans et je passais ma vie dans la rue à La Victoria. J’étais avec les gamins de la rue. J’ai aussi appris à voler pour survivre dans la rue. Je suis restée là-bas pendant un an et puis après je suis venue ici à San Juan de Miraflores.
Tu te souviens comment tu es entrée dans la prostitution la première fois ?
Oui, ça a été par une amie. Je ne vivais plus avec mes parents. Je dormais dans des hôtels et d’autres fois chez des copines…
À quel âge tu as arrêté l’école ?
J’ai arrêté d’étudier à 14 ans. Comme j’avais des copines qui n’allaient plus au collège, je n’y suis plus allée non plus. J’avais la tête ailleurs. Ça me plaisait plus de traîner avec mes copines dans la rue que d’aller au collège. Elles, elles prenaient soin de moi et elles m’aidaient. Comme je volais, j’avais de l’argent pour m’acheter à manger et tout le reste. Je traînais dans la rue toute la journée, mais je ne dormais pas dans la rue la nuit. J’étais dans des hôtels ou chez des copines.
Tu vivais juste du vol ?
Du vol et de la prostitution. »
16C’est la sociabilité qui peut conduire une adolescente au commerce sexuel : une amie qui exerce déjà cette activité l’incite à la suivre. Le capital corporel devient alors un outil de survie et plus largement un moyen de gagner de l’argent et des biens et d’accéder à des espaces de divertissement comme les discothèques et les bars qui offrent la possibilité de nouvelles rencontres, de relations intimes régulières et la consommation de boissons alcoolisées [12]. Dans ces circonstances, la prostitution correspond à une opportunité de gains économiques au même titre que le vol à la tire ou le petit trafic de drogue. Une amie ou une sœur aînée déjà engagée sert fréquemment de vecteur d’intégration dans cette dynamique d’échange sexe contre argent.
Gaby, 16 ans (famille monoparentale, troisième de cinq frères et sœurs, en situation de prostitution entre 13 et 16 ans, un enfant) :
« – Comment s’appelle ta sœur ?
Sandra, elle a quatre ans de plus que moi. C’est avec elle que j’étais tout le temps. C’est avec elle que petit à petit je ne vivais plus chez moi mais dans un hôtel et petit à petit j’ai commencé à la suivre et à me prostituer aussi dans la zone de l’« hôpital ». J’avais 13 ans à cette époque.
C’est elle qui est entrée dans la prostitution en première ?
Oui. Et moi je l’ai suivie, elle et les autres filles qui faisaient ça dans ce quartier. Après, quand j’avais 14 ans, j’ai commencé à être plus avec les autres filles. Nous allions à des fêtes dans les quartiers chauds du coin.
Tu ne vivais plus avec ta mère ?
Non, mais j’allais chez elle parfois pour lui donner de l’argent. Je vivais en fait avec mes copines dans un hôtel.
Qu’est-ce qui t’a motivée à entrer dans la prostitution ?
Je voyais les filles là-bas qui avaient plus d’argent et qui pouvaient s’acheter des vêtements et plein de choses. Donc j’ai décidé de faire ça moi aussi, petit à petit tous les soirs jusqu’à tard dans la nuit. »
18Faute de ressources, les adolescentes ne peuvent satisfaire les désirs liés aux modèles de consommation en milieu urbain promus notamment par les médias. En rupture avec leur famille, les adolescentes des quartiers populaires participent, avec d’autres jeunes, à des réunions sociales appelées fiestas chichas, au cours desquelles elles s’initient à la consommation d’alcool en abondance et de drogues bon marché. C’est dans ces espaces de rencontres que les adolescentes sont amenées à fréquenter des hommes plus âgés et éventuellement à avoir des relations sexuelles avec eux en échange d’argent, de dîners, de vêtements ou de chaussures de marque. Ici encore, les jeunes filles peuvent se lier à des pairs déjà engagés dans des rapports sexuels tarifés, qui les incitent à les accompagner comme novices en vantant les gains envisageables.
Cecy, 17 ans (famille biparentale, deuxième d’une fratrie de quatre membres, en situation de prostitution depuis l’âge de 16 ans, un enfant de trois ans) :
« – À quel âge as-tu arrêté le collège Cecy ?
