Les troubles de l’identité sexuée ne sont pas fréquents. La prévalence de leur forme extrême, à savoir le transsexualisme, se situe, dans les évaluations, entre un pour trente mille et un pour cent mille ; pour un pays comme la France, deux à six mille personnes sont concernées. Mais c’est un désordre qui laisse perplexe, qui est difficile à classer d’un point de vue nosologique, et qui soulève des questions fascinantes sur le développement de l’identité sexuée.
Le transsexualisme est considéré par la Cour européenne des droits de l’homme comme un « auto-diagnostic », ce qui est probablement unique dans le domaine de la médecine. Les transsexuels ne se considèrent pas eux-mêmes comme souffrant d’un trouble mental, mais comme « victimes d’une erreur de la nature ». S’ils consultent des médecins, c’est seulement pour rectifier leur corps, pour le transformer en leur « vrai corps » qui sera en harmonie avec leur sentiment d’appartenir à l’autre sexe, c’est-à-dire le sexe autre que celui qui leur a été assigné à la naissance, autre que le sexe dans lequel ils ont été élevés et qui est leur sexe biologique (par définition les transsexuels ne sont pas des intersexués ; on ne trouve aucun marqueur biologique du trouble dans l’état de nos moyens d’investigation actuels).
Ainsi les transsexuels se considèrent comme normaux en ce qui concerne leur santé mentale. Stoller (1968) les considérait comme normaux, du moins ceux très rares qu’il reconnaissait comme transsexuels (Stoller n’a jamais adhéré à la notion d’une catégorie générale qu’on appellerait « dysphorie de genre »)…