J’ai arrêté le collège à 14 ans. […] Je m’en suis éloignée parce que j’aimais aller aux fêtes dans la rue. […]
Quand tu as arrêté le collège, tu travaillais hors de chez toi ?
Non, je ne travaillais pas. J’allais aux discothèques, aux fêtes chichas, par ici à Pamplona Alta. Ça me plaisait. On buvait. […]
Comment sont ces fêtes ?
Il y a des adultes, des gamins, des gamines… On danse, on boit…
À quel âge es-tu entrée dans la prostitution ?
À 16 ans. J’y suis restée deux ou trois ans, quelque chose comme ça, de 16 à 18 ans plus ou moins. […]
Comment as-tu commencé ? Comment ça s’est passé ?
J’ai connu des copines dans les fêtes chichas et je sortais avec elles dans la rue. […] Je voyais les filles qui y étaient qui avaient plus d’argent et qui pouvaient s’acheter des vêtements alors j’ai décidé de faire la même chose… »
20Ces réunions constituent pour les adolescentes un support social et affectif qui renforce les liens de fratrie élective avec leur groupe de pairs et leur permet de s’affirmer, au moins dans un premier temps, loin de leur famille. Sauf dans quelques cas très isolés, les parents ne sont donc pas les « facilitateurs » de l’entrée de leurs filles dans le commerce sexuel. Quand ces dernières vivent encore chez eux, ils ignorent fréquemment leur activité prostitutionnelle. La prostitution apparaît dans la continuité de l’économie informelle de subsistance, le sexe étant utilisé comme une source de revenus et une voie d’indépendance économique. Si l’entrée en prostitution est le produit d’une trajectoire entamée depuis l’enfance, et non pas d’un événement soudain, elle marque l’arrivée dans une nouvelle sphère sociale caractérisée par l’interdépendance entre les adolescentes et par un certain ordre hiérarchique qui dépend de la fréquence avec laquelle chaque fille pratique le commerce sexuel, ainsi que de son degré d’expérience [13]. Peu à peu, les adolescentes commencent à se percevoir comme des « prostituées ».
La « diversification » des formes de gestion de la déviance
21Dans ce processus, le moment où les filles se mettent à se prostituer sur le trottoir et à proximité de l’entrée des hôtels de passe est important. Certaines règles d’organisation interne aux groupes de filles s’imposent alors comme l’utilisation constante du préservatif, l’interdiction d’interférer dans la négociation avec un client, le respect strict du même tarif ou la solidarité en cas de problèmes avec un homme. C’est aussi à ce moment que les filles commencent à être confrontées aux entrepreneurs de morale précédemment évoqués : les patrouilles de police cherchent à les disperser par l’usage de la force ; les journalistes tentent (généralement sans succès) d’obtenir d’elles, moyennant rétribution des informations, de les prendre en photo ou de les filmer ; les travailleurs sociaux et les éducateurs d’ONG, à proximité des hôtels de passe, leur proposent d’intégrer des programmes de réinsertion sociale et de renoncer à leur activité et à l’usage des inhalants, en les mettant en garde contre les dangers qu’elles encourent et en les informant de leurs droits.
22Si tous ces groupes sociaux contribuent à stigmatiser les filles, il n’est pas pertinent de parler, au sujet des adolescentes prostituées de Lima, d’« identité déviante ». Les jeunes filles, en effet, n’assument un rôle de prostituée qu’à certains moments de la journée (la soirée puis la nuit) et que dans certains lieux (la rue, où il faut attendre les clients et les hôtels où se déroulent les rapports sexuels). Hors de leur activité nocturne, les adolescentes endossent des rôles qui, comme ceux de mère, fille, sœur, petite amie ou copine intime, n’ont rien à voir avec cette forme de transgression avant tout rémunératrice. Par ailleurs, elles ne savent jamais véritablement combien de temps elles se prostitueront. Aussi, s’il y a identification au rôle et à la fonction de prostituée, de putas, il n’y a aucune revendication et encore moins de sentiment identitaire par rapport à l’activité prostitutionnelle.
23Ces adolescentes cependant partagent certaines pratiques et doivent gérer, au quotidien, le stigmate qui pèse sur elles. Elles acceptent le contact avec les hommes et leurs désirs en offrant les services de leur sexe contre une somme d’argent compensatoire. Pour supporter la répétition des rapports sexuels dans la même soirée, elles consomment du terokal, une colle de cordonnerie dont l’inhalation altère l’état psychique. Le terokal transforme leur rapport au réel et à leur propre corps. Il les aide ainsi à se convertir en prostituées qui recherchent, pour augmenter leurs ressources, un nombre important de clients au cours de la nuit [14], et « facilite » leur présence continue sur le marché sexuel. Il ne sert pas ici, contrairement à d’autres cas de prostitution de rue, à revaloriser leur activité [15]. Les adolescentes prostituées partagent également des activités en marge de l’échange sexuel, comme le montre l’exemple des gatitas dans le district de La Victoria, près du centre de Lima : lorsqu’une fille monte dans une chambre avec un client et que celui-ci commence à se déshabiller, d’autres adolescentes, de connivence avec elle, pénètrent par surprise dans la chambre pour voler les affaires du client, lequel se trouve obligé de les poursuivre en caleçon dans la rue. Une autre technique, relevant d’une logique semblable, consiste à masturber le client pour le faire éjaculer avant que celui-ci ne les pénètre. Cette stratégie permet d’optimiser le rapport gain/temps et de fortifier une représentation du client comme personne facile à duper, ce qui renverse partiellement la situation de domination et donne aux adolescentes un sentiment de ne pas seulement subir leur situation.
24Enfin, des adolescentes dissimulent fréquemment leur activité de prostitution pendant la journée en pratiquant des formes de vente ambulante de friandises ou cigarettes pour échapper aux descentes policières et aux interventions des travailleurs sociaux. Elles masquent ainsi leur activité, mais n’en restent pas moins reconnaissables à certains détails vestimentaires : pantalon moulant ou jupe très courte, décolleté et chaussures à talons compensés qui les font paraître plus grandes. Quand des clients potentiels se présentent, elles changent soudainement de rôle pour offrir des services sexuels.
Formes de protection et liens affectifs à travers la prostitution
25Au nom de l’ordre public, les autorités répriment régulièrement la présence des jeunes filles par l’envoi de forces de l’ordre, souvent municipales. Les riverains des quartiers de Lima où se concentre la prostitution adolescente s’organisent, quant à eux, pour expulser les jeunes filles : s’il leur arrive de jeter des seaux d’eau depuis les balcons, le procédé le plus courant consiste à appeler la police ou la mairie, laquelle dispose de son propre service d’intervention, le Serenazgo. Les jeunes filles prennent l’habitude de jouer « au chat et à la souris » avec les services d’ordre qui se déplacent en véhicule : elles se faufilent dans de petites rues perpendiculaires à contresens de la circulation, entrent dans des taxis ou se réfugient dans les cages d’escalier des immeubles du quartier. Certaines adolescentes, pour échapper à cette traque qui s’exerce jusqu’à trois ou quatre heures du matin, décident d’intégrer une maison de passe affichant les services d’un salon de massage, de bains turcs ou autres saunas pour échapper aux services d’ordre. À l’intérieur de ces structures, les clients doivent négocier avec des intermédiaires avant le rapport sexuel, mais les adolescentes bénéficient en contrepartie d’une protection des « facilitateurs ». Elles se trouvent par conséquent davantage surveillées que dans la rue qui fait figure de marché du sexe plus autonome.
26La répression policière à l’encontre des adolescentes prostituées sur la voie publique conduit une majorité d’entre elles à attendre les clients en groupe à proximité ou à l’entrée des hôtels de passe. Le patron et les employés veillent alors à ce qu’aucune agression ne soit commise sur les filles qui, en retour, leur versent entre le tiers et le quart de l’argent reçu pour chaque passe. Cette situation, la plus courante, reflète une pratique « semi-indépendante » de la prostitution. Les jeunes filles conservent une majeure partie des gains pour leur budget personnel, parfois pour aider leur mère, et fréquemment assurer les dépenses liées au soin de leurs enfants. Dans d’autres cas, les adolescentes sont accompagnées par un jeune homme, souvent leur petit ami, qui vit de vol à la tire dans le même quartier, ou d’une ancienne prostituée, la mamita – une sorte de sous-maîtresse –, qui note le nombre de clients et distribue des préservatifs et de la nourriture aux jeunes filles. Ces garçons touchent une commission pour le service de protection qu’ils assurent en cas d’altercation avec la police, un client ou une autre fille.
Hellen, 19 ans (famille biparentale, cinquième d’une fratrie de cinq membres, en situation de prostitution depuis l’âge de 13 ans, deux enfants, résidence avec ses parents et son petit ami de 21 ans) :
« – Où exerces-tu la prostitution Hellen ?
Ça dépend des soirs mais c’est soit dans la zone de l’« hôpital », soit pas très loin à San Juanito, à côté de la station-service où il y a un autre hôtel. J’y vais entre cinq et six soirs par semaine de 19 heures jusqu’à 3 heures du matin environ. Toutes les filles qui se prostituent là-bas ont entre 15 et 21 ans.
Combien tu gagnes par passe ?
20 sols (6 euros) dont je donne 5 sols (1,5 euro) au patron de l’hôtel qui me donne une chambre où je reçois mes clients.
Tu habites avec tes parents ?
Oui, après avoir été dans la rue avec des autres filles, je suis retournée vivre chez mes parents, mais certains soirs je reste dormir dans des hôtels avec mon petit ami.
Qu’est-ce qu’il fait lui ?
Il traîne dans la rue quand moi je suis à l’entrée de l’hôtel. Il passe me voir pour savoir si ça va et si je n’ai pas eu de problème avec un client ou quand la police intervient dans la rue pour nous chasser parfois. »
28La relation entre les jeunes filles et leur petit ami qui les suit chaque soir sur le lieu où elles se prostituent combine protection physique, appui émotionnel et intérêt économique. L’argent gagné par les filles dans le commerce sexuel s’ajoute pour les garçons à celui qu’ils obtiennent par le vol. Avec quelques nuances, des liens affectifs de même nature s’observent avec les mamitas qui construisent avec les adolescentes une relation de proximité et de confiance, mais aussi avec leurs mères biologiques. Les gains prolongés de la prostitution aident en effet les jeunes filles à retrouver une place dans leur famille en assurant la survie de l’unité domestique. Dans ce cas, les mères savent d’où vient l’argent gagné par les adolescentes. Comme cela s’observait en Angleterre au XIXe siècle [16], la prostitution devient une aide décisive dans un contexte de grandes difficultés économiques pour le ménage monoparental. Elle n’est en outre pas stigmatisée par l’entourage familial qui n’y voit qu’une sorte de licence sexuelle prémaritale.
29Ces « tiers de la prostitution » [17] (petits amis, gérants d’hôtel de passe, anciennes prostituées du quartier, mères) jouent un rôle important dans le maintien des jeunes filles sur le trottoir et montrent la dimension équivoque de la figure du proxénète et des « facilitateurs ». S’ils peuvent contribuer de façon décisive à la protection des adolescentes dans la rue, ils se tiennent en retrait lors de la négociation et de l’échange avec les clients. Ils confèrent aux yeux des jeunes filles une forme de légitimité à l’activité de prostitution. Ils contribuent à alléger le stigmate que la société leur appose. Ces analyses s’appliquent également aux jeunes filles plus âgées (entre 17 et 22 ans) qui, après une période de vie dans la rue, retournent vivre avec leur famille, et notamment auprès de leur mère qui encourage la poursuite de leur activité. Les revenus de la prostitution aident le ménage à faire face à ses dépenses quotidiennes, ce qui permet de renouer avec les normes d’entraide familiale.
L’avantage comparatif des gains de l’économie informelle
30La prostitution a l’avantage essentiel, pour ces adolescentes qui ont arrêté très tôt leurs études, de permettre des gains bien supérieurs aux autres activités auxquelles elles peuvent prétendre. Quand le commerce ambulant de menus produits (cigarettes, friandises) ou les emplois domestiques dans des familles (ménage, lessive, cuisine, garde d’enfants) ne rapportent au mieux que 20 sols par jour en moyenne (6 euros), les relations sexuelles tarifées permettent de gagner le triple, voire davantage, sans les occuper à temps complet.
31Sur la place Manco Cápac dans le district populaire de La Victoria, les adolescentes obtiennent 15 sols (4,5 euros) pour une passe d’une durée de dix minutes environ. Le client prenant en charge le prix de la chambre d’hôtel, il reste à la jeune fille quelque 10 sols, une fois qu’elle a décompté les 5 sols versés à son petit ami ou plus souvent à la mamita. Six ou dix passes réalisées en une journée ou une nuit engendrent ainsi un revenu de 60 à 100 sols (18 et 30 euros). Sur l’avenue Miguel Iglesias qui borde l’hôpital María Auxiliadora dans le district de San Juan de Miraflores, les gains des jeunes filles sont plus élevés : chaque passe rapporte 20 sols (6 euros), dont elles doivent déduire 5 sols pour le patron de l’hôtel qui supervise les allées et venues dans son établissement. Dans cette zone du sud de Lima, les filles (une quinzaine en moyenne) attendent leurs clients de façon groupée dans un périmètre de dix à quinze mètres autour de l’entrée de l’hôtel et ne passent jamais plus de cinq à huit minutes avec chaque client. Une organisation identique de la prostitution s’observe sur l’avenue Velasco, dans le district de Villa El Salvador. Le nombre de clients varie : il est plus élevé le jeudi et le samedi soir, ainsi qu’au début du mois quand les salaires viennent d’être versés. En moyenne, chaque adolescente réalise entre cinq et dix passes dans la nuit, ce qui leur permet d’obtenir entre 50 et 120 sols environ (entre 15 et 36 euros) pour une présence sur place de 19 heures à trois ou quatre heures du matin. Les gains qu’autorisent la prostitution ne peuvent qu’encourager les filles à rester dans cette pratique qui, mieux que d’autres emplois, leur permettent de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants.
Jossy, 18 ans (abandon des parents, deuxième d’une fratrie de quatre membres, en situation de prostitution depuis l’âge de 15 ans, trois enfants de 1 à 5 ans) :
« – Comment ça s’est passé au début à l’“hôpital”?
J’ai commencé par besoin. J’y suis entrée quand j’avais 15 ans. J’avais plusieurs amies qui y étaient et j’ai commencé à les accompagner… L’argent que j’y ai gagné au début m’a permis d’acheter à manger… Ma fille Kiara était née depuis trois mois. Petit à petit je me suis habituée au rythme et au contact avec les clients. Avant ça, je travaillais tous les jours depuis l’âge de 10 ans. Je surveillais trois enfants dans des familles. J’ai travaillé un temps au bureau des migrations à Breña en faisant la queue pour les gens à l’entrée du bâtiment. Après, j’ai arrêté l’école à 13 ans et je vendais des bonbons dans la rue… Ensuite, par ici aussi je vendais des plats de ceviche le dimanche. Ça c’est quand j’avais 13, 14 ans mais j’avais besoin de plus d’argent et après à l’“hôpital” c’était plus rentable et je pouvais donner plus d’argent à ma mère et entretenir mes frères et sœurs qui n’ont pas de boulot. Ça me permettait aussi d’acheter des vêtements. »
33Dans un contexte de grande précarité, le besoin croissant d’argent n’explique pas l’entrée d’une adolescente dans la prostitution, mais justifie son intention d’y rester. Elle peut gagner, en cinq minutes, avec un unique client, l’équivalent d’une journée entière de travail.
34Aussi déterminant que soit, en matière de commerce sexuel, le poids de la pauvreté, l’analyse de l’entrée dans la prostitution ne doit pas éluder d’autres facteurs, comme ceux qui tiennent à la recherche d’espaces sociaux offrant un support alternatif à la famille, synonyme pour ces jeunes filles de violence quotidienne. Si l’on peut parler d’une stratégie d’adaptation à la précaritéà l’intérieur de l’économie informelle, et non d’une carrière dans la déviance, leur action individuelle se fait aussi sous des contraintes de domination, la sexualité féminine se mettant au service du désir masculin [18]. Leur corps devient alors le lieu symbolique d’un rapport de tension entre les besoins ressentis sur le plan collectif et la recherche individuelle d’un moyen de gagner de l’argent en retirant de l’exercice de la sexualité des ressources économiques.
35Si les adolescentes sont durement confrontées à des contraintes sociales, elles conservent une capacité d’arrangement qui leur permet de porter un jugement sur les individus qui les entourent (clients, patrons d’hôtels, membres de la famille). Cela contrebalance, au moins partiellement, leur vulnérabilité. Les adolescentes rencontrées se démènent pour assurer leur existence matérielle, rompre la menace d’un isolement affectif, et conserver d’elles-mêmes une image valorisante. Alors que certaines filles, une minorité sans doute, entrent dans une prostitution « ordinaire » de femmes adultes, beaucoup abandonnent les relations sexuelles tarifiées pour différentes raisons : des rencontres, une amélioration de la situation économique familiale, une maternité désirée, une migration en province, éventuellement un mariage…
Notes
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[1]
Robin Cavagnoud, « Sociología de la supervivencia: las adolescentes en situación de comercio sexual en Lima », Bulletin de l’Institut français d’études andines, 38(2), 2009, p. 327-357.
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[2]
Francisco Basili, Crisis y comercio sexual de menores en el Perú, Lima, Equipo Asociación Germinal, 1990.
-
[3]
Robin Cavagnoud et Jaris Mujica, « Prostitution adolescente et économie domestique dans le contexte portuaire de Pucallpa (Amazonie péruvienne) », Cahiers des Amériques latines, 68, mai 2012, p. 145-160.En ligne
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[4]
Gail Pheterson, Le Prisme de la prostitution, Paris, L’Harmattan, coll. « Bibliothèque du féminisme », 2001.
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[5]
Howard S. Becker, Outsiders. Études de sociologie de la déviance, Paris, Métailié, coll. « Leçons de choses », 1985.
-
[6]
Paola Tabet, « Du don au tarif. Les relations sexuelles impliquant une compensation », Les Temps modernes, 490, mai 1987, p. 1-53.
-
[7]
Verushka Villavicencio, El Cliente pasa desaparecido, Lima, Save the Children Suecia, 2004, p. 15.
-
[8]
H. S. Becker, Outsiders…, op. cit., p. 25.
-
[9]
Robert Wuthnow, Meaning and Moral Order. Explorations in Cultural Analysis, Berkeley-Los Angeles, University of California Press, 1989.
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[10]
Lorraine Nencel, “Pacharacas, putas and chicas de su casa: labelling, feminity and men’s sexual selves in Lima, Peru”, in Marit Melhuus et Kristi Anne Stolen (dir.), Machos, Mistresses, Madonas: Contesting the Power of Latin American Gender Imaginary, New York, Verso, 1996, p. 56-80.
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[11]
Carla De Meis, “House and street: narratives of identity in a liminal space among of prostitutes in Brazil”, Ethos, 30(1-2), mars 2002, p. 3-24.En ligne
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[12]
On peut rapprocher ces observations des travaux de Sébastien Roux sur la recherche de relations suivies entre prostituées thaïlandaises et Occidentaux à Patpong, voir No money, no honey. Économies intimes du tourisme sexuel en Thaïlande, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui/genre & sexualité », 2011.
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[13]
Lilian Mathieu, La Condition prostituée, Paris, Textuel, coll. « La discorde », 2007.
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[14]
J’ai pu observer des jeunes filles habitant (ou retournées vivre) chez leurs parents, sur le chemin de leur domicile au lieu de commerce sexuel : leur consommation de terokal débutait dans le bus et marquait une rupture entre l’univers domestique privé et celui de la prostitution sur la voie publique.
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[15]
Dans d’autres configurations, la drogue permet aux prostituées de revaloriser leur activité : voir Stéphanie Pryen, « Usage de drogues et prostitution de rue. L’instrumentalisation d’un stigmate pour la légitimation d’une pratique indigne », Sociétés contemporaines, 36, 1999, p. 33-51.En ligne
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[16]
Judith R. Walkowitz, Prostitution and Victorian Society. Women, Class and the State, Cambridge, Cambridge University Press, 1980.En ligne
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[17]
Paul Canarelli et Catherine Deschamps, « La fabrique de la passe », Sociétés, 99(1), 2008, p. 47-60.
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[18]
Pierre Bourdieu, La Domination masculine, Paris, Seuil, coll. « Liber », 1998